Propos recueillis par Émilie REY
Quatre franciscains dans une même famille ! Ce n’est pas si courant pour le souligner ! Et pourtant, ce n’est pas ce qui a décidé le Fr. Roger Marchal, gardien du couvent de Bruxelles, à devenir frère du Christ à la suite de François d’Assise. Il partage son itinéraire vocationnel…
Mon père était cheminot et maman a élevé les quatre enfants que nous étions. Mes parents nous ont transmis la foi catholique, la pratique était importante. Autant que je me souvienne, j’ai toujours voulu être religieux. De manière confuse étant jeune, mais cela s’est précisé au moment de l’adolescence. Au collège, notre catéchiste nous avait présenté la Règle de saint Benoît et cela m’avait passionné ! Vivre une vie communautaire en monastère m’attirait. Ce désir m’a porté des bénédictins aux cisterciens. On m’avait indiqué le monastère de Sept-Fons, dans l’Allier, et j’y suis allé plusieurs fois de suite, convaincu que c’était à cette vie que le Seigneur m’appelait.
J’avais dû dire un jour à mon accompagnateur trappiste, le frère Jean, que mes oncles et mon grand-oncle étaient franciscains et c’est lui qui m’a interrogé : “Est ce que tu ne voudrais pas devenir franciscain ?”. Moi qui étais parti pour être moine trappiste, voilà que cette question chamboulait tout !
UN DÉSIR SPONTANÉ
Je connaissais un peu saint François, maman nous avait fait découvrir lors des lectures des vies de saints qu’elle faisait le soir à la maison. La famille, du côté maternel, était proche du saint d’Assise. J’avais entendu parler de mon grand-oncle, Fr. Livier Oliger, historien et professeur à l’Antonianum de Rome. Il y avait aussi mes deux oncles, les frères Rémi et Alexis Oliger. Fr. Rémi était canoniste, il a beaucoup travaillé les écrits de saint François avec Fr. Kajetan Esser. Fr. Alexis, quant à lui, était missionnaire au Togo, je me rappelle bien des récits de ses péripéties missionnaires !
Je me souviens que jamais mes oncles ne m’ont poussé à devenir franciscain. J’avais écrit à mon oncle Rémi, alors nommé premier curé de la paroisse européenne de Luxembourg : “J’aimerais bien devenir moine”. Et il m’a dit : “Prends ton temps, réfléchis à l’appel de Dieu”. Mais nullement : “Regarde chez nous, vient découvrir notre vie franciscaine”. Ce désir, un peu spontané, de saint François, est venu de moi-même. Puis au collège, chez les jésuites à Reims, je suis tombé sur le pavé de Johannes Jœrgensen : La vie de saint François d’Assise. Je l’ai littéralement dévoré !
ENTRE CONTEMPLATION ET MISSION
Plus je lisais ce livre plus cela trouvait écho en moi et je me disais : “Mais oui c’est cela, c’est la vie que je désire” ! La personne de François m’a fasciné mais plus encore le mode de vie des frères. Dans la journée, les frères allaient rencontrer les gens pour la prédication ou le travail manuel et, le soir venu, se retrouvaient, dans les ermitages ou en communautés, pour louer le Seigneur, rendre grâce et partager ce qu’ils avaient vécu. Cet équilibre entre contemplation et mission était fortement mis en avant par l’auteur. Moi qui voulais être contemplatif chez les trappistes, je sentais qu’il me manquait quelque chose et c’était la pastorale, le contact et la vie avec les gens.
ÉPROUVANT MAIS SALUTAIRE
Après mon bac, j’ai fait de l’anglais, pendant deux années à l’Université de Metz. Puis arriva le temps du service militaire, auquel je n’ai pas pu “couper”. Cela a été une expérience humaine très forte et très riche, j’ai beaucoup aimé cette vie collective avec des gens différents de moi, des non-croyants aussi. J’avais grandi dans un cocon, c’était la première fois que j’en rencontrais ! Je me suis retrouvé dans l’armée de l’air comme maître-chien et j’ai gardé des avions ! Après cela, et sur la proposition du frère Provincial de l’époque, Fr. Bernardin Beck, mon temps à l’armée a été compté comme postulat et en septembre 1978, je suis entré au noviciat de la Chapelle-des-Buis à Besançon. Nous étions les premiers novices du Fr. José Kohler qui venait d’être nommé Maître des novices.
Le Noviciat fut pour moi un temps éprouvant mais salutaire. Sur les injonctions de mon père-maître, je travaillais surtout, cette année-là, la prière chez François. Outre la vie de prière personnelle et commune, je découvrais aussi l’importance de la vie fraternelle avec ses joies et ses difficultés, car on ne choisit pas ses frères. Découverte fondamentale pour moi. Lors de ma profession solennelle, quatre ans plus tard, j’avais fait imprimer sur l’image souvenir : “Après que le Seigneur me donna des frères, il me montra que je devais vivre selon le saint Évangile” (Testament de S. François). Je garde une réelle affection pour nos frères cisterciens, mais je suis heureux dans la “forme de vie” franciscaine. Elle reste exigeante pour moi, mais depuis 42 ans, j’ai reçu beaucoup de bienfaits de la part du Seigneur et de mes frères.