Fr. José Kohler, en fraternité à Besançon, nous partage son cheminement vocationnel habité d’un profond désir de relations.
Propos recueillis par Henri DE MAUDUIT
“Je suis né au bord de l’eau pourrait-on dire !” En 1942, la famille Kohler habite un ancien moulin, à proximité d’un petit village de Haute-Saône, à 10 km de Vesoul. “Mon père avait créé des bassins pour élever des truites. Il y travaillait avec un employé et ma mère s’occupait de nous à la maison.”
Avec ses cinq frères et sœurs, Fr. José passe son enfance à la campagne dans un cadre “idyllique”. Quand il n’est pas à l’école dans le village voisin, il pêche des écrevisses les pieds dans le ruisseau ou construit des cabanes dans la forêt avec ses frères et sœurs. Et de temps à autre, il donne un coup de main à l’entreprise piscicole familiale.
Élevé dans un climat chrétien bien enraciné, Fr. José est marqué très jeune par le prêtre de la paroisse. “Il venait à vélo depuis le village voisin pour nous faire le catéchisme. À l’époque, c’était du “par cœur” mais lui nous expliquait bien les choses. Moi ça me passionnait et ce prêtre me fascinait un peu !” Sa première communion, le soir d’une nuit de Noël vers l’âge de 6 ans, reste un souvenir fort pour lui : “Très tôt ensuite, j’ai eu le désir de devenir prêtre.”
“JE PEUX TENTER L’AVENTURE”
À l’âge de 11 ans, le jeune José quitte l’école communale pour entrer en internat dans un collège à Besançon. “C’était une école catholique donc il y avait encore des prêtres. Mais il y avait une espèce de fusion entre le travail scolaire, l’instruction religieuse et une discipline stricte qui me posait problème. Cela faisait beaucoup de choses qui venaient d’en haut !”
À l’adolescence, quelque chose change et la foi commence à devenir pesante dans sa vie. “Il y avait aussi un certain carcan moral qui n’était pas évident à vivre. La vocation de prêtre me paraissait quelque chose de difficile et je me disais que le Seigneur aurait mieux fait d’en choisir un autre !” Le déclic viendra quelques années plus tard au cours d’une retraite hors du lycée, prêchée par des franciscains de Besançon. “Je les sentais libres et ouverts. Je crois qu’ils m’ont fait découvrir que l’Évangile est quelque chose de joyeux et de vivant, en nous disant que la religion, c’est avant tout la rencontre avec Jésus”, se souvient-il. “Cela m’a libéré d’un poids que je sentais trop lourd pour moi, car je me disais qu’il fallait être parfait pour devenir prêtre. C’était une grande redécouverte et ça m’a relancé dans mon cheminement. Je me suis dit : Et bien si le Seigneur m’appelle comme je suis, avec mes qualités mais aussi mes défauts, alors je peux tenter l’aventure !”
UN DÉSIR DE VIE FRATERNELLE
Après cette rencontre, le bac en poche, Fr. José demande à entrer au séminaire. En parallèle, il se lance dans une formation pour devenir moniteur et animer des colonies de vacances. “Grâce à cela et malgré mon tempérament plutôt réservé, j’ai vraiment ressenti le besoin de développer plus encore un aspect relationnel dans ma vie. Et je sentais ce désir tout particulièrement dans la vie religieuse, car j’étais attiré par la vie fraternelle.”
Un désir qui prendra progressivement la teinte marron de la bure franciscaine, sans effacer la vocation sacerdotale. “Mais la décision a été un petit combat : j’étais attiré mais en même temps je me demandais si je tiendrai le coup, entre le célibat et puis toujours ce fait de vivre avec une certaine pression morale, un certain niveau de générosité à avoir, etc. C’était pour moi assez exigeant”, confie Fr. José. Mais l’attirance pour la vie fraternelle et l’expérience du regard confiant du Christ, lors de la retraite vécue au lycée, l’encouragent dans sa décision.
ÊTRE EN LIEN AVEC L’HUMANITÉ
Sa deuxième année de séminaire achevée, il écrit au Provincial des franciscains pour entrer chez eux. À l’époque, il n’y a pas d’étape du postulat. Il rejoint donc une quinzaine d’autres jeunes novices à Mâcon. À la fin de l’année, Fr. José prononce son engagement pour trois ans puis est appelé pour son service militaire. “Chez les chasseurs alpins, où j’ai été envoyé pendant 16 mois, on savait que j’étais frère franciscain, mais ça ne s’est pas trop mal passé, les gens ne se sont pas trop foutus de ma gueule ! C’était une première occasion de témoigner discrètement de ma vocation de franciscain dans le monde. Le dimanche, il y avait une messe à la caserne. Je faisais le tour des chambres pour dire : « Y’a la messe !”, se souvient-il en souriant. Mes compagnons de chambrée, dont certains étaient plutôt anticléricaux, trouvaient que j’avais toujours le moral…”
À la fin de son service, il rentre à Metz où il rejoint d’autres jeunes en formation. Aujourd’hui, ce désir de relation continue de l’habiter : “Pour moi, cette ouverture à l’humanité que je vis chez les franciscains me paraît fondamentale. Car je crois qu’on ne peut pas parler de Dieu sans être en lien avec l’humanité.”