Saint François au Louvre – Les stigmates de saint François

Ce n’était pas le martyr de son corps, mais l’amour incendiant son âme qui devrait le transformer à la ressemblance du Christ crucifié.

Nous continuons de vous emmener dans les couloirs du Louvre, à la découverte d’œuvres illustrant la vie de saint François. En ce mois de septembre, où la famille franciscaine fait mémoire des stigmates du Poverello, Cécile Langlois nous propose une réflexion sur cette expérience à travers le regard de deux artistes bien différents.

Saint François est le premier saint stigmatisé reconnu par l’Église. En 1224, deux ans avant sa mort, il médite la Passion du Christ sur le mont Alverne pendant le carême de la Saint-Michel. Un jour, au cours de sa prière, il vit descendre sur lui un séraphin pourvu de six ailes et portant l’image d’un crucifié. Lorsque la vision disparut, saint François portait dans sa chair les plaies de la Passion. “Ce n’était pas le martyr de son corps, mais l’amour incendiant son âme qui devrait le transformer à la ressemblance du Christ crucifié”, nous dit saint Bonaventure (LM 13). Pour plonger dans cette scène, j’ai choisi deux tableaux qui racontent un même miracle sous deux aspects de la personnalité de saint François, entre action et contemplation.

L’ACTION DU COMBAT

Arrêtons-nous d’abord sur ce premier tableau intitulé Saint François recevant les stigmates, peint par Giotto dans le premier quart du XIVe siècle. Le peintre italien plante le décor dans un espace à trois dimensions. L’ermitage de l’Alverne est matérialisé par les deux chapelles qui entourent le saint, l’une en contrebas, l’autre au-dessus de lui. La montagne est couverte d’arbres et l’on voit, sous les pieds du saint, que le versant est abrupt. Saint François, auréolé, est agenouillé. Remarquez sa taille immense. Il a les pieds bien posés sur le rocher, son regard est dirigé vers le haut, vers la vision du séraphin. C’est le Christ qui vient à lui, reconnaissable à son nimbe cruciforme. Il a les bras étendus et l’on voit bien les rayons d’or qui partent de ses blessures et vont toucher les mains, les pieds et le côté de François.
Remarquez la composition du tableau : la scène vue en contre-plongée, le jeu des diagonales, la position de François légèrement rejeté en arrière, de trois quarts, son corps est tendu vers la vision et ses mains levées sont prêtes à recevoir les stigmates. Giotto montre saint François actif, le regard plongé dans celui du Christ, comme un chevalier adoubé par son Seigneur. Il est prêt à affronter tous les combats spirituels. “Comme un preux chevalier, il resta sans peur face à la bataille qui s’annonçait” (Celano 1-93). Le fond d’or accentue le côté divin et indique que c’est une vision mystique. C’est un face-à-face entre saint François et le Christ, le Seigneur de sa vie, à qui il s’est donné tout entier.

L’INTIMITÉ DE LA CONTEMPLATION

Trois siècles plus tard, Laurent de La Hyre (1606-1656) représente la même scène mais avec une vision très différente. Dans son tableau, Paysage avec la stigmatisation de saint François, le fond d’or est remplacé par un paysage naturel et minéral, une immense grotte qui est en fait le sujet du tableau et dans laquelle les personnages se confondent.
À peine visible à l’entrée de la grotte, frère Léon, le compagnon fidèle du Poverello, tourne le dos à la scène. À gauche du tableau, François est à demi étendu contre la paroi de la grotte. Il est représenté pauvre et méditant sur l’éphémère de la vie, une iconographie en vogue au XVIIe siècle. Son attitude est passive, ses bras sont ouverts et son regard est tourné vers la vision qui surgit en haut à droite de la composition.
La source de lumière principale vient de l’apparition du séraphin portant un bel homme dans la force de l’âge dont nous devinons qu’il s’agit du Christ. Tout est lumineux et blanc dans l’apparition, c’est un Christ glorieux qui se penche vers le saint. La souffrance est dans le visage de François qui est exténué, au point de ressentir dans sa chair les plaies de la passion qui s’impriment dans ses mains, ses pieds et sur son côté.
Si, dans son œuvre, Giotto représente saint François de manière plus active, prêt au combat et à servir son Seigneur et maître de sa vie comme le preux chevalier qu’il désirait être, La Hyre montre un homme contemplatif, accueillant l’amour de son Seigneur, tout entier absorbé par lui, nous faisant percevoir l’expérience des stigmates de manière plus intime.
Saint François était constamment tendu entre son désir de vivre, d’annoncer et de témoigner de l’Évangile, et sa méditation incessante du mystère du Christ. Les stigmates sont le couronnement de sa vie : comme saint Paul, il pouvait dire : “Avec le Christ, je suis fixé à la Croix, je vis mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi.” (Ga 2, 19-20)

Cécile LANGLOIS, OFS
guide conférencière

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