L’expression “Mettre ses pas dans ceux d’un saint” peut parfois être prise au mot. Depuis trois ans, des hommes et des femmes marchent une semaine chaque été pour baliser un chemin de pèlerinage de Limoges à Padoue, en passant par Brive. Un itinéraire que saint Antoine de Padoue a lui-même foulé. Retour sur la genèse de ce projet…
Quand ils parlent de saint Antoine, c’est souvent à la deuxième personne, comme avec un ami. Car bien que leur projet se bâtisse à plusieurs, la démarche n’en est pas moins personnelle. Chacun tisse, dans son histoire, une relation unique avec le saint de Padoue. “Un prêtre m’a dit un jour : ce sont les saints qui nous choisissent. Pour moi, c’est vraiment ça. Car depuis toute petite, j’ai ce chemin de foi avec saint Antoine” raconte Aline. “Je me suis ensuite un peu éloignée de l’Église mais toujours en restant très proche de saint Antoine. Petit à petit, j’ai commencé à chercher et à désirer mieux le connaître.” Cela a mené Aline chez les franciscains, “au sanctuaire des grottes, à Brive. Là, je me suis plongée dans des livres et j’ai vécu un peu chez les frères. J’ai eu accès la bibliothèque et j’ai rencontré Fr. Valentin Strappazzon. J’ai alors découvert qu’Antoine marchait en moyenne 40 km par jour !”
Pour Emmanuel, c’est par son métier qu’un lien s’est noué avec saint Antoine. “Je travaille dans le soin. Or, dans son approche avec les gens, surtout les plus pauvres, Antoine exprimait la miséricorde et la tendresse de Dieu. C’est ce qui me touche et me rejoint chez lui.”
Fr. Alain, en fraternité à Paris, partage de son côté : “Quand j’ai découvert combien saint Antoine aimait les Écritures, j’ai été touché parce que je suis personnellement attiré par la Bible depuis longtemps. Ce que j’aime chez lui, c’est que c’était un savant qui a fait des études universitaires mais qui a su tout autant rester humble, simple et très accessible quand il parlait aux gens.”
LE LIMOUSIN ET SAINT ANTOINE
Arrivé en France en 1224, saint Antoine est remonté jusqu’à Limoges où nos trois marcheurs ont justement choisi de démarrer leur chemin. L’église Saint-Pierre-du-Queyroix à Limoges, Solignac, Donzenac, Châteauneuf-la-Forêt… La région du Limousin est une terre antonienne importante et ces sites où le saint est passé en conservent la trace. “Notre souhait à travers ce chemin est de permettre de conserver et transmettre une mémoire vivante de saint Antoine et entrer dans sa démarche spirituelle à la suite de saint François et de ses premiers frères : s’attacher à l’humanité du Christ” explique Fr. Alain. Ainsi, à chaque étape, le groupe a choisi de lire des passages de la Rigaldina de Fr. Jean Rigaud, une des premières biographies du saint.
Animée par un désir d’approfondir la vie de ce saint, Aline explique la démarche : “Pourquoi prie-t-on toujours le saint des objets perdus ? Beaucoup expérimentent qu’il les exauce fraternellement ! L’idée pour nous va même au-delà : l’enjeu est aussi de vivre quelque chose de sa vie et de celle de la première génération des frères de l’Ordre fondé par saint François, qui désire suivre les traces de Jésus aujourd’hui.”
Ils se souviennent de l’été 2022 et des rencontres tout au long du chemin, souvent révélatrices d’un lien fort et encore actuel avec saint Antoine. “Les rencontres quotidiennes offraient des témoignages magnifiques, j’ai réalisé à quel point la spiritualité de saint Antoine est très ancrée dans le Limousin, très vivante dans le cœur de nombreuses personnes” raconte Aline. Emmanuel complète : “C’est un saint qui parle à beaucoup de gens. Quand on expliquait notre projet, il y avait un tel écho que la conversation s’orientait sur ce que chacun vit personnellement avec Antoine, ça appelait leur témoignage à eux.”
UN CHEMIN SPIRITUEL
Au fur et à mesure de l’ouverture de ce chemin, des lieux sont repérés qui pourront accueillir les futurs pèlerins. Mais s’il y a bien entendu une dimension pratico-pratique nécessaire, “l’enjeu pour nous aujourd’hui est surtout d’en faire un chemin spirituel” explique Fr. Alain. “Pour cela, nous souhaitons vivre ce chemin en Église et en fraternité : nous participons à la vie des diocèses de Tulle et de Limoges, nous appuyant sur les paroisses et les communautés religieuses qui sont sur notre route.”
Cela passe aussi par des détails quotidiens. “Quand nous avons démarré le chemin, nous nous sommes appuyés sur l’Évangile de Jean dans lequel Jésus donne la paix à ses disciples (Jn 20, 19). Alors, nous disions aux gens que nous croisions : “Paix à vous” !” se souvient Aline. “Nous appelons aussi l’Esprit saint à chaque rencontre. Les gens se sont beaucoup ouverts à nous et nous ont confié des choses difficiles. » Pour Aline, “le côté religieux de notre démarche fait que les gens sont en confiance et la présence d’un frère franciscain aide. Enfin, tout au long du chemin, nous faisons une neuvaine à saint Antoine le soir et nous proposons aux gens d’y participer avec nous.”
“Ainsi, résume Emmanuel, grâce au chemin, nous pouvons proposer à des personnes croyantes ou non d’entrer dans une rencontre personnelle avec saint Antoine et avec Jésus.” Nous souhaitons bonne route à nos marcheurs guidés par saint Antoine !
Henri DE MAUDUIT
