Vivre l’ermitage franciscain au XXIe siècle

Vie fraternelle, engagement et prière font un bon trio !

Pauline Schill, chanteuse et comédienne, installée avec Baptiste à Arcy-sur-Cure, à vingt kilomètres de Vézelay, et Fr. Éric Moisdon, gardien de l’ermitage, nous confient ce qu’ils essayent de vivre et creuser ensemble à La Cordelle.

Le soleil du mois d’août s’accorde parfaitement avec son énergie pétillante. Pauline, la petite trentaine, arrive à La Cordelle son violoncelle sous le bras. À sa manière de saluer l’assemblée, on pourrait imaginer qu’elle a grandi dans le Vézelien et pourtant, elle arrive tout droit de la capitale. “Baptiste et moi étions engagés dans un café associatif, le Dorothy. En quittant Paris, nous regrettions ce lieu où nous trouvions un engagement social irrigué par l’Évangile avec un vivier humain autour de rencontres solidaires et une vie de prière. Mais, par le biais d’amis, à notre arrivée en Bourgogne, nous avons découvert La Cordelle”, partage-t-elle en souriant.
Les frères se souviennent bien de leur arrivée, à l’image de tant d’autres, “un peu par hasard, en passant une tête par la porte de la chapelle”. Membre du trio franciscain présent sur place, Fr. Éric poursuit : “Avec d’autres Jeunes pro’ assez engagés écologiquement, ils souhaitaient rencontrer les frères alors on s’est dit : pourquoi pas !” À une première rencontre se sont succédées quelques grandes fêtes, Pâques puis Noël. “La Cordelle est devenue leur lieu de célébration du dimanche”, se réjouit le franciscain. Mais c’est bien davantage encore pour Pauline : “c’est un lieu où j’ai pu trouver une cohérence entre ma foi et mes convictions socio-environnementales. Un lieu où “tout est lié”. Cela a confirmé une conviction déjà vécue au Dorothy : vie fraternelle, engagement et prière font un bon trio !”

FAIRE COMMUNAUTÉ

Saint François louait Dieu dans l’une de ses prières : “Tu es le Bien, tout le Bien, le Bien suprême, Seigneur Dieu, vivant et vrai”. Fr. Éric en a la certitude : “Ce Bien, on le trouve dans une recherche commune par l’ouverture et l’accueil de tous.” Pauline veut justement souligner cette “synodalité de terrain” qu’elle expérimente au quotidien à La Cordelle. “La première fois que je me suis impliquée, c’était pour préparer la liturgie du Triduum pascal, en 2023. J’y ai vécu la fraternité en actes ! Autour de la table, nous étions tous ensemble : frères franciscains et laïcs, Agnès, une pasteur protestante, Anne-Marie, sa collègue théologienne, etc. Cette qualité relationnelle et l’écoute des intuitions de chacun m’ont donné envie de m’engager davantage”, raconte-t-elle.
Cet engagement prend aujourd’hui la forme d’une présence active au sein de l’équipe bénévole qui accompagne les frères dans leur projet de rénovation mais aussi une participation régulière aux temps de partages bibliques initiés par les voisines et amies, Agnès et Anne-Marie. La parole y est libre. “Cette ouverture non seulement œcuménique mais aussi à la présence des femmes est rare”, s’exclame Pauline avant de poursuivre : “Je pense que ce lieu est porteur de vie et d’intuitions pour l’avenir de l’Église : ne pas vivre en attendant que tout nous tombe dessus de la part du clergé mais agir ensemble, creuser ensemble et faire communauté.” Et cette synodalité se manifeste jusque dans la disposition de l’assemblée dans la chapelle. “Celle-ci est presque circulaire et non frontale, il se crée ainsi quelque chose de fraternel et d’horizontal rien que dans la manière dont les frères se placent, sans se mettre en avant ou en concentrant l’attention”, perçoit la jeune femme.

PRIERE ET DISPONIBILITÉ

Dans cette petite chapelle épurée de la seconde moitié du XIIe siècle, pas de starting-block. Le bréviaire refermé, les fidèles, présents ce jour aux Vêpres, demeurent assis une bonne dizaine de minutes pour goûter au silence qui s’installe doucement. “Le silence et la solitude ne sont pas d’abord formels. J’aime parler de climat propice à l’intériorité. Je ne saurais pas bien le décrire mais à La Cordelle, je sens qu’il y a quelque chose qui se creuse en moi. Cet effort d’enracinement dans la prière et me rend plus libre et plus disponible. Même si je rencontre des gens, je ne suis pas accaparé par nos discussions pendant tout le reste de la journée”, témoigne Fr. Éric.
Plusieurs retraitants en ont déjà fait l’expérience et les demandes ne cessent de pleuvoir dans la boîte mail des frères. “Début juillet, nous avons encore rencontré des pères de famille lors de leur marche annuelle vers Vézelay. Certains nous ont dit aspirer à un lieu comme celui-ci pour venir vivre un temps de silence et de retrait, tout en étant accompagné. Malheureusement, à l’heure actuelle, nous ne pouvons accueillir davantage mais cela nous conforte dans la pertinence de nos travaux qui permettront justement de tendre la main à celles et ceux en désir de vivre une expérience de cœur à cœur avec Dieu”.
Vivre en ermite franciscain au XXIe siècle est donc bel et bien possible en tenant cet exigeant équilibre : demeurer pleinement à l’écoute de Dieu pour accueillir les aspirations et les questionnements de nos contemporains.

Émilie REY

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