De Dole à Vézelay, de Nantes à Tours, Fr. Théo et Fr. Jacques nous partagent leurs expériences d’itinérance sur les routes cet été.
Fr. Théo – « Dieu nous précède dans chaque maison »
En juillet, Fr. Théo est parti avec deux autres jeunes pour marcher en itinérance de Dole à La Cordelle (Vézelay). Une première pour lui, dont il nous livre son témoignage.
« Lors de mes précédents voyages j’étais parti en autonomie complète avec ma tente et mes provisions. Cette fois nous partions à trois et allions dépendre des personnes qui ouvriraient leurs portes au long du chemin. Vivre la rencontre inattendue c’était le cœur de ce nouveau parcours.
C’était aussi un pèlerinage car nous avions convenu de rejoindre à pied Vézelay, lieu fondateur dans nos parcours chrétiens et franciscains. Nous avons pu sentir que l’image du pèlerin rassure et suscite de l’intérêt.
Cette itinérance a gonflé ma confiance. La peur empêche souvent la fraternité mais elle n’a pas le dernier mot ! Chaque jour, il était magnifique de voir se transformer les personnes rencontrées. Après quelques mots pour présenter notre démarche, l’appréhension et l’embarra de trouver trois inconnus en T-shirts bleus sur le pas de la porte passait. En quelques instants nous n’étions plus une menace et la rencontre pouvait advenir. Je crois que Dieu nous précède là, dans chaque maison et dans le cœur de chacun, croyant ou non, qui porte en soi le goût de l’autre et de l’entraide.
Nous avons reçu beaucoup de mots d’encouragement, parfois de remerciements, et au long de notre parcours nous n’avons jamais manqué de nourriture ou d’aide pour trouver un abri : une salle, une capitainerie, une grange, un atelier…
Nos journées étaient rythmées par la prière dans le silence de la marche, dans les églises de villages et par les messes auxquelles nous avons pu participer, notamment dans un Ehpad où l’accueil a été surprenant de simplicité et d’amitié pour les résidents comme pour nous.
Cette route a aussi été une expérience de persévérance. Chaque soir, une fois l’étape atteinte et avec la fatigue de la journée, il s’agissait d’être encore disponible pour aller frapper aux portes et quêter quelque chose à manger et un abri pour la nuit.
Nous gardons au cœur toutes celles et ceux qui nous ont accueillis avec des noms, des visages, quelques mots échangés, parfois des confidences. Toutes ces rencontres ne se seraient pas produites si nous n’étions pas partis en chemin de dépendance. »
Fr. Jacques – « Nous ne sommes pas les maîtres de notre route »
Depuis plus de 20 ans, Fr. Jacques vit des temps d’itinérance. Il y a 5 ans, il a rencontré le frère italien Fr. Gabriele. Après le Mont-Saint-Michel et les chemins de Compostelle, ils ont initié cet été une nouvelle route au départ de Nantes, « la Via Ligeria ». Voici quelques extraits de leur récit de route.
« Nous sommes heureux de nous retrouver, Fr. Gabriele et moi, après plusieurs itinérances vécues ensemble avec des groupes plus importants. Nous évoquons quelques bons souvenirs des années passées. Cette année c’est un peu différent : nous serons seulement à 2 au lieu de 5 ou 6 les autres fois.
À Mauves-sur-Loire (44), nous cherchons un lieu pour prier et manger. Nous demandons de l’eau dans une maison. Un homme derrière son muret tient une boite de cornets de glaces car il venait d’en distribuer à ses petits-enfants. Il la tend aussitôt vers nous et nous dit : « Tenez ! C’est pour vous ! Prenez-en ! » Et, avec le sourire aux lèvres : « Vous aussi vous êtes de grands enfants ! » La surprise est totale pour nous mais nous comprenons tout de suite qu’il s’agit d’un signe de la providence de Dieu, de sa prévenance, sa bonté, son encouragement, son amour gratuit envers nous, sa joie de nous voir ainsi sur les routes dépouillés et heureux dans ses pas à la manière de François d’Assise, ouverts à ce qui vient par l’inspiration de l’Esprit Saint !
À Ancenis (44), nous allons voir Brigitte, membre de la fraternité franciscaine séculière « Carceri » que j’accompagne. Nous nous donnons rendez-vous à l’église pour les Laudes. Il y a là un vitrail central qui représente la marche de Jésus sur la mer mais aussi celle de Pierre qui a besoin d’être sauvé, libéré de ses peurs pour marcher en confiance vers son maitre. L’occasion pour nous de nous rappeler l’itinérance de nos débuts où nous avions peur de partir ainsi pauvre et mendiant. C’est un appel au « lâcher prise » au décentrement » pour nous recentrer sur le Christ dans la marche.
Plus loin, à Saint Florent-le-Vieil (49), nous passons à coté de voyageurs saisonniers qui nous proposent un café. Nous acceptons volontiers et faisons connaissance. Surpris, ils nous trouvent étonnamment « abordables » pour ses « gens d’Église ». Ce qui fait penser à cette phrase de François d’Assise : « Nous étions des gens simples ». Bienheureuse et sainte simplicité qui fait sauter les barrières et permet les rencontres !
À Saint-Benoît-la-Forêt (37) enfin, après une dizaine de kilomètres de marche, nous apercevons quelques maisons isolées au loin. Sans doute des lieux où nous irons mendier. Quelle n’est pas notre surprise lorsque sur cette route déserte s’arrête une voiture juste à notre hauteur alors que nous n’avions rien demandé. C’est Michèle, très souriante en ouvrant sa vitre. Elle est avec Tahar, son mari. Ce couple islamo-chrétien des Yvelines nous demandent si nous voulons profiter du passage. C’est « bien volontiers ! » que nous acceptons de monter. Nous comprenons une fois de plus que nous ne sommes pas les maîtres de la route. Nous sommes conduits, du moins nous tentons de nous laisser être conduits par l’Esprit Saint notre bon guide. »