Saint François au Louvre – “Devenir nous aussi enfants de Dieu”

Dieu l’avait appelé, à l’image et à la ressemblance du Précurseur, à prêcher la pénitence, tant par l’exemple que par la parole, frayant ainsi le chemin dans le désert à la très sainte pauvreté.

De la basilique Saint-François à Assise jusqu’aux églises qui, partout en Europe, comptent d’innombrables statues ou peintures, les représentations artistiques de saint François sont considérables. Nos musées également ne sont pas en reste. Dans une série d’articles, Cécile Langlois, membre de la Fraternité séculière et guide conférencière, nous propose un détour par le musée du Louvre.

Pour démarrer, j’ai choisi de m’arrêter devant un retable du XIVe siècle. Ce tableau d’autel a été réalisé vers 1350 par le peintre vénitien Paolo Veneziano, l’un des peintres vénitiens les plus influents de son époque, et se compose de trois panneaux en bois de peuplier. Le style est précieux, riche, tout en finesse : c’est le gothique international. Les personnages sont peints sous des arcades polylobées, comme dans les églises gothiques. Ils ont les pieds bien ancrés sur un fond bleu qui représente la dimension terrestre et sont peints sur un fond d’or symbole de la dimension divine.
À l’instar des icônes byzantines, cette œuvre a aussi une valeur symbolique, inscrivant l’invisible dans le visible. L’expression des visages, le jeu des regards, les gestes… Chaque détail reflète la spiritualité dont les personnages sont porteurs. Aux extrémités de ce retable sont ainsi représentés saint François d’Assise et saint Antoine de Padoue, en compagnie de saint Jean-Baptiste et saint Jean l’Évangéliste. Pourquoi ces mises en relation ?

PÉNITENCE ET PAUVRETÉ

Afin de comprendre cette étonnante association, posons d’abord notre regard à gauche, où François est associé à Jean-Baptiste. Ce sont les biographes du Poverello qui nous donnent la réponse. Thomas de Celano et saint Bonaventure nous racontent qu’au moment de la naissance de François à Assise en 1187, son père, marchand drapier, était parti en France pour son commerce. Sa mère accouche et donne à son petit garçon le prénom de Jean avec pour saint patron Jean-Baptiste. Lorsque son père revient de voyage, il change le prénom de l’enfant et décide de l’appeler François, qui signifie “le petit français”, tant il aimait la France. “Originaire de la ville d’Assise, sur le territoire de Spolète, il avait d’abord reçu de sa mère le prénom de Jean ; son père le nomma François ; mais s’il conserva le prénom imposé par son père, il ne perdit en rien de la grâce contenue dans celui qu’avait choisi sa mère” (Legenda Minor).
Dans notre retable, on peut aussi observer des similitudes entre ces deux personnages. Jean-Baptiste tient un rouleau des écritures car il est le dernier prophète de l’Ancien Testament. François, lui, se tient presque dans la même position, avec l’Évangile dans sa main gauche. Bonaventure nous éclaire sur ce parallèle : “Dieu l’avait appelé, à l’image et à la ressemblance du Précurseur, à prêcher la pénitence, tant par l’exemple que par la parole, frayant ainsi le chemin dans le désert à la très sainte pauvreté” (Legenda Major).

AMOUR DE L’INCARNATION

De l’autre côté du retable, Jean l’Évangéliste est à proximité de saint Antoine de Padoue. A priori, il n’y a pas de raison particulière à cette association. Et pourtant, sur ce retable, si saint Antoine est placé, comme saint Jean, du côté de l’Enfant Jésus, ce n’est pas un hasard. Car la Vierge à l’enfant, sur le panneau central, est le symbole de l’Église qui présente aux fidèles le mystère de Dieu fait homme. Or le saint de Padoue a profondément médité le mystère de l’incarnation, de la crèche à la Croix. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles, dans nos églises, ce dernier est très souvent représenté portant l’Enfant Jésus dans ses bras.
Près de saint Antoine, saint Jean l’Évangéliste, lui aussi placé à côté de l’Enfant Jésus, tient un livre ouvert. Il n’est pas interdit de penser que le livre nous indique le Prologue de l’Évangile de Jean : “Au commencement était le Verbe et le verbe était tourné vers Dieu et le Verbe était Dieu. […] À ceux qui l’ont reçu, à ceux qui croient en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. […] Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous.” (Jn 1, 1)

Sur les pas de saint Antoine et à quelques jours de sa fête (13 juin), prenons donc le temps de contempler ce retable pour suivre l’invitation de saint Jean à devenir nous aussi “enfants de Dieu”.

Cécile LANGLOIS, OFS,
guide conférencière

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