Après des études à l’école Polytechnique marquées par plusieurs engagements militants pour la cause écologique, Benoît Halgand, 23 ans, s’est lancé dans une année de formation à l’abbaye d’Hautecombe, en quête d’un équilibre entre militantisme et vie de prière. Témoignage…
J’ai grandi à Angers, entouré de mes cinq frères et sœurs et nourri par une foi vivante transmise par mes parents. C’est vers l’adolescence que j’ai vécu mes premières expériences personnelles de foi. Un chemin progressif qui a continué lors de ma prépa à Ginette (Versailles) puis à Polytechnique. Je me suis alors rapproché de la communauté du chemin neuf et de l’aumônerie de mon école. En rejoignant des associations et grâce à des conférences et formations, j’ai pu accélérer dans la compréhension des enjeux écologiques actuels. Mais en m’engageant de façon plus militante, cela m’a obligé à gagner en cohérence de vie entre mes actes personnels et les actions que je portais.
EN QUÊTE DE COHÉRENCE
Si c’était ma foi qui me poussait dans ces différents engagements, je trouvais qu’il manquait une sorte de cohérence, que ces questions écologiques et sociales, mon rapport aux plus pauvres, pouvaient impacter davantage ma vie de foi. Je pense que c’est un peu pour ça que je me suis rapproché des franciscains, car je sentais que saint François d’Assise pouvait m’apporter quelque chose sur la façon de vivre ma foi.
En septembre 2020, j’ai fait ma première rencontre avec des franciscains par le biais d’un ami. Nous nous sommes constitué un petit groupe de réflexion sur l’encyclique Laudato si’ avec le Fr. Alejandro et le Fr. Frédéric-Marie. Je souhaitais mieux connaître ce que disent l’Église et la spiritualité franciscaine sur ces sujets, réfléchir sous un aspect moins technique mais plus spirituel. Nous avons eu peu d’occasions de nous réunir à cause de la crise sanitaire mais j’ai été touché par les discussions avec les frères.
En janvier dernier, j’ai passé quelques jours en retraite à Vézelay. J’ai beaucoup aimé partager le quotidien avec les frères, manger avec eux… J’ai été marqué par la belle fraternité qu’ils vivent. Ils ont été très accueillants, accessibles, pleins de joie et de simplicité dans la relation. On voit aussi qu’ils s’émerveillent vraiment de la nature, qu’ils se laissent toujours toucher par la beauté de la création. Et puis ils sont proches des gens du territoire, de personnes très différentes qui passent à La Cordelle. C’est inspirant de voir ça.
Ce que je trouve beau également, c’est cette cohérence de vie entre ce qu’ils portent dans leur prière et ce qu’ils vivent au quotidien : dans la simplicité de vie, la proximité avec les plus pauvres, le rapport à la nature… J’ai découvert dans la spiritualité franciscaine une vie à la fois exigeante et sobre, une sorte de radicalité : une vie donnée à la suite du Christ, très évangélique tant dans la vie de prière que dans l’attention aux pauvres. Cela m’interroge sur quelle radicalité je peux vivre à la suite du Christ.
À L’ÉCOLE DE SAINT FRANÇOIS
Plus récemment, j’ai découvert ce que dit saint François sur la désappropriation. C’est un message qui rejoint bien le désir de sobriété que j’ai et je pense que c’est ce que le monde a besoin d’entendre : reconnaître que tout vient de Dieu, qu’il faut simplement recevoir ce qu’Il nous donne et non garder pour soi. J’aime bien aussi le regard que François pose sur la création et les créatures. Il reconnaît que tout le bien vient de Dieu, qu’il ne faut pas s’enorgueillir de tout le bien que l’on fait mais plutôt reconnaître que c’est Dieu qui agit à travers nous. Ce qu’il y a de beau également chez saint François, c’est sa fidélité à l’Église, son obéissance malgré les problèmes qu’elle connaît à son époque. Cela rejoint les questions que j’ai actuellement et ça me permet de prendre du recul. Mais au-delà de cette fidélité, François sait aussi être fidèle à ce que l’Esprit Saint lui inspire. C’est un peu ce que j’ai envie de vivre aujourd’hui : être à la fois fidèle à l’Église sans trahir ce que l’Esprit Saint m’inspire pour ma vie.
Début 2019, je me suis engagé dans le mouvement “Pour un réveil écologique”. Cela m’a poussé à me poser la question de mon engagement dans la prière. C’est un certain challenge d’avoir un tel engagement militant car c’est aussi un enjeu spirituel pour toujours remettre cela à Dieu dans l’humilité et le détachement afin de rester à la bonne place. Je crois que saint François a pu m’aider aussi dans ce chemin, pour reconnaître que je ne suis qu’un serviteur de Dieu dans mon engagement.
À LA RECHERCHE D’UN ÉQUILIBRE
Le pape François est également une personne qui m’inspire beaucoup. J’ai eu la chance de le rencontrer avec la Fraternité politique du chemin neuf, à une période où j’étais très engagé dans mon militantisme et pas forcément dans ma vie de foi. Je m’attendais à ce qu’il nous dise de nous engager à fond dans le monde mais en fait il nous a beaucoup parlé d’engagement dans l’Église : il nous disait d’abord de suivre le Christ et d’être à l’écoute de l’Esprit Saint. Je pense que c’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai un peu mis de côté cet engagement pour prendre le temps d’écouter davantage là où Dieu m’appelle.
Aujourd’hui, j’ai envie de porter ces questions écologiques au monde et non pas de me limiter à cultiver la terre dans ma bulle. Je pense qu’il y a quelque chose à recevoir de la simplicité de la vie franciscaine pour concilier à la fois vie de prière et engagement dans le monde. C’est un équilibre que j’essaie de trouver.
Benoît HALGAND