Pour le troisième article de cette série “Saint François au Louvre”, Cécile Langlois, guide conférencière et tertiaire franciscaine, nous propose de nous arrêter devant ce grand tableau qui invite, comme à Bethléem, à l’adoration.
Le Louvre révèle des trésors cachés qui ne parlent qu’à vous seuls, c’est ce qui m’est arrivé dans la salle Mollien de l’aile Denon. Là se trouvent les “grandes machines” : c’est ainsi que l’on appelle les tableaux monumentaux de cette galerie consacrée à la peinture du XIXe siècle. Comme l’effet d’une surprise, un tableau m’attire irrésistiblement. Je m’approche et que vois-je : une représentation de l’Intérieur de la basilique basse de Saint-François, à Assise peint par un peintre aixois, François-Marius Granet.*
Il est placé à côté de ces “monstres” que sont Le radeau de La Méduse de Géricault et La Liberté guidant le peuple de Delacroix qui évoquent pour l’un, un drame humanitaire, les rescapés d’un naufrage qui vont s’entredévorer ; pour l’autre, une révolution fondatrice de l’image de la République. À côté d’eux, La mort de Sadarnapale, de Delacroix, représente un évènement historique et fantasmé dans lequel un dictateur mourant fait égorger, au pied de son lit, ses épouses et concubines. Bref, des évènements parlant de morts et de destructions. Et puis, il y a ce tableau de Granet qui invite au silence, à la méditation face à la violence du monde. Il s’y dégage un sentiment de paix et de sérénité irrésistible.
ÉGLISE ET SACREMENTS
Que voit-on ? Des gens en prière au cours d’une messe dans la basilique d’Assise. Un ciel étoilé couvre les voûtes de la nef et une douce atmosphère lumineuse amène notre regard vers l’autel ; on a l’impression de pénétrer dans une grotte. Le peuple rassemblé est en adoration, à genoux, mais laisse vide un large cercle lumineux. Un homme avec son chien, un genou en terre, nous regarde et nous invite à pénétrer dans le cercle. Notre regard est attiré irrésistiblement vers l’autel, vers le mystère qui s’y déroule. Dieu se fait présent au milieu des hommes comme à Noël.
Pour nous, famille franciscaine, nous pouvons penser à la fresque de Giotto représentant Greccio, qui se trouve au-dessus, dans la basilique supérieure. Giotto fait le lien entre la crèche et l’eucharistie et montre saint François célébrant la messe au-dessus de la mangeoire où l’Enfant Jésus s’y montre mystérieusement présent. Granet, quant à lui, insiste sur le lien entre l’Église et l’Incarnation. D’ailleurs, regardez les fresques de la première chapelle à gauche. La première, à portée de regard, montre un saint portant l’Enfant Jésus. Cela ne peut pas être un hasard. Plusieurs religieux sont présents dans ce tableau, un pape dans une fresque de l’arc, un prêtre en soutane à l’entrée de la chapelle, un autre devant le confessionnal. C’est l’Église qui donne à connaître au monde le mystère de l’Incarnation par les sacrements. Et ce mystère est pour tous.
TOUS SAUVÉS
Dans ce tableau, la simplicité et l’humilité franciscaine ont toute leur place. Remarquez le peuple à genoux : il est humble, aucun signe de richesse dans ses habits. Le mendiant à l’entrée de la chapelle à gauche n’est pas exclu, il est présent avec ses instruments de musique qui doivent lui permettre de gagner quelques sous. Un petit enfant est debout devant lui. L’homme avec son chien est sans doute un pèlerin, son bâton est posé par terre à côté de lui. L’animal nous rappelle la proximité de saint François avec tous les animaux, son respect de la création.
En ce temps de Noël, malgré la fureur et la violence du monde, nous nous rappelons que tous les hommes, toutes les femmes, tous les enfants, sont sauvés par l’Incarnation du Fils de Dieu et même toute la création. C’est la bonne nouvelle que porte l’Église.
Saint Paul dit dans l’épître aux Romains : “J’estime en effet que les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire qui doit être révélée en nous. Car la création attend avec impatience la Révélation des Fils de Dieu. Nous le savons en effet, la création tout entière gémit maintenant encore dans les douleurs de l’enfantement. Car nous avons été sauvés, mais c’est en espérance” (Ro, 8).
Cécile LANGLOIS, OFS,
guide conférencière
*Le tableau a été peint par un peintre aixois, François-Marius Granet, de la première moitié du XIXe qui fut conservateur du musée du Louvre et du château de Versailles. Il aimait représenter les intérieurs de couvent des capucins en particulier. Il avait une sensibilité chrétienne et même franciscaine.