Le frère parfait : une mosaïque de la vie fraternelle

Fresque du XVIe siècle par l’artiste Giovanni Di Pietro, dans la chapelle du Transitus (basilique Sainte-Mariedes-Anges d’Assise) représentant les premiers frères dont nous parle saint François.
Un seul frère ne peut à lui seul réaliser cette perfection.

Comme le dit l’adage, “La perfection n’est pas de ce monde” ! Pourtant, dans un texte intitulé Le miroir de perfection, saint François dresse le portrait-robot du “frère parfait”. Que veut-il nous dire et comment cela peut-il changer notre regard sur nos frères et sœurs au quotidien ? Fr. Didier Brionne nous éclaire.

Les biographies des saints sont écrites pour en donner une image reconnue de tous afin d’édifier le lecteur. Que celui-ci découvre la personne honorée par l’Église, et qu’il soit ainsi stimulé dans sa quête humaine et spirituelle, nourrissant sa vie de foi aux sources du modèle proposé.
Les récits concernant la vie et la sainteté de François d’Assise sont nombreux et Le miroir de perfection n’échappe pas à la règle du genre. Son objectif est de nous renvoyer une image parfaite du saint d’Assise comme étant le “miroir du Christ” qu’il nous faut contempler pour avancer sur le chemin de l’Évangile.
Au paragraphe 85 (voir en bas de page), c’est saint François lui-même qui s’exprime et expose, selon le titre couramment donné, “le portrait du parfait frère mineur.” Il le fait d’une manière très concrète à l’aide des qualités qu’il voit chez les premiers frères avec qui il a partagé les débuts de l’aventure.
Un seul frère ne peut à lui seul réaliser cette perfection, mais ensemble, tous participent à ce portrait, chacun pour ce qu’il est et par ce qu’il apporte. Notons que le cercle restreint des onze premiers frères qui constituent la première fraternité, est à l’image du collège des Apôtres au lendemain de la Résurrection. Le parallèle avec la communauté apostolique n’est pas anodin : n’est-elle pas le modèle de la fraternité naissante dont la forme de vie est d’observer le saint Évangile ?

UN PORTRAIT AUX MULTIPLES VISAGES

François n’hésite pas à donner le nom des frères pour souligner combien ce portrait s’incarne dans des visages et des histoires précises d’hommes qui ont tout donné pour suivre le Christ. Bernard est le premier d’entre eux à rejoindre François. Léon est le confident et le secrétaire de tous les instants. Ange est “le premier chevalier”, ce dont rêvait François. Massée et Gilles sont des compagnons de la première heure. Rufin est le cousin de Claire d’Assise, et Genièvre est surnommé par celle-ci “le jongleur de Dieu.” La liste se termine avec Jean, manifestement un grand costaud, Roger, et enfin Lucide qui, clairvoyant sur lui-même, semble ne pas tenir en place ! Autant de frères et de caractères bien différents, mais surtout autant de qualités humaines et de vertus chrétiennes dont ils sont les témoins, chacun à leur manière. Si pas un frère mineur ne les rassemble toutes, la vie fraternelle menée ensemble fait resplendir ce visage aux multiples aspects. Une véritable mosaïque !

DÉVELOPPER LES DONS REÇUS

La première vertu soulignée est la foi en Dieu, et en Jésus-Christ venu en notre chair dans la plus grande pauvreté. L’amour de la pauvreté est d’ailleurs le critère de l’authenticité de la vie des frères. Puis ce sont les qualités humaines qui donnent sens à la rencontre et au service de l’autre. Simplicité et pureté du cœur permettent d’aller directement à l’essentiel ; courtoisie et bienveillance facilitent les relations ; intelligence et belle éloquence aident à s’exprimer. Toutes et tous sont autant de dons reçus du Très-Haut et qu’il convient de développer. Mais que cela ne détourne pas le frère du cœur de sa relation à Dieu que sont la contemplation, la louange et l’action de grâce dans une prière de chaque instant, “afin que son esprit soit toujours avec le Seigneur.” Enfin, dans son observation des frères, François souligne ce qui est indispensable à cette vie : la patience et la charité vécues comme le partage de l’amour reçu du Père pour les plus petits.

QUEL FRÈRE SUIS-JE ?

Tout cela est dit avec une dose d’humour de l’auteur qui n’hésite pas à forcer certains traits. Ceci ne nuit pas au propos, mais invite chacun à poursuivre la description, jusqu’à s’interroger sur la place qui pourrait être la sienne dans ce large portrait. Le but recherché est bien sûr spirituel.
Reste à se poser les questions pertinentes pour avancer dans notre relation à Dieu au cœur du monde : À qui puis-je m’identifier dans cette liste ? En quoi suis-je appelé par le Seigneur à progresser ? Quel pourrait être mon apport à ce tableau inachevé ? Que puis-je donner à la fraternité pour aider chacun à vivre l’idéal évangélique ?
Puissions-nous avoir, comme saint François, ce regard positif sur chacun de nos frères et ce désir ardent de le voir grandir dans l’amour du Seigneur, sur le chemin de la perfection en Christ.

Fr. Didier BRIONNE, OFM

Portrait-robot du parfait frère mineur par saint François lui-même

François d’Assise disait que “serait un bon frère mineur celui qui aurait la vie et les qualités de ces saints frères, à savoir: la foi de frère Bernard […]; la simplicité et la pureté de frère Léon […]; la courtoisie de frère Ange […]; l’allure agréable et l’intelligence naturelle de frère Massée […]; l’esprit élevé en contemplation que frère Gilles eut jusqu’à la plus haute perfection; la prière vertueuse et continuelle de frère Rufin […]; la patience de frère Genièvre […]; la vigueur corporelle et spirituelle de frère Jean des Laudes […]; la charité de frère Roger […]; et les scrupules de frère Lucide, […] qui ne voulait guère demeurer plus d’un mois au même endroit…”

Le miroir de perfection (Extraits)

Fresque du XVIe siècle par l’artiste Giovanni Di Pietro, dans la chapelle du Transitus (basilique Sainte-Mariedes-Anges d’Assise) représentant les premiers frères dont nous parle saint François.
Fresque du XVIe siècle par l’artiste Giovanni Di Pietro, dans la chapelle du Transitus (basilique Sainte-Marie-des-Anges d’Assise) représentant les premiers frères dont nous parle saint François.

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