Initiation à l’oraison #2 : « De tout mon cœur… »

L’oraison est un chemin de décentrement au cœur de moi-même.

Le parcours d’initiation à l’oraison de Fr. Eric Moisdon continue...

Avez-vous pu vous mettre en route à partir du premier article ? Approfondir votre chemin de prière ? Découvrir le triple recueillement et particulièrement l’importance de la respiration profonde qui est un long apprentissage ? Je vous y encourage à nouveau à partir des documents et exercices joints en bas de page…

Dans le premier article, j’ai utilisé cette phrase paradoxale : « L’oraison est un chemin de décentrement au cœur de moi-même ». Saint Augustin l’exprima lumineusement dans ses confessions : « Tu étais au-dedans de moi-même. Et moi, c’était au dehors que je te cherchais (…). Tu étais avec moi, mais moi je n’étais pas avec toi… » Faire oraison, c’est croire et m’ouvrir à celui que Maurice Zundel nomme le « Dieu intérieur ».

Notre société occidentale s’est construite sur une anthropologie « binaire » qui décrit l’humanité en deux composantes, le corps et l’âme. Le corps étant la réalité matérielle et l’âme l’ensemble des fonctions intellectuelles, psychiques, affective et spirituelles. Cette dernière est reconnue par ceux qui y croient comme la part immortelle de l’homme. Ce mode de distinction a malheureusement souvent mené à un discrédit du corps et une survalorisation de la pensée, avec ce drame de croire que « je suis parce que je pense », voire « par ce que je pense ». Dans une logique laïcisée, Dieu est devenu une éventualité qui est là si je choisis d’y croire, qui sinon me laisse à mon autonomie. Notre post modernité, par des chemins multiples, redécouvre, heureusement, l’unité vitale corps-âme, et souvent le cœur-esprit.

Ainsi rejoint-elle ce que les théologiens et les mystiques ont discerné d’une partie de l’âme, « plus élevée », qu’ils ont appelée : « étincelle de l’âme », « cime de l’âme », « pointe de l’âme » ou encore « étincelle de la conscience ». C’est donc souvent l’expérience spirituelle et mystique qui a mis en lumière cet espace, cette capacité de Dieu en l’homme.

Saint Paul, en 1Th 5,23, distinguait cette réalité divine en nous des deux autres : « Que le Dieu de la Paix vous sanctifie lui-même tout entiers, et que votre cœur-esprit, votre âme et votre corps soient conservés complets, sans reproche… » Cette anthropologie « ternaire » (3 termes) rend compte du fait que nous sommes en Dieu et Dieu en nous.

L’oraison consiste à essayer de rejoindre en moi cet espace et faculté intérieurs ‒ mon cœur profond ‒ en m’ouvrant à Dieu, cet « Amour diffusif » (P. Marie-Eugène). « La dimension spirituelle proprement dite se révèle quand nous commençons à comprendre qu’au plus profond de nous murmure une source » (Bernard Hugeux).Thérèse d’Avila exprime ce pèlerinage intérieur comme la traversée des pièces d’un château pour en atteindre le centre : la chambre nuptiale et l’Époux qui l’habite.

Saint Bonaventure, dans la ligne franciscaine, présente ce chemin du cœur comme « un retour vers une qualité originelle de relation à Dieu ». L’oraison, parabole de ma vie, est désir de « laisser Dieu être Dieu » en moi et pour moi. « Retour vers » évoque la conversion du Fils prodigue qui revient à son Père pour se replonger librement dans la relation originelle et en recevoir la Vie véritable.

Sur mon chemin d’oraison, je peux me laisser guider par cette invocation : « Père, me voici », dans la simplicité du désir d’être à Dieu, de revenir…

Il me semble que 3 dimensions, 3 attitudes, 3 fruits se déploient, sont donnés, lorsque j’avance sur ce chemin du cœur : la gratitude, la chasteté, la générosité.

  • La Gratitude : À l’origine « Dieu vit que tout ce qu’il avait fait était très bon », nous dit la Genèse. En écho, l’humanité a vocation à répondre à cette bénédiction par la louange. « Béni sois-tu Seigneur de m’avoir créée » s’exclamait sainte Claire à la fin de sa vie. Avoir une conscience positive et émerveillée qu’un autre – Dieu ‒ a l’initiative permanente de ma vie peut demander du temps, le temps de ma conversion. L’oraison est un lieu pour me rapprocher de cette source et me laisser saisir par la louange à la suite de Jésus qui priait ainsi : « Père je te bénis. »
    Je peux reprendre cette Invocation dans mon oraison.
  • La Chasteté : la joie de la différence : Le Commandement de Jésus est en fait une promesse : « Tu es fait pour aimer Dieu, et ton prochain, comme toi-même. » Lorsque la vie divine se déploie en moi, que mon existence devient un peu plus le jaillissement de mon cœur profond, je deviens peu à peu Amour, humblement réjoui de qui je suis, libre aussi de me réjouir des autres dans leur différence. Cela m’est donné, comme François devenant le frère universel de toute créature. La paix diffuse…
    Invocation pour l’oraison : « Toi-Moi » en savourant la communion et la distance avec Le Tout Autre. C’est Dieu.
  • La Générosité est le mouvement de la vie : la joie d’avoir tout reçu conduit à se donner, librement, sans peur. « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Matthieu 10,8). « Ne brisez pas l’élan de votre générosité, mais laissez jaillir l’Esprit » (Romains 12,11). « Dieu nous donne de nous donner », dit sainte Claire ; nous sommes faits pour cela.
    Invocation (un peu longue) pour mon oraison : « Ne gardez pour vous rien de vous afin que vous reçoive tout entiers celui qui se donne à vous tout entier » (saint François).

Je peux veiller à favoriser dans mon quotidien l’acquisition de ces trois grâces.

Fr. Eric Moisdon, OFM


Textes pour aller plus loin…

Spiritualité d’enfant
Ne pas se tromper de combat
Mon oraison
Mon CŒUR-ESPRIT
Le Dieu intérieur
Fromaget Corps
Bibliographie

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