Lettres de
saint François
Retrouvez les lettres de saint François : à tous les fidèles, à tous les clercs, à tout l’Ordre, à un ministre, aux chefs de peuples, à tous les custodes, à frère Léon et à saint Antoine de Padoue !
La « lettre à tous les fidèles » nous est parvenue sous deux formes : une rédaction courte, et une rédaction longue. La première comporte deux chapitres en opposition vigoureuse : les fidèles qui ont choisi la « vie de pénitence », les fidèles qui refusent cette « vie de pénitence ». Document précieux pour la connaissance de l’époque et de l’auteur. La deuxième rédaction, enrichie de développements et plus étoffée, comporte une adresse qui indique bien les destinataires de cette véritable « encyclique » : tous les fidèles, qu’ils soient religieux, clercs ou laïcs ; à tous, François rappelle les exigences et les merveilles de l’Évangile.
Dans sa « lettre à tous les clercs » François rappelle maintenant l’un des devoirs de leur vocation : le respect du Corps du Christ. Remarquer aussi le témoignage fourni par François de son appartenance à l’ordre des diacres, lorsqu’il dit que le Seigneur se livre en « nos » mains, et que « nous » le touchons.
La « lettre à tout l’Ordre ». C’est, après la Règle et le Testament, le texte de saint François qui est reproduit par le plus grand nombre de manuscrits. La ferveur est remarquable, jusque dans le style, digne des grands mystiques.
La « lettre à un ministre » est un petit chef-d’œuvre de bonté et de réalisme à la fois. Elle est consacrée au problème des frères égarés. La première partie relève plutôt de la direction spirituelle : attitude intérieure d’un supérieur à l’égard des rebelles. La seconde partie serait plutôt une sorte de rescrit juridique en réponse à une consultation sur un point de la Règle.
On s’accorde à dater la « lettre aux chefs des peuples » à 1220 environ. François, de retour de Palestine où il avait été impressionné par le chant des muezzins, aurait voulu acclimater en Europe un signal de louange similaire. En outre, l’insistance sur le Corps et le Sang du Christ est caractéristique de sa campagne de « tracts eucharistiques » datant de la même époque (lettres aux clercs, à tout l’Ordre, aux custodes).
La « lettre à tous les custodes » est destinées à tous les gardiens de fraternités du premier Ordre, les supérieurs locaux.
Le parchemin qui contient la « lettre à frère Léon » est conservé à la cathédrale de Spolète. C’est l’autographe, l’original écrit de la main même de saint François, avec des maladresses de graphie et de grammaire attendrissantes. C’est une véritable « charte de franchise » qui est ici accordée à frère Léon, et peut-être aussi à quelques-uns des premiers compagnons.
En 1224, saint François adresse à saint Antoine une lettre lui permettant “d’enseigner aux frères la sainte théologie.” Après cela, Antoine fondera à Bologne la première école de théologie franciscaine !
LETTRE À TOUS LES FIDÈLES (première rédaction)
Au nom du Seigneur !
1. CEUX QUI ONT CHOISI LA VIE DE PÉNITENTS
Tous ceux qui aiment le Seigneur de tout leur cœur, de toute leur âme, de tout leur esprit et de toute leur force, et qui aiment leur prochain comme eux-mêmes ; qui ont en haine leur corps avec ses vices et ses péchés ; qui reçoivent le Corps et le Sang de notre Seigneur Jésus-Christ, et qui font des actes concrets de pénitence, oh ! que tous ces hommes et ces femmes sont heureux et bénis d’agir ainsi et de persévérer, car l’Esprit du Seigneur reposera sur eux et fera en eux son habitation et sa demeure ; et ils sont fils du Père céleste dont ils font les œuvres, et ils sont époux, frères et mères de notre Seigneur Jésus-Christ. Ses époux, lorsque, par l’Esprit-Saint, l’âme fidèle est unie à notre Seigneur Jésus-Christ. Ses frères, lorsque nous faisons la volonté du Père qui est dans les cieux. Ses mères, lorsque nous le portons dans notre cœur et notre corps par l’amour, par la loyauté et la pureté de notre conscience, et que nous l’enfantons par nos bonnes actions qui doivent être pour autrui une lumière et un exemple. Oh ! qu’il est glorieux et saint et grand d’avoir un Père dans les cieux ! Oh ! qu’il est saint et beau, magnifique et admirable d’avoir un tel époux ! Oh ! que c’est chose sainte et chère, plaisante et humble, apaisante et douce, aimable et désirable plus que tout d’avoir un tel frère et un tel fils : notre Seigneur Jésus-Christ, qui a donné sa vie pour ses brebis et qui a prié son Père en disant : « Père saint, garde en ton nom ceux que tu m’as donnés dans le monde ; ils étaient à toi et tu me les as donnés. Les paroles que tu m’as données, je les leur ai dites et ils les ont reçues ; ils ont vraiment cru que je suis venu de toi, et ils ont reconnu que c’est toi qui m’as envoyé. Je prie pour eux, non pour le monde. Bénis-les et sanctifie-les, et pour eux moi-même je me sanctifie. Je te le demande, et pas pour eux seulement mais aussi pour ceux qui, par leur parole, croiront en moi : qu’ils soient sanctifiés tous ensemble, comme nous. Et je veux, Père, que là où je suis, eux aussi soient avec moi pour qu’ils voient ma splendeur dans ton royaume Amen. «
II. CEUX QUI REFUSENT LA VIE DE PÉNITENTS
Mais tous ceux et toutes celles qui ne vivent pas dans la pénitence ; qui ne reçoivent pas le Corps et le Sang de notre Seigneur Jésus-Christ ; qui s’adonnent aux vices et aux péchés, qui suivent leur pente vers le mal et les mauvais désirs de leur chair ; qui n’observent pas ce qu’ils ont promis au Seigneur ; qui font de leur corps l’esclave du monde, des désirs charnels, des ambitions d’ici-bas et des soucis de cette vie : prisonniers du diable, dont ils sont les fils et dont ils accomplissent les œuvres, ce sont des aveugles, car ils ne voient pas la vraie lumière : notre Seigneur Jésus-Christ. Ils ne possèdent pas la sagesse spirituelle, puisqu’ils ne possèdent pas le Fils de Dieu qui est la vraie sagesse du Père. C’est d’eux qu’il est dit : Leur sagesse a été engloutie, et : Maudits soient ceux qui s’éloignent de tes commandements. Ils voient le mal, ils le reconnaissent comme tel, ils le font sciemment, et sciemment ils perdent leur âme. Mais prenez garde, aveugles : vous vous êtes laissé séduire par vos ennemis qui sont la chair, le monde et le diable, parce qu’il est bien agréable pour le corps de commettre le péché, et très amer de servir Dieu, parce que tous les vices et péchés sortent et procèdent du cœur de l’homme, comme dit le Seigneur dans l’Évangile. Vous n’avez rien à vous, ni en ce monde ni en l’autre. Vous croyez que vous allez conserver longtemps les biens de ce monde, qui ne sont que vanité ; vous vous trompez, car viennent le jour et l’heure auxquels vous ne pensez pas, qui vous sont inconnus et que vous ignorez ; le corps s’affaiblit, la mort approche, et c’est ainsi qu’on meurt de mort amère. Si un homme – que ce soit ici ou là, aujourd’hui ou demain, de telle manière ou autrement, peu importe – meurt en état de péché mortel, sans pénitence et sans réparation, alors qu’il avait la possibilité de réparer et qu’il ne l’a pas fait, le diable lui arrache l’âme du corps, lui causant tant d’angoisse et de tourment que nul ne peut s’en faire une idée sauf celui qui en est la victime. Talents, pouvoir, science et sagesse, tout ce qu’ils pensaient avoir leur sera enlevé . Ils le laissent à des parents et à des amis qui emportent et se partagent leurs biens et qui disent ensuite : « Maudite soit son âme ! Il aurait pu nous donner bien davantage, et amasser plus qu’il n’a amassé ! » Le corps est la proie des vers. Ainsi ont-ils perdu et leur corps et leur âme en ce monde qui passe si vite, et ils iront en enfer où ils seront tourmentés sans fin. Tous ceux auxquels cette lettre parviendra, nous les prions, dans l’amour qu’est Dieu, d’accueillir avec bienveillance et par amour pour Dieu ces paroles toutes parfumées de notre Seigneur Jésus Christ. Ceux qui ne savent pas lire, qu’ils se les fassent lire souvent, et qu’ils les gardent en mémoire et les mettent en pratique jusqu’à la mort, car elles sont esprit et vie. Ceux qui ne le feront pas devront en rendre compte au jour du jugement devant le tribunal de notre Seigneur Jésus Christ.
LETTRE À TOUS LES CLERCS
Considérons attentivement, nous tous qui sommes clercs, le grand péché et l’ignorance dont certains se rendent coupables envers le Corps et le Sang très saints de notre Seigneur Jésus Christ, ainsi qu’envers les manuscrits portant ses divins Noms et ses saintes paroles en vertu desquelles son Corps est rendu présent. Son Corps, nous le savons, ne peut être rendu présent sans les paroles de la Consécration. En ce monde, en effet, nous ne possédons rien de visible ni de sensible du Très-Haut, si ce n’est son Corps et son Sang, ses Noms et ses paroles, par lesquels nous avons été créés, et par lesquels nous avons été rachetés de la mort à la vie. Il faudrait donc que tous les ministres de si saints mystères – surtout ceux qui s’en acquittent sans égards – réfléchissent sur le triste état des calices, des corporaux et des linges qui servent au sacrifice du Corps et du Sang de notre Seigneur Jésus-Christ. Il y en a beaucoup aussi qui laissent l’Eucharistie à l’abandon en des endroits malpropres, la transportent sans honneur, la reçoivent indignement, et la distribuent aux autres sans discernement. Quant aux textes comportant les Noms et les paroles du Seigneur, on va parfois jusqu’à les fouler aux pieds. C’est que l’homme animal ne perçoit pas les choses de Dieu. Et toutes ces profanations ne nous émeuvent pas de pitié, alors que le Seigneur pousse la bonté jusqu’à s’abandonner à nos mains, alors que chaque jour nous le tenons, et que nos lèvres le reçoivent ? Aurions-nous oublié que nous devons un jour tomber entre ses mains ? Corrigeons-nous donc, sans tarder et radicalement, de toutes ces fautes et de toutes les autres. Partout où le très saint Corps de notre Seigneur Jésus-Christ sera trouvé placé ou abandonné au mépris de toutes les lois, qu’on le retire de cet endroit pour le mettre en place d’honneur, où on le conservera bien gardé. De même, les manuscrits contenant les Noms et les paroles du Seigneur, partout où on les trouvera dans la malpropreté, on devra les recueillir et les ranger en un endroit décent. Nous savons que nous sommes tenus d’observer ces règles plus que tout, selon les préceptes du Seigneur et les lois de notre sainte Mère l’Église. Celui qui ne les observerait pas, qu’il sache qu’il devra en rendre compte au jour du Jugement devant notre Seigneur Jésus-Christ. Et celui qui fera copier cet écrit pour qu’il soit mieux mis en pratique, qu’il sache qu’il est béni du Seigneur.
LETTRE À TOUT L’ORDRE
Au nom de la souveraine Trinité et de la sainte Unité, Père, Fils et Saint-Esprit. Amen. A tous ses frères, auxquels il doit grand amour et respect : au frère…, Ministre général de l’Ordre des Frères Mineurs, son seigneur, et aux autres Ministres généraux qui viendront après lui ; à tous les ministres, custodes et prêtres de cette fraternité, qui sont humbles dans le Christ ; à tous les frères simples et obéissants, des premiers arrivés aux derniers qui viendront, le frère François, homme fragile et méprisable, votre tout petit serviteur, salut en celui qui nous a rachetés et lavés par son sang précieux, en celui que vous devez adorer avec crainte et respect, prosternés jusqu’à terre dès que vous entendez son nom, en celui dont le nom est le Seigneur Jésus-Christ, Fils du Très-Haut, qui est béni dans tous les siècles. Ecoutez, fils du Seigneur, mes frères ; prêtez l’oreille à mes paroles ; tendez l’oreille de votre cœur et obéissez à la voix du Fils de Dieu. Gardez de tout votre cœur ses commandements et accomplissez parfaitement ses conseils. Proclamez qu’il est bon ; tout ce que vous faites, faites-le à sa louange . Car s’il vous a envoyés dans le monde entier, c’est pour que, de parole et d’action, vous rendiez témoignage à sa parole et que vous fassiez savoir à tous qu’il n’y a de tout puissant que lui. Persévérez dans la discipline et dans la sainte obéissance ; ce que vous lui avez promis, observez-le avec fidélité et générosité. Le Seigneur Dieu s’offre à nous comme à des fils. Je vous en prie donc instamment, vous tous mes frères, en vous baisant les pieds et avec tout l’amour dont je suis capable : témoignez tout le respect et tout l’honneur que vous pourrez au Corps et au Sang très saints de notre Seigneur Jésus-Christ, en qui tout ce qu’il y a dans le ciel et tout ce qu’il y a sur la terre a été pacifié et réconcilié au Dieu tout puissant. Je prie aussi dans le Seigneur tous les frères prêtres, ceux qui sont, ceux qui seront, ceux qui désirent devenir prêtres du Très-Haut : lorsqu’ils veulent célébrer la messe, qu’ils soient purs, qu’ils accomplissent purement et avec respect le véritable sacrifice du Corps et du Sang très saints de notre Seigneur Jésus-Christ, dans une intention sainte et pure, et non en raison d’un intérêt matériel quelconque, ni par crainte ou amour de qui que ce soit, comme pour plaire aux hommes. Que vers Dieu, au contraire, se tende leur volonté, avec l’aide de la grâce, pour ne plaire qu’à lui seul, le souverain Seigneur. Car lui seul opère dans ce mystère comme il lui plaît. Il a dit lui-même : Faites ceci en mémoire de moi. Si quelqu’un agissait avec une autre intention que celle-là, il deviendrait un nouveau Judas, un traître, et se rendrait coupable envers le Corps et le Sang du Seigneur. Rappelez-vous, mes frères prêtres, ce qui est écrit de la loi de Moïse : celui qui la méprisait, même dans ses prescriptions matérielles, était sans aucune pitié puni de mort , en vertu d’une sentence du Seigneur. Combien plus grands et redoutables les supplices mérités par qui foule aux pieds le Fils de Dieu, par qui croit pouvoir souiller le sang de l’Alliance en laquelle il a été sanctifié, par qui outrage l’Esprit de grâce ! On méprise, on souille, on foule aux pieds l’Agneau de Dieu, quand, selon la parole de l’ Apôtre, on ne sépare pas et on ne distingue pas des autres nourritures le pain sacré du Christ, ni des autres actions son sacrifice, et quand on le mange sans être en état de grâce ; ou même quand on le mange en état de grâce, mais sans attention ni respect. Car le Seigneur dit par le Prophète : Maudit soit l’homme qui fraude dans l’accomplissement du sacrifice de Dieu ! Les prêtres qui ne veulent pas admettre sincèrement cela dans leur cœur, le Seigneur les condamne lorsqu’il dit : Je maudirai vos bénédictions. Ecoutez, mes frères. Si la bienheureuse Vierge Marie est tellement honorée – et c’est justice – parce qu’elle a porté le Christ dans son sein très béni ; si le Baptiste bienheureux a tremblé, n’osant même pas toucher la tête sacrée de son Dieu ; si le tombeau dans lequel le corps du Christ a été couché pour quelque temps est entouré de vénération : comme il doit être saint, juste et digne, celui qui touche de ses mains, reçoit dans sa bouche et dans son cœur et donne aux autres en nourriture le Christ qui maintenant n’est plus mortel, mais éternellement vainqueur et glorieux, celui sur qui les anges désirent jeter les yeux !
Voyez votre dignité, frères prêtres et soyez saints parce qu’il est saint. Plus que tous, à cause de ce ministère, le Seigneur Dieu vous a honorés ; plus que tous, vous aussi, aimez-le, révérez-le, honorez-le. Grande misère et misérable faiblesse si, le tenant ainsi présent entre vos mains, vous vous occupez de quelque autre chose au monde ! Que tout homme craigne, que le monde entier tremble, et que le ciel exulte, quand le Christ, Fils du Dieu vivant, est sur l’autel entre les mains du prêtre ! O admirable grandeur et stupéfiante bonté ! O humilité sublime, O humble sublimité ! Le maître de l’univers, Dieu et Fils de Dieu, s’humilie pour notre salut, au point de se cacher sous une petite hostie de pain ! Voyez, frères, l’humilité de Dieu, et faites-lui l’hommage de vos cœurs. Humiliez-vous, vous aussi, pour pouvoir être exaltés par lui. Ne gardez pour vous rien de vous, afin que vous reçoive tout entiers Celui qui se donne à vous tout entier. Je donne en outre cet avis et cette exhortation dans le Seigneur : dans les résidences où demeurent les frères, qu’on ne célèbre qu’une messe par jour selon le rite de la sainte Église. S’il s’y trouve plusieurs prêtres, que, par amour de la charité, ils se contentent d’assister à la messe célébrée par l’un d’eux. C’est pourquoi je conjure de tout mon pouvoir le frère…, Ministre général, de faire observer la Règle inviolablement par tous ; et je supplie les clercs de célébrer leur Office en présence de Dieu sans s’attacher à la mélodie de la voix mais à l’accord de l’esprit, en sorte que la voix soit d’accord avec l’esprit et l’esprit d’accord avec Dieu ; qu’ils puissent, par leur pureté d’intention, plaire à Dieu, et non flatter les oreilles du peuple par la mollesse de leur chant. Pour moi, je promets d’observer tout cela fidèlement, dans la mesure où le Seigneur m’en donnera la grâce. Aux frères qui sont avec moi je transmettrai ces ordonnances afin qu’ils y soient fidèles, tant pour l’Office que pour les autres observances régulières. Tous ceux des frères qui refuseront d’observer ces lois, je ne les tiens ni pour catholiques ni pour mes frères ; je ne veux même ni les voir ni leur parler, tant qu’ils n’auront pas fait pénitence. J’en dis autant de tous ceux qui s’en vont errant à leur gré, au mépris de la discipline prévue par la Règle, car notre Seigneur Jésus-Christ a donné sa vie pour ne pas manquer à l’obéissance envers son Père très saint. Moi, frère François, homme inutile et indigne créature du Seigneur Dieu, je dis, par notre Seigneur Jésus-Christ, au frère…, Ministre de notre Ordre, et à tous les Ministres généraux qui viendront après lui, ainsi qu’à tous les autres custodes et gardiens des frères, présents et à venir : que cet écrit, ils doivent le garder sur eux, le mettre en pratique et le conserver soigneusement. Je les supplie d’observer eux-mêmes avec soin son contenu, et de le faire observer avec application selon qu’il plaira au Dieu tout puissant, maintenant et toujours, tant que le monde durera. Bénis soyez-vous du Seigneur, vous qui observez tout ce qui vient d’être dit, et que le Seigneur soit avec vous à jamais. Amen.
Oraison :
Dieu tout puissant, éternel, juste et bon, par nous-mêmes nous ne sommes que pauvreté ; mais toi, à cause de toi-même, donne-nous de faire ce que nous savons que tu veux, et de vouloir toujours ce qui te plaît ; ainsi nous deviendrons capables, intérieurement purifiés, illuminés et embrasés par le feu du Saint-Esprit, de suivre les traces de ton Fils bien-aimé notre Seigneur Jésus Christ, et, par ta seule grâce, de parvenir jusqu’à toi, Très-Haut, qui, en Trinité parfaite et très simple Unité, vis et règnes et reçois toute gloire, Dieu tout puissant dans tous les siècles des siècles. Amen.
LETTRE À UN MINISTRE
Au frère…, ministre : que le Seigneur te bénisse ! Je vais t’expliquer comme je le puis ton cas de conscience. Des soucis ou des gens – frères et autres personnes – t’empêchent d’aimer le Seigneur Dieu ? Eh bien ! même si, en plus, ils allaient jusqu’à te battre, tu devrais tenir tout cela pour une grâce. Tu dois vouloir ta situation telle qu’elle est, et non pas la vouloir différente. Considère cela comme une vraie charge ou « obédience » que le Seigneur Dieu et moi nous t’imposons, car telle est, j’en suis certain, l’obéissance véritable. Aime ceux qui te causent ces ennuis. N’exige pas d’eux, sauf si le Seigneur t’indique le contraire, un changement d’attitude à ton égard. C’est tels qu’ils sont que tu dois les aimer, sans même vouloir qu’ils soient (à ton égard) meilleurs chrétiens. Cela sera pour toi plus méritoire que la vie en ermitage. Voici à quoi je reconnaîtrai que tu aimes le Seigneur, et que tu m’aimes, moi, son serviteur et le tien : si n’importe quel frère au monde, après avoir péché autant qu’il est possible de pécher, peut rencontrer ton regard, demander ton pardon, et te quitter pardonné. S’il ne demande pas pardon, demande-lui, toi, s’il veut être pardonné. Et même si après cela il péchait encore mille fois contre toi, aime-le plus encore que tu m’aimes, et cela pour l’amener au Seigneur. Aie toujours pitié de ces malheureux. Et quand l’occasion s’en présentera, fais savoir aux gardiens ta ferme résolution d’agir ainsi. De tous les articles de la Règle qui traitent des péchés mortels, nous en ferons un seul, lors du chapitre de la Pentecôte avec l’aide de Dieu et après avoir pris conseil des frères ; article ainsi conçu : « Si un frère, à l’instigation de l’ennemi, commet un péché mortel, il sera tenu par obéissance de recourir à son gardien. Les frères qui connaîtraient sa faute ne lui feront ni affront ni reproche ; ils lui témoigneront au contraire beaucoup de bonté et tiendront soigneusement caché le péché de leur frère : car ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin de médecin, mais les malades . Ils seront tenus par obéissance de l’envoyer, accompagné, au custode. Et le custode agira envers lui avec autant de bonté qu’il en souhaiterait pour lui s’il était en un cas semblable. Si un frère tombe en quelque péché véniel, il se confessera à l’un de ses frères prêtres. S’il n’y a pas de prêtre, il se confessera à son frère, en attendant qu’il trouve un prêtre pour l’absoudre canoniquement comme il a été dit. Les frères ne pourront enjoindre d’autre pénitence que ceci : Va, et ne pèche plus ! » Pour qu’on l’observe mieux, conserve avec toi cet écrit jusqu’au chapitre de la Pentecôte : tu y seras d’ailleurs avec tes frères. Sur ce point, et sur les autres qui sont moins détaillés dans la Règle, tu feras ajouter avec l’aide du Seigneur Dieu, les précisions nécessaires.
LETTRE AUX CHEFS DES PEUPLES
A tous les podestats et consuls, juges et gouverneurs en tout lieu de l’univers, et à tous ceux auxquels cette lettre parviendra, le frère François, votre petit et misérable serviteur dans le Seigneur Dieu, vous souhaite à tous salut et paix. Réfléchissez, et voyez que le jour de la mort est proche . Je vous en supplie donc, avec tout le respect dont je suis capable : que les affaires et les soucis de ce monde ne vous fassent pas oublier le Seigneur ni vous détourner de ses commandements ; car tous ceux qui l’oublient et se détournent de ses commandements sont maudits, et lui-même à son tour les oubliera. Et quand viendra le jour de leur mort, tout ce qu’ils pensaient posséder leur sera enlevé. Plus ils furent savants et puissants en ce monde, plus ils auront de tourments à subir dans l’enfer. Aussi je vous conseille avec insistance, à vous mes seigneurs, de rejeter au second plan toute préoccupation et tout souci, et de recevoir volontiers le très saint Corps et le très saint Sang de notre Seigneur Jésus-Christ, en souvenir de lui. A l’intention du peuple qui vous est confié, rendez au Seigneur ce témoignage de vénération : chaque soir faites proclamer par un crieur public, ou avertissez par quelque autre signal que tout le peuple ait à rendre louange et grâces au Seigneur Dieu tout puissant. Si vous ne faites pas tout cela, sachez que vous devrez rendre compte au jour du Jugement devant le Seigneur votre Dieu Jésus-Christ. Ceux qui conserveront cet écrit et le mettront en pratique, qu’ils sachent qu’ils sont bénis du Seigneur.
LETTRE À TOUS LES CUSTODES
A tous les custodes des Frères Mineurs auxquels parviendra cette lettre, le frère François, votre petit serviteur dans le Seigneur Dieu, vous salue au nom des nouveaux signes du ciel et de la terre (= l’Eucharistie) qui sont importants et précieux aux yeux de Dieu, mais que beaucoup de religieux et d’autres hommes dédaignent comme sans valeur. Je vous en prie, et avec d’autant plus d’insistance que la consigne ne vient pas de moi : lorsque vous le jugerez opportun et raisonnable, suppliez humblement les clercs de vénérer par dessus tout le Corps et le Sang très saints de notre Seigneur Jésus-Christ, ainsi que les manuscrits contenant ses saints Noms et les paroles par lesquelles on consacre son Corps. Les calices, corporaux, ornements d’autel et tout ce qui sert au Saint Sacrifice, qu’ils les traitent aussi comme des objets très précieux. Si le très saint Corps du Seigneur se trouve quelque part misérablement logé, les clercs doivent, selon le commandement de l’Église, le mettre et le tenir sous clef en place d’honneur ; ils doivent le porter avec grand respect, et l’administrer aux autres avec discernement. Les manuscrits contenant les Noms et les paroles du Seigneur, partout où on les trouvera dans la malpropreté, on devra les recueillir et les ranger en un endroit décent. Dans toutes vos prédications, enseignez au peuple qu’il doit faire pénitence, et que nul ne peut être sauvé s’il ne reçoit le Corps et le Sang très saints du Seigneur. Lorsque le prêtre le consacre sur l’autel, ou lorsqu’il le transporte, que tout le monde se mette à genoux pour rendre louange, gloire et honneur au Seigneur Dieu vivant et vrai . Enseignez et prêchez à tous les peuples ce devoir de le louer pour que, à toute heure et au son des cloches, louanges et actions de grâces soient rendues toujours, par tout le peuple et sur toute la terre, au Dieu tout puissant. Tous mes frères custodes qui recevront cet écrit, le copieront pour eux et le conserveront sur eux ; tous ceux qui le feront reproduire pour les frères chargés de la prédication ou d’une fraternité ; tous ceux qui prêcheront jusqu’à la fin tout ce qui est contenu dans cet écrit : qu’ils sachent qu’ils ont la bénédiction du Seigneur et la mienne. Qu’ils fassent cela en vertu et avec le mérite de la vraie et sainte obéissance. Amen.
LETTRE À FRERE LÉON
Frère Léon, ton frère François te souhaite salut et paix. Mon fils, je te parle comme une mère à son enfant. Tout ce que nous avons dit en route, je vais te le résumer en une phrase et un conseil. Et même si tu dois encore revenir me voir ensuite pour me demander conseil, je te donnerai encore ce conseil : Quelle que soit la manière qui te semblera la meilleure de plaire au Seigneur Dieu et de suivre ses traces et sa pauvreté, adopte-la, avec la bénédiction du Seigneur Dieu et ma permission. Mais si cela était nécessaire pour ton âme ou pour la consolation de ton cœur, et si tu désirais simplement, Léon, venir me voir, viens !
LETTRE À SAINT ANTOINE DE PADOUE
Au frère Antoine, mon évêque, frère François, salut. Il me plaît que tu enseignes aux frères la sainte théologie, à condition qu’en te livrant à cette étude tu n’éteignes pas en toi l’esprit de prière et de dévotion, ainsi qu’il est marqué dans la Règle.