Fr. Eric Moisdon, franciscain à l’ermitage de La Cordelle, nous propose une initiation à l’oraison. Le début d’une série commandée par les Cahiers de spiritualité franciscaine. Bon voyage intérieur !
« Le Christ est notre Paix », non seulement parce qu’il insuffle sa paix en nos cœurs, mais plus essentiellement parce qu’Il habite lui-même notre cœur, Lui, le Prince de la Paix : « Si quelqu’un m’aime le Père et moi viendrons habiter en lui » (Jn 14,23).
L’oraison est cette prière de simplicité qui consiste à me rendre présent à cette Présence divine intérieure, dans le silence d’une mystérieuse Rencontre. Comme le dit le psaume 130 : « Mon âme est en moi comme un petit enfant contre sa mère. » Et le paysan d’Ars qui décrivait sa prière au curé le trouvant devant le Saint-Sacrement : « Je l’avise et Il m’avise. » Ce qui a fait écrire au P. Caffarel : « l’Oraison, ce n’est pas « fabriquer de la prière », mais rejoindre en nous quelqu’un déjà en train de prier. »
Maîtresse en oraison, Thérèse d’Avila dit que « selon elle, l’oraison n’est pas autre chose qu’une amitié intime, un entretien fréquent, seul à seul, avec Celui dont nous nous savons aimé » (Vie 815). Il s’agit donc, paradoxalement, d’un chemin de décentrement au cœur de soi-même. Rencontrer en soi « Celui dont je me sais aimé ». Le P. Caffarel précise : « Il m’aime depuis toujours, tel que je suis, personnellement, et Il me regarde avec Amour. » Faire oraison, c’est donc, dans la foi, me livrer à ce regard d’Amour sur moi.
L’engouement actuel pour la méditation n’est pas qu’une mode mais une nécessité inscrite au cœur de l’homme à qui l’Église a trop peu proposé ce chemin d’intériorité. « Plus de gens qu’on ne le croit seraient capables de faire oraison, mais personne ne le leur a appris. Or sans cette intériorité, les baptisés s’essoufflent, leur action devient cymbale sonore et même leur pratique religieuse, quand elle existe, se dessèche », écrit saint Jean-Paul II. C’est mon expérience ! Cherchez d’abord le Royaume de Dieu, la Présence du Christ, et votre vie en sera transformée.
Jésus se retirait le matin à l’écart pour prier son Père et pouvoir au long de la journée agir en sa Présence. Le premier acte est donc d’abord de trouver le moment que vous voulez consacrer à l’oraison : le matin, à la pause du midi, le soir, durant le week-end… Il faut du temps pour entrer dans la prière. Commencez par 20 à 30 minutes. Et, bien sûr, découvrez un lieu où vous serez au calme, libre vis-à-vis des autres.
L’ORAISON, UN TRIPLE RECUEILLEMENT
Le grand ennemi de nos vies, c’est la distraction, l’absence. Le grand enjeu c’est la Présence. Mais ce qui est simple n’est pas nécessairement facile. Le « triple recueillement » que je vous propose ici m’aide à me poser et à m’intérioriser.
- Dieu est le Présent du présent. Mon mental, lui, voltige. Mon corps, par contre « m’incarne » dans le réel, m’oblige à consentir à être là, limité, dans « l’ici et maintenant ». D’où l’importance d’entrer dans la prière par mon corps. Je choisis une posture (assis, à genoux…) qui me convient, une attitude stable et souple à la fois. Je peux accueillir le lieu où je suis par un simple regard. J’essaie de ressentir mon corps, pesant, enraciné au sol, le haut de ma tête tendu vers le ciel : verticalité propre à l’humanité et symbole de résurrection. Je suis là ! Je suis mon corps, qui est « le Temple de l’Esprit saint ! » Je goûte…
- Le grand ennemi de la présence, de la prière, c’est mon mental, qui m’entraîne toujours ailleurs, vers autre chose. L’oraison passe par l’effort de lâcher mes idées et mes soucis pour laisser venir le silence du cœur, la paix de la Présence et de l’abandon. La respiration profonde est un moyen privilégié pour « descendre de la tête au cœur », du mental agité à une intériorité ouverte. Être attentif à mon souffle, l’habiter dans son mouvement vertical, cette grande colonne de lumière et de paix qui m’apaise et me rend disponible à Celui qui est la paix en moi.
- Désirant être là pour Dieu, quelques mots (ou une image) peuvent s’avérer utiles pour canaliser mes pensées, diriger mon désir. Mais ils ne sont qu’un support, utile mais à dépasser vers le silence. Thérèse d’Avila nous enseigne que nous pouvons user des mots « comme la mouette » qui bat des ailes pour prendre son envol puis se laisse planer sur les courants aériens. Elle bat à nouveau des ailes pour reprendre de l’altitude quand nécessaire. Je reviens moi aussi à mon invocation lorsque je suis reparti dans mes idées. Les mots orientent, mais je n’y réfléchis pas, « ils sont comme les ailes de mon désir ». De toute manière, le Dieu qui vient à moi est toujours autre et au-delà de ce que les mots peuvent dire de Lui. C’est lui le Maître de ma prière.
Je peux par exemple dire, tout en expirant profondément jusqu’au creux de mon bassin : « Père » (il est ma Source vers qui j’oriente tout mon être). Sur l’inspiration : « Me voici » en me déployant vers Lui, en Lui, pour Lui. Vers le Silence… La tradition orientale déploie la « prière du cœur » : sur le rythme de la respiration, l’orant répète inlassablement la prière de Bartimée : « Seigneur Jésus Christ, aie pitié de moi ».
Je vous invite donc ces prochaines semaines à une certaine humilité : entrer dans la prière par cette présence douce au corps et au souffle (ainsi qu’en goûtant les textes proposés). Le christianisme est la religion du corps (Incarnation, Résurrection de la chair). Habiter mon corps et mon souffle s’avère une expérience privilégiée pour me laisser habiter par le Christ qui a revêtu une chair semblable à la mienne et, en Lui, aller au Père.
Bibliographie et textes pour aller plus loin…
BIBLIOGRAPHIE
Un cœur sans rempart, Marie-Laure Choplin., Editions Labor et Fides, août 2018, 97 p., 13€.
« Une invitation poétique à vivre l’expérience quotidienne de la méditation chrétienne. À tout petits pas sont abordées les principales étapes que traverse habituellement celui qui désire donner ainsi corps à sa vie spirituelle. En proposant de courts textes magnifiquement écrits et délaissant volontairement le vocabulaire religieux « traditionnel », Marie-Laure Choplin nous offre un splendide voyage spirituel qui atteint le lecteur au cœur. »
L’oraison. Petit guide pratique, Dominique Sterckx, Editions Emmanuel, février 2021, 160 p., 14€.
« Comment vivre au quotidien une rencontre avec Dieu ? Quand nous nous retrouvons seuls devant Lui pour un temps de prière personnel, bien souvent, nous ne savons vite plus que dire ou faire. Le guide pratique de l’oraison de Dominique Sterckx nous livre un mode d’emploi de l’oraison simple et incarné, basé sur l’expérience séculaire des grands témoins de l’oraison, les saints du Carmel. Il nous montre les moyens concrets pour entrer en prière, nous guide dans les difficultés (distractions, sécheresses…) et surtout nous donne le goût de cultiver cette rencontre d’amitié avec Dieu qui change la vie. A propos de Frère Dominique Sterckx : Carme déchaux de la province de Paris, frère Dominique Sterckx a exercé des responsabilités variées pendant plus de cinquante ans, avec un important ministère d’accompagnement. Il nous livre le fruit d’une une vie de prière. »
TEXTES POUR APPROFONDIR
Connaissez-vous les Cahiers de spiritualité franciscaine ?
Traitant de thèmes de société actuels, ils offrent des pistes de réflexion en s’appuyant sur la Bible, les traditions et les sources franciscaines. Ils s’adresse autant aux membres de la famille franciscaine qu’à toute personne intéressée par la spiritualité de saint François d’Assise !
En savoir plus.