À cœur
ouvert

fr françois comparat

Fr. François Comparat

“Ne pas renoncer à ce que je suis”
“La forme de la vie religieuse m’a attiré en premier”
Fr François Comparat chante

Bio express

15 juin 1946

Naissance à Lyon.


1962-1972

Séjours à Taizé.


Rentrée 1964

Entrée dans l’enseignement supérieur à Lyon.


17 mai 1970

Entrée au Noviciat.


19 février 1978

Profession solennelle à Saint-Laurent-de-Mure (38).


Depuis 2016

Vicaire de la fraternité de Paris.

Fr. François Comparat, vicaire de la fraternité de Paris, revient pour En frères sur les questionnements qui l’ont habité durant son cheminement vocationnel…

Propos recueillis par Émilie REY

Je n’ai pas encore dix-huit ans et sans avoir comme Maupassant “l’instinct d’amour”, il m’est difficile de ne pas croiser une jeune et jolie étrangère sans en tomber amoureux. J’explore la “Carte du Tendre” en plusieurs langues, du chinois à l’inuit en passant par le grec et le syrien. Pétri de Camus, “Je ne connais qu’un seul devoir, c’est celui d’aimer”, j’expérimente que le corps est fait pour aimer et être aimé mais je suis tout autant attiré par les discussions à n’en plus finir sur nos sensibilités culturelles étonnamment différentes. Je vis ces découvertes au sein d’un milieu qui me façonne : famille aimante, scouts et aumônerie du lycée Ampère de Lyon. Cependant cette vie amoureuse ne me comble pas entièrement. De nombreuses discussions avec des amis tout comme la rencontre de la petite communauté de Taizé, dès 1962, m’amènent à me laisser habiter par la Parole de Dieu priée en français ! J’aime me retrouver en ce lieu où Jésus est à ma portée.

LA DÉCOUVERTE DE LA CHASTETÉ

Peu à peu, sur cinq années quand même, je découvre que le sexe se replace au cœur d’un tissu relationnel plus vaste qui lui assigne une juste place, ni plus, ni moins. La chasteté se joue ainsi chaque jour vis-à-vis de la nourriture, des loisirs, des lectures, des amitiés, du téléphone, et permet de la vivre plus facilement dans le rapprochement amoureux, avec des jours difficiles et des jours plus faciles. Progressivement j’apprends à pouvoir rester séduisant sans être séducteur, toujours amoureux mais moins conquérant, un peu plus libre. Plus heureux.

UN ABSOLU TOUJOURS GRATUIT

Depuis mon plus jeune âge, j’arpente les montagnes avec mes parents. La nature en altitude, belle, dangereuse, envoûtante où le corps vibre et procure l’orgueil d’un engagement élitiste m’ouvre la porte d’un absolu toujours gratuit. En alpinisme, comme dans la foi, on n’a jamais fini de se dépasser. Depuis l’enfance, mes rêves me portent vers un avenir où je pourrai conjuguer cet esprit d’aventure et la diplomatie : je rêve de l’Arctique et de l’Afrique mystérieuse, de Paul-Emile Victor et de Pierre Savorgnan de Brazza. Adolescent, la diplomatie m’attire par son côté brillant, mondain, cultivé et je m’imagine en digne successeur de M. de Talleyrand. Quelques années plus tard, s’impose la réalité tragique de la Guerre froide et les défis du développement. Bref, un défi à relever dans un monde qui change : être ambassadeur de paix ? Oui mais pour qui ?

L’APPEL D’UNE CARRIÈRE HONORABLE

J’entre alors à l’université en 1964. Il y a encore peu d’étudiants dans ce monde sélectif aux codes bien typés. À la fac de droit et à Sciences-Po, le port de la cravate est obligatoire, la mini-jupe est interdite, nos professeurs font leurs cours en toge. Nous n’avons ni stress ni compétition entre nous puisque c’est le plein-emploi et qu’un avenir enviable nous tend les bras. Cependant, je suis partagé entre l’appel d’une carrière honorable entourée de considération et une petite voix lancinante qui me parle de vivre non enchaîné.
S’il n’est pas encore question d’engagement religieux, j’opte à la même période pour une vie moins bourgeoise et davantage tournée vers les autres. Le mot à la mode “Tiers-Monde” m’entraîne dans une vie associative engagée, forcément un peu à contre-courant et balbutiante. Je suis plus heureux, toujours en couple mais guère plus sûr de moi, comme se raconte Homère évoquant “le sein parfumé” et le “rire en pleurs” de la jolie Andromaque. 1968 pointe le bout de son nez. Je participe avec plaisir à décrypter politiquement la crise de l’autorité, l’émancipation des femmes, la revendication d’un autre rapport au travail, la défense des travailleurs immigrés. Par contre, au niveau culturel je ne suis nullement attiré par la mode hippie, les routes de Katmandou ou “l’herbe bleue”.
C’est à cette période que je découvre, grâce à de nombreuses lectures et de repas partagés avec de jeunes religieuses et religieux de différentes congrégations, à Lyon, la possibilité d’une vie missionnaire ici en France ou bien outre-mer. Ces filles et ces garçons de mon âge se préparent à vivre un engagement fort, l’inconnu comme pain quotidien, la confiance en Dieu et en l’homme comme seule certitude. Se présente à moi une vie religieuse qui ne me demande pas de renoncer à ce que je suis : libre, amoureux de la vie et des horizons lointains. Oui, c’est bien la forme de la vie religieuse qui m’a attiré en premier et c’est seulement deux ans plus tard que je lui donnerai un parfum particulier en découvrant la spiritualité franciscaine, à l’image d’une fleur qui dégage un parfum qui lui est propre.

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