La Cordelle, « un lieu où vivre l’œcuménisme »

La paix du cœur se traduit en unité, en communauté d’Église.

Un chantier de rénovation a débuté à l’ermitage de La Cordelle mais savez-vous, qu’en ce lieu, l’unité des chrétiens se façonne au quotidien et ce depuis de nombreuses années.

Nous étions en chantier avec des jeunes fin août et, un soir, un groupe de jeunes protestants nous a rejoint pour l’eucharistie. Ils avaient désiré se joindre à nous, dans la dynamique de ce qui se vit naturellement à Taizé. Ils avaient aussi demandé à venir travailler avec nous le lendemain, sur le chantier, et nous avons pu avoir un beau partage autour du casse-croûte de 11 h. “Dites-nous quand vous avez un chantier, on pourrait être intéressés” lance le pasteur Amaury qui vient plusieurs fois par an chez Agnès (voir encadré ci-dessous) et Anne-Marie, avec divers groupes. Émotion et gratitude quand nous avons pris conscience qu’en ce jour, nous fêtions la saint Barthélémy ! Clin Dieu !

KIRSTIN, AGNÈS, FRANÇOISE…

C’est encore Agnès qui a guidé jusqu’à La Cordelle un groupe de professeurs de l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge (Michel Stavrou, Julija Vidovic, Gabriel Aslanov…) et leurs élèves, en pèlerinage oecuménique à Vézelay. Belle rencontre dans la chapelle autour de la Croix écrite par notre amie vézelienne, Françoise, orthodoxe elle aussi. Outre Agnès, notre association des “Amis de la Cordelle” compte aussi Kirstin, pasteure protestante à Hambourg qui a, cet été, exposé à Vézelay ses toiles sur La Cordelle pour contribuer au projet de rénovation.
Si elle s’intensifie au gré d’occasions de plus en plus nombreuses, cette “aventure œcuménique” à la Cordelle s’enracine dans ces liens amicaux inaugurés par Fr. Jean-Baptiste. En 2017, l’association a ainsi choisi de fêter conjointement deux anniversaires : les 800 ans de l’arrivée des premiers frères et les 500 ans de l’exposition de ses thèses par Luther, sous le titre Rebelles et chercheurs de Dieu. Cette rencontre a durablement marqué les mémoires.

TOUT EST LIÉ

Lorsqu’elle est à Vézelay, Agnès est avec nous pour les vêpres, avec parfois d’autres membres de l’EPUdF (Église protestante unie de France). Nous avons découvert que nous sommes plus près que nous ne l’imaginions sur la liturgie avec les Luthériens. Parfois, Agnès nous gratifie d’une homélie, toujours tonifiante. Nous préparons et vivons ensemble les grandes fêtes, à commencer par la Saint-François.
Nous étions loin d’imaginer ce cadeau qui nous est fait, qui nous réjouit et nous déplace. Prier ensemble, c’est jouir de ce qui nous rassemble, nous est possible. Mais c’est aussi mesurer ce qui encore nous rend impossible la pleine communion. C’est chercher ensemble et nous ajuster. La chapelle de La Cordelle est vécue par beaucoup comme un lieu de paix et d’intériorité. Mais la paix du cœur, dans le concret, se traduit en fraternité, en unité, en communauté d’Église. Nous n’imaginions pas que le Crédo de Laudato Si’: “tout est lié” – qui anime notre projet écologique – ouvrirait notre désir de mieux nous insérer dans l’“unité de Création” à cette Unité autrement fondamentale pour laquelle Jésus a prié la veille de sa Passion.
L’histoire a gardé la cruauté toute particulière qui s’est manifestée à La Cordelle lors des guerres de religion (voir article “Présence franciscaine à Vézelay”). Qu’il nous est bon aujourd’hui de pouvoir nettoyer ce sang, et nous retrouver ensemble sous celui du Christ qui nous réconcilie en Lui et nous redonne les uns aux autres. Joie d’être sœurs et frères. La grâce est gratuite, imprévue, si bonne !

Fr. Éric MOISDON


Emprunter les chemins de la catholicité

AGNÈS VON KIRCHBACH, PASTEURE PROTESTANTE

Ce matin, le vent chasse les nuages au-dessus des collines du Vézelien et apporte la pluie. Une bénédiction pour la terre assoiffée. Mais ailleurs, le vent attise les feux de forêts. Ailleurs encore, la violence humaine détruit impitoyablement les conditions de vie, dresse les populations les unes contre les autres et provoque des guerres fratricides au nom de Dieu.
Est-ce qu’à La Cordelle, nous vivons à l’abri de ces déchaînements, comme dans une cachette oubliée des intempéries sociopolitiques ou ecclésiales ? Il suffit de regarder les murs épais de la chapelle portant les cicatrices des guerres ; il suffit d’être à l’écoute de celles et ceux qui viennent chanter les psaumes, célébrer le mystère d’un Dieu qui s’expose sur la Croix. Non, nous ne sommes pas à l’abri mais au milieu des souffrances de notre monde. Il s’agit de les accueillir, de les soigner, de les confier à Celui qui appelle à sa paix, à une unité retrouvée.
Unité ? Mais comment ? La terre de nos Églises est calcinée, nous avons hérité de ces divisions et vivons privés de la présence réciproque les uns aux autres. On s’est habitué à ne plus communier avec les Églises orthodoxes et orientales ; puis on s’est habitué à ne pas beaucoup se fréquenter entre protestants et catholiques, en tout cas pas pour la prière et encore moins pour la célébration eucharistique. Pourtant nous demandons à Dieu l’unité et la paix, pour son Église et pour l’humanité tout entière.

“RÉPARE MON ÉGLISE”

Quand on vit à Vézelay, on peut être ambitieux et modeste en même temps : soigner les blessures de la division entre chrétiens (et entre humains) est à la portée de chaque baptisé. “Répare mon Église” : la parole entendue par François d’Assise résonne toujours. L’action, au jour le jour, est bien modeste : rejoindre la communauté des frères franciscains pour prier ensemble, célébrer ensemble, partager l’accueil et la Parole reçue. En venant vivre à Vézelay, je ne pensais pas trouver une telle fraternité humaine et ecclésiale. Je ne pensais pas que mon engagement œcuménique de longue date dans la vie communautaire, que le ministère pastoral et le travail théologique, se poursuivrait ici dans un nouveau partenariat, un chemin de communion, à l’écart des balises habituelles d’ignorance et de médisance.
M’engager pour le renouvellement des lieux m’apparaît, dès lors, une évidence. Il s’agit de perpétuer et de réinventer à La Cordelle un chemin tracé depuis des siècles : au milieu de la création, vivre les promesses des Béatitudes, joie, simplicité, miséricorde. Les bâtiments doivent refléter et servir cette promesse dans le langage d’aujourd’hui.

Pâques 2023. Agnès, pasteure, et Fr. Éric animent un temps de renouvellement des promesses de baptêmes.

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