À cœur
ouvert

Fr. Michel Hubaut

“Saint François m’a ramené au Christ et le Christ à Dieu”
“Les premiers franciscains que j’ai vus c’était au Noviciat !”

Bio express

12 juillet 1939

Naissance à Lille.


Au cours de l’année 1960

Lecture du livre La harpe de saint François de Félix Timmermans.


16 septembre 1961

Entrée chez les franciscains.


20 avril 1969

Ordonné Prêtre.


1970

Élaboration d’un doctorat pendant un an à La Cordelle, interrompu par sa nomination à la basilique de Vézelay.

Propos recueillis par Émilie REY

En ce mois de juillet 2020, les cigales chantent dans le jardin de la fraternité d’Avignon, niché au cœur de la Cité des papes. Fr. Michel Hubaut, 81 ans, est en train de prendre soin des fleurs. Tout sourire, il s’exclame : “Vous m’auriez dit, à vingt ans, que je serais franciscain, je ne vous aurais pas cru” !

Il faut dire, d’emblée, que Fr. Michel Hubaut est une re-conversion “tardive”. “Depuis ma première communion, j’avais abonné toute pratique, cela ne m’intéressait plus. La question de Dieu ne me préoccupait pas. Le Dieu que l’on nous enseignait au catéchisme, ce Dieu gendarme, était l’opposé de la liberté”, explique celui qui a grandi dans une famille lilloise non-pratiquante de cinq enfants. À peine vingt printemps et déjà bien des domaines passionnent le jeune Michel : le théâtre après trois années d’art dramatique, le journalisme, l’écriture et même l’opérette au théâtre Sébastopol de Lille pour payer les fins de mois ! “J’avais fait l’École normale à Lille, j’étais enseignant depuis deux-trois ans et j’ai découvert Emmanuel Mounier [philosophe catholique français, fondateur de la revue Esprit]. J’ai lu cette phrase : “Dieu m’invente chaque jour avec moi-même”. Cela a été comme une illumination, le Dieu que je pensais juge était remplacé par un Dieu d’amour, un amour qui me structure, me libère et me réalise”.

UN DIEU À GENOUX DEVANT SES CRÉATURES

Fr. Michel tombe ensuite sur une vie de François d’Assise – La harpe de saint François – ramassée au fond d’une église, un jour de pluie. “Quelque chose s’est déclenché, j’ai découvert un homme ébloui par Dieu, bouleversé par un Dieu à genoux devant ses créatures et je me suis dit : “Est-ce qu’il y a des gens qui vivent ce que je viens de lire ?” On m’a répondu : “Oui, et cela s’appelle des franciscains !” Ni une, ni deux, Fr. Michel se rend alors chez les franciscains de Mons-en-Barœul, poussé par la curiosité ! Un an après, à l’âge de vingt-deux ans, il rentrait chez les frères : “C’est simple, les premiers franciscains que j’ai vus, c’était au Noviciat !”. Mais alors, que s’est-il passé avons-nous envie de lui demander ? “J’ai eu comme une conviction. La cohérence de la vie de cet homme et sa manière radicale de vivre l’Évangile faisaient sens. Cela m’a touché au point qu’en rentrant chez les franciscains, j’ai brûlé tout ce que j’avais écrit auparavant”, partage-t-il avec un peu de regret avant de se ressaisir : “C’était un geste symbolique, une sorte de pari !”. Une décision qui en a surpris plus d’un ; il se souvient parfaitement de l’annonce à ses parents : “On était en train de manger et mon père m’a dit : “Tiens le fils d’un tel rentre au séminaire. Ce n’est pas chez nous que cela arrivera”. Je lui ai répondu : “Tu te trompes : je rentre chez les franciscains au mois de septembre”. Il avait fini de manger, il n’avait plus faim”, confie-t-il dans un grand éclat de rire !

LA VIE INTÉRIEURE

L’année au Noviciat fut, pour lui, très riche : une année d’expérience spirituelle forte et de découverte de la vie intérieure. “Au fur et à mesure que je cheminais et que je découvrais saint François, c’est un peu comme si un éventail se déployait. Comme si j’avais reçu d’un coup toutes les grandes intuitions de François et que, petit à petit, leur compréhension venait conforter mon choix de vie. Je peux dire que c’est saint François qui m’a ramené au Christ et le Christ à Dieu. D’ailleurs, ce mot “Dieu” était alors abstrait, il n’avait aucun contenu”. C’est l’Incarnation qui a le plus marqué le frère Michel : “Jésus se présente comme l’amour créateur qui vient cheminer sur nos routes humaines et çà, saint François l’a bien compris.” Poussé par ses frères, Fr. Michel a poursuivi ses études jusqu’à la préparation au doctorat à l’Institut catholique de Paris, interrompue par sa nomination comme curé de la basilique de Vézelay et comme responsable de la pastorale du tourisme, où il resta neuf ans. “Pour préparer mon doctorat, j’avais beaucoup approfondi la vie intérieure chez saint François. Faute de pouvoir passer ma thèse, cela se transforma en livres dont : “Sous la discrète mouvance de l’Esprit. Initiation à la vie intérieure” (Cerf) et “chemin d’intériorité avec st François” (Éditions franciscaines).” “Donnez, et il vous sera donné” dit l’Évangile de Luc. Fr. Michel Hubaut ne semble pas un instant regretter la vie qu’il a eue. “D’une certaine manière, conclut-il, ce que j’avais sacrifié m’a été rendu autrement : je voulais être acteur, j’ai été prédicateur au Jour du Seigneur. Mon désir d’écrivain est revenu puisque j’en suis à mon 43e livre, et puis il y a le journalisme : j’ai signé de nombreux articles dans les revues Prier, Signes, Panorama, ou encore le journal La Croix où je fus chroniqueur pendant dix ans.” En écoutant Fr. Michel, on a envie de laisser échapper cette célèbre citation du curé de campagne de Bernanos, reprise de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus : tout est grâce.

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