Saint Antoine de Padoue : une vie XXL

Tu as toujours béni le Seigneur et tu as aidé les autres à le bénir.

Vous connaissez saint Antoine de Padoue, mais avez-vous déjà entendu parler de saint Fernand de Lisbonne ? Découvrez le parcours et la vie pleine d’intensité de celui que le pape Léon XIII surnommait le “saint que tout le monde aime”.

SAINT ANTOINE DE… LISBONNE !

S’il est mort à Padoue, saint Antoine, ou plutôt Fernand de son nom de baptême, est né au Portugal à la fin du XIIe siècle. D’une famille aisée, il reçoit une très bonne éducation. Très tôt, il se sent appelé à la vocation religieuse et entre chez les chanoines réguliers de Saint-Augustin à Lisbonne puis à Coimbra où il est ordonné prêtre. Non loin de là, un groupe de disciples de saint François vit dans un ermitage. Ils viennent régulièrement demander l’hospitalité et l’aumône au monastère où Fernand, alors hôtelier, peut s’entretenir avec eux. Cette petite communauté franciscaine, qui vit dans une pauvreté radicale, l’interpelle…

UN DÉSIR DE MARTYR

À cette époque, l’Ordre franciscain naissant est déjà international. François a envoyé ses frères prêcher en Terre sainte, en Espagne ou encore au Maroc. Un jour, la nouvelle tombe : cinq franciscains viennent de mourir en martyrs au Maroc et leurs corps sont ramenés à Coimbra. Fernand est particulièrement marqué par ce témoignage de foi. En quête de Dieu et d’absolu, il écrit aux frères : “Je désire vivement revêtir la bure de votre ordre, du moment que vous me promettez de m’envoyer […] au pays des Sarrasins ; c’est que j’espère venir partager la couronne de vos saints martyrs.” Admis au sein de l’Ordre, il prend le nom d’Antoine en hommage à saint Antoine du désert. Il s’embarque pour Marrakech mais son désir de martyr est contrarié par une fièvre qui le cloue au lit. Obligé de regagner le Portugal, il reprend la mer mais, nouveau rebondissement, une tempête le pousse vers les côtes siciliennes et jusqu’à… Assise.

UNE VIE D’ERMITE À BOLOGNE

En 1221, François convoque tous ses frères (alors au nombre d’environ 5 000 !) à la Portioncule, berceau de l’Ordre près d’Assise, pour le Chapitre des nattes. Bien qu’éprouvé tant physiquement que moralement, Antoine s’y rend seul, presque livré à lui-même. À l’invitation d’un frère qui cherche un autre frère pouvant célébrer la messe, il rejoint l’ermitage de Montepaolo, au sud de Bologne. Dans cette montagne, il passe un an et demi dans le recueillement et la méditation.

COMING OUT : “TU SERAS PRÉDICATEUR !”

En septembre 1222, non loin de là, dans la ville de Forli, de nombreux frères sont réunis autour de l’évêque avec des frères dominicains pour des ordinations sacerdotales. Au moment de prononcer une conférence spirituelle, personne n’accepte de prêcher. Le gardien de l’ermitage de Montepaolo se tourne alors vers Antoine et insiste : “Vous direz tout ce que l’Esprit saint vous suggérera.” Stupéfaction générale : comment un homme vivant incognito dans le silence d’un ermitage renferme-t-il un tel trésor de science et de connaissance ? On lui confie, sans plus tarder, officiellement la charge de prédicateur. Et en 1224, saint François lui adresse une lettre lui permettant “d’enseigner aux frères la sainte théologie.” C’est ainsi qu’Antoine fondera à Bologne, presque malgré lui, la première école de théologie franciscaine !

UN APOSTOLAT ITINÉRANT

Il part alors de ville en ville, semant la parole et combattant les arguments des mouvements cathares et albigeois. Partout où il passe, il accomplit des miracles et fonde un nombre incalculable de couvents. Celui que l’on surnomme le “marteau infatigable des hérétiques” est appelé à exercer son ministère dans le Midi de la France dont la première étape sera Montpellier. Cette vie d’itinérance et de pauvreté le conduit à Toulouse où il fonde une école de frères, puis au Puy, à Limoges, à Bourges, à Solignac et enfin à Brive en 1226 où il se retire dans des grottes pour méditer.

Saint Antoine de Padoue guérissant un jeune homme qui avait son pied amputé (1690) par Sebastiano Ricci.

NÉ PÉDAGOGUE

À la mort de François, Antoine se voit rappelé en Italie. À l’automne 1227, il est nommé supérieur de la Province du nord de l’Italie. Entre 1229 et 1230, il s’attelle à une autre tâche, toujours par souci de donner une solide formation aux frères : la rédaction de 76 Sermons pour les dimanches de l’année et les fêtes des saints. Un ouvrage qui rassemble toutes les notes de ses sermons. Épuisé au sortir de ce travail, il obtient, du Ministre général la liberté, de se consacrer à la prédication dans la région de Trévise et de Padoue. En février 1231, à la demande de l’évêque de Padoue, il prêche le carême devant plusieurs milliers de personnes. L’occasion d’un renouveau spirituel sans précédent pour la ville italienne, mais d’une fatigue à laquelle Antoine ne survivra pas : il meurt d’épuisement le 13 juin 1231, vers l’âge de 36 ans.

SANTO SUBITO

Mais l’histoire ne s’arrête pas là ! Dès les jours qui suivent, sa tombe attire les foules venues en pèlerinages et les miracles se poursuivent. Une délégation se rend aussitôt à Rome pour obtenir l’ouverture de son procès de canonisation et, moins d’un an seulement après sa mort, le voilà saint  : c’est le procès de canonisation le plus rapide de toute l’histoire ! En 1263, Bonaventure, alors ministre général de l’Ordre, procède à une reconnaissance du corps et découvre, au milieu de ses restes, la langue d’Antoine intacte : “Ô langue bénie, s’exclama-t-il, tu as toujours béni le Seigneur et tu as aidé les autres à le bénir ; il apparaît maintenant qu’elle fut grande, ta récompense auprès de Dieu.”

UNE POPULARITÉ PAS SI ANCIENNE

Si sa renommée est presque instantanée dans la région de Padoue, elle mettra plus de temps à franchir les frontières. Ce n’est que vers la fin du XIXe siècle, à une époque où fleurissent les œuvres sociales, que sa popularité croît. Son culte et ses écrits sont alors propagés notamment par le père Antoine-Marie de Lavaur, capucin. “Il faut une statue de saint Antoine dans toutes les églises de France avec les deux troncs : demande et remerciement” disait-il. C’est à cette époque également que naît la dévotion pour les objets perdus qui lui colle tant à la peau. Le 16 janvier 1946, il est proclamé docteur de l’Église par le pape Pie XII. Et en 1959 est créé, près de la basilique Saint-Antoine à Padoue, le Centre d’études antoniennes dirigé et animé par les frères mineurs conventuels.

Henri DE MAUDUIT

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