Sur les rives de la Manche, découvrez le témoignage vocationnel de Fr. Fernand Mancel.
Propos recueillis par Henri DE MAUDUIT
“Ah, c’est toute une histoire !”, s’exclame Fr. Fernand, les yeux brillants, lorsqu’on lui propose de raconter son chemin vocationnel. “Si je suis là aujourd’hui, c’est grâce à ma grand-mère !” Né en 1941 dans la campagne normande, ce fils de cultivateurs connaît, dès sa naissance, des années “plutôt noires et stressantes. Pendant l’Occupation allemande, c’était très dur pour la famille. Mon père venait de construire une maison toute neuve que les Allemands ont squattée. Il était révolté et s’est mis à boire. Cela vous donne un peu l’ambiance qui régnait à la maison…” Au moment du Débarquement, les bombardements, les sirènes et les maisons en feu sont des souvenirs qui restent encore vifs.
LA FAMILLE, UNE “PETITE ÉGLISE”
Dans ce contexte de conflit et de difficultés économiques, la prière prend une grande importance. Le soir, avec ses trois grands frères et son frère jumeau, ils ne s’endorment pas sans avoir prié en famille. “Notre grand-mère vivait avec nous. C’est elle qui m’a fait apprendre le catéchisme par cœur !” À l’âge de 7 ans, son père décède. Sa mère, se retrouvant seule, embauche une employée, Marthe, “qui chantait tout le temps !” Très vite, ses deux grands frères doivent alors reprendre la ferme familiale pour aider leur mère. “Malgré tout le travail de la ferme, elle n’aurait jamais manqué la messe du dimanche !”
Fernand est enfant de chœur dans la paroisse de Morigny, “un tout petit village de rien du tout”, à la limite de la Manche et du Calvados. Dans cette église où il fera aussi sa première communion, deux vitraux offerts par sa famille disent encore l’attachement familial à cette région. Et comme dans de nombreuses églises, on y trouve une statue de saint Antoine de Padoue. “Peu de gens savent qu’il s’appelait Fernand avant d’être frère… C’est tout un lien !”, glisse-t-il avec un sourire complice.
“MILLE MANIÈRES DE CONSACRER SA VIE À DIEU”
C’est aussi l’époque où des franciscains croisent sa route pour la première fois. “Des frères prêchaient lors de missions à Montbray, dans le même canton que le nôtre. Mais à cet âge-là, je voulais faire comme M. le curé”, se souvient-il. “Quand je lui en ai parlé, il m’a répondu qu’il fallait faire des études.” À 12 ans, il est alors envoyé en tant que pensionnaire dans le petit séminaire d’une ville voisine. Éloigné de son frère jumeau, c’est une rupture importante dans sa vie.
“Quand j’étais à l’école, je me débrouillais plutôt bien. Mais quand je suis arrivé en pension, ça a été une autre paire de manches ! Mes bases n’étaient pas solides. Autant le catéchisme, je l’ai appris par cœur, mais l’école c’était autre chose… À cette époque, les professeurs étaient très stricts, on faisait rentrer l’orthographe par les doigts !” “Le scout est maître de soi, il sourit et chante dans les difficultés”, dit l’article 8 de la loi scoute. C’est dans ce mouvement de jeunesse que Fr. Fernand trouvera la force de franchir les difficultés. En parallèle, il intègre aussi pendant trois ans le célèbre chœur de garçons des Petits chanteurs à la Croix de bois.
Ainsi, à partir de la quatrième, Fr. Fernand est envoyé à Ducey, dans un séminaire de “vocation tardive”. “C’est là que j’ai découvert qu’il y avait mille manières de consacrer sa vie à Dieu !” Nouveau clin d’œil franciscain : il se retrouve alors sur le même banc d’école que Fr. Rogatien, aujourd’hui en fraternité à Paris, qui prendra lui aussi l’habit franciscain plus tard.
ÉPOUSER LE BON DIEU
Notre frère normand se souvient aussi de la visite d’un franciscain au séminaire, de son témoignage et de sa joie d’être frère. “Je voyais que chez les franciscains, il n’y avait pas besoin de faire d’études. L’habit était très simple.” Il confie alors progressivement son souhait de devenir frère. “À l’époque, la vocation religieuse masculine n’était pas comprise par beaucoup de gens. Ma marraine ne me parlait plus, elle était déçue que je ne sois pas prêtre. Pour elle, comme pour beaucoup d’autres, un homme s’il entrait en religion, c’était pour être prêtre. C’était une réussite sociale. Mais ma mère a toujours été très respectueuse de mon choix, elle ne me l’a jamais reproché et a médité ça dans son cœur. Le fait d’avoir été “tissé” en deux exemplaires m’a aussi rendu très libre : quand mon frère jumeau s’est marié, je me suis senti d’autant plus disponible pour “épouser” le bon Dieu !”
Entré au postulat à Rennes à l’âge de 19 ans, il est rapidement appelé sous les drapeaux pour son service militaire, à Grandville, pendant 18 mois. “Je suis entré en bure à la caserne, en priant Dieu pour que je la retrouve à la fin !” Dès son arrivée, il émet le souhait de partir en mission à l’étranger. “Je rêvais d’aller au Japon, en Afrique noire… Quand j’étais petit, j’aimais beaucoup la géographie. Qui sait, j’avais peut-être déjà une âme de missionnaire ! Le bon Dieu a ses vues et nous prépare ainsi parfois !”, s’amuse celui qui a été missionnaire en Afrique pendant 24 ans.
Sa joie d’être franciscain aujourd’hui est intimement liée à cette dimension missionnaire. “Chez les franciscains, j’ai trouvé un art de la mission. C’est-à-dire consacrer sa vie à Dieu, l’aimer et aimer son prochain.”