Des personnes baptisées, dites « stigmatisées », l’Église catholique n’en a reconnues, à ce jour, officiellement que deux : saint François d’Assise et sainte Catherine de Sienne. Chaque 17 septembre, la Famille franciscaine fait mémoire des stigmates de saint François d’Assise.
STIGMATES ET CRÉATION NOUVELLE
Le mot fait partie de notre vocabulaire courant : on dit de quelqu’un qu’il porte sur son visage ou sur ses mains les « stigmates » de la pauvreté, de la souffrance ou du travail dur ; autrement dit, que ces épreuves ont laissé des traces sur son corps. De même, parle-t-on de « stigmates » dans le cas de marques miraculeuses disposées sur le corps comme les cinq blessures de Jésus, aux mains, aux pieds et au côté.
À première vue, le sujet est plutôt doloriste, voire relevant de la piété sanguinolente. Cependant, certains ont voulu voir dans les stigmates reçus par François d’Assise, le 17 septembre 1224, un événement hautement révélateur de la vie et de la mission du chrétien : être « une expression de l’amour du Crucifié ». Ces mots sont ceux d’un théologien suisse du XXe siècle, Hans Urs von Balthasar1. Que nous disent-ils à partir de l’expérience de François ?
UNE CONFIRMATION DE L’AMOUR DE DIEU
Progressivement, François a voulu mettre ses pas dans ceux de Jésus, mémorisant les paroles de l’Évangile et agissant selon elles dans sa vie quotidienne. Il comprit que la pauvreté volontaire était le chemin pris par Jésus : pauvreté du Fils de Dieu venant dans la chair ; pauvreté du prédicateur itinérant en Palestine ; pauvreté du Fils priant le Père ; pauvreté de l’Homme compatissant envers toute forme de détresses ; pauvreté du Maître lavant les pieds de ses disciples ; pauvreté du Serviteur souffrant la mort de la croix. De même, François, prédicateur itinérant, serviteur des lépreux, ermite fervent… Et ces marques des clous de Jésus imprimées dans la chair de François, nous pouvons les comprendre comme les signes – ou sceau – de la conformité de la vie de François avec celle de Jésus. Le même Balthasar écrira : « L’amour de l’homme amollit la cire du cœur, l’amour de Dieu y imprime son sceau »2. François a cherché à aimer et, dans son initiative gratuite, Dieu a comme confirmé cet amour par ces signes visibles. François reçoit les stigmates dans un moment d’extase, qui « n’est pas un survol ni un abandon du monde, mais l’ouverture du monde à Dieu ou, plus exactement, la manifestation du fait que le monde est déjà embrassé par Dieu »3.
Ces signes viennent mettre au jour une « manière franciscaine d’être au monde » par le langage de la chair, comme l’exprime le philosophe Emmanuel Falque4. Dans un mouvement qui va de la mort à la vie, de la nudité en place d’Assise à la nudité de la mort, François célèbre la mort corporelle, « notre sœur », dans le Cantique de frère soleil. Avec lui, la chair, dans son épaisseur, devient verbe, parole, langage.
CONFORMÉ AU CHRIST SOUFFRANT
Un autre stigmatisé célèbre est le Padre Pio, frère mineur capucin, mort en 1968 et fêté le 23 septembre. Étonnante destinée de ce jeune homme du sud désertique de l’Italie qui, durant 50 ans, portera aux pieds, aux mains et au côté les marques saignantes de la Passion de Jésus. Il se qualifiera de « mystère » à lui-même (lettre du 17 mars 1916) : entre amour et douleur, il est le sujet de plusieurs expériences, dignes des plus grands mystiques (nuit des sens, transverbération, bilocation…), culminant dans l’union qui s’opère dans la stigmatisation le 20 septembre 1918.
Conformé au Christ souffrant, il devient pour toute sa vie, coopérateur du Christ Sauveur, dans la célébration de l’Eucharistie et du sacrement de la Réconciliation, dans l’accompagnement spirituel et la création de l’hôpital du Soulagement de la souffrance, dans la prière et la vie fraternelle. En tout cela, il est « ce Cyrénéen qui porte la croix d’un grand nombre », écrit-il à son père spirituel, le P. Agostino, le 8 mai 1919, et qui témoigne à ce « grand nombre » de l’amour miséricordieux de La Trinité créatrice.
Fr. Éric BIDOT, OFM cap