À cœur
ouvert

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Fr. Gilles Cavellec

“Je cherchais cette vie où je puisse prendre soin des autres”
“J’ai été gâté dans ma vocation”

Bio express

17 mars 1963

Naissance à Saint-Nazaire (44).


Mai 1984

Stage à l’hôpital.


Octobre 1984

Rencontre franciscaine “Objectif 84” à Versailles.


Octobre 1986

Entrée au Postulat.


Septembre 1987

Entrée au Noviciat.


19 juin 1993

Profession solennelle à Vernon (27).

Fr. Gilles prend ses nouveaux “quartiers”, à Nantes, dans la fraternité qui accueille certains de nos aînés. Durant le confinement, il a accepté de participer au service diocésain d’écoute pour les catholiques mis en place par la Conférence des évêques de France. Un moyen d’être proche de ceux qui souffrent et de prier ensemble : le fil conducteur de sa vocation franciscaine.

Propos recueillis par Émilie REY

Originaire de Saint-Nazaire, j’ai grandi dans une famille croyante mais les parents nous laissaient libres de pratiquer. Dès l’adolescence, je n’avais qu’un rêve : devenir infirmier en Afrique ! Après quelques années de formation, dès 1984, j’ai commencé à me questionner : soigner les corps m’apportait beaucoup d’épanouissement mais il me manquait quelque chose. C’est durant un stage à l’hôpital, en mai 1984, que Dieu m’a donné de croiser une dame âgée. Elle avait les mains recouvertes de cicatrices. Elle m’expliqua alors que pendant la guerre, ses mains avaient été broyées par la machine à laver. Avant d’ajouter : “C’est grâce à la prière des franciscains que j’ai été guérie”. Cela m’a beaucoup marqué, je ne connaissais pas les franciscains ni même François d’Assise ! À la même période, un oncle qui ne savait pas du tout que j’étais en recherche m’a envoyé la prière “Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix” attribuée à saint François. Alors j’ai commencé à découvrir François et ses frères. J’ai été marqué par l’importance de la paix, de la joie et de la fraternité.

“OBJECTIF 84”

Le prêtre qui m’accompagnait à l’époque m’a invité à aller rencontrer le maître des novices des franciscains : “Certainement pas” ai-je répondu ! Et puis il m’a parlé d’une grande rencontre, “Objectif 84”, qui allait se dérouler en octobre, à Versailles, avec toute la famille franciscaine. J’ai alors découvert les laïcs, les frères et les sœurs. Et j’y croise un jeune qui était postulant à l’époque, Fr. Jean-Jacques Olivier, avec qui j’avais fréquenté le même lycée. À ma grande surprise, il m’avait annoncé, un mois auparavant, son désir de rentrer chez les franciscains. J’en étais resté bouche bée car je ne m’étais entretenu avec personne de mon attrait pour saint François. Et voilà que je “tombe” sur lui durant ce rassemblement. Surpris, il m’a alors invité à venir rencontrer les frères de Rennes, ils étaient une bonne bande autour de Fr. Jean Normant. Mais, de nouveau, j’ai répondu : “Non, non, je ne peux pas venir à Rennes, le trajet est compliqué (il fallait changer trois fois de trains !)”. Bref, j’avais toujours une bonne raison pour faire un pas de côté. À mon retour d’“Objectif 84”, je trouve ma feuille de convocation aux trois jours pour l’Armée : “Veuillez-vous présenter à Rennes, au quartier X, vous passerez 24 h à la caserne et vous avez le week-end de libre”. Cette fois, les signes étaient trop forts, j’ai contacté les frères en leur disant que je passerais bien volontiers les saluer. Je peux dire que j’ai été gâté dans ma vocation.

J’AI PU ME CONFIER

J’ai ensuite fréquenté les frères de Nantes qui étaient plus proches de chez moi. La première fois, Fr. Cyrille de Raimond m’a invité à donner un bain de pieds au père Vincent Tessier. Cela m’a réjoui, je cherchais cette vie où je puisse prendre soin des autres. Nous avons maintenu le contact durant mon service militaire et, dès mon retour, j’ai demandé mon entrée au Postulat, en octobre 1986. Une décision pas facile pour mes parents. Maman avait eu un frère religieux qui avait quitté les ordres. Dans les petits villages à l’époque… la famille avait souffert. Cette année au Postulat a été compliquée, je me suis senti seul. À la maison familiale, il y avait toujours du monde ainsi qu’à la caserne et puis il a fallu pendre le rythme des frères. J’ai aussi vécu une période de chômage. Puis ce fut l’entrée au Noviciat en septembre 1987 et, de nouveau, une période difficile. Cette fois en raison de la “coupure” avec l’extérieur, ma vie était consacrée aux études des sources, des biographies etc. C’était exigeant et il n’y avait pas d’échappatoire ! Heureusement, j’ai pu confier tout cela au maître des novices et cela m’a libéré. Je lui ai parlé en vérité, exprimant mon besoin d’exercer le métier que j’aimais et il m’a invité à prendre patience, m’a rassuré sur le fait que tout cela viendrait en son temps. Après avoir fait profession solennelle à Vernon, le 19 juin 1993, dans une “baraque chapelle” en préfabriqué, j’ai pu poursuivre ma vocation d’infirmer, une vie pas très “régulière” en comparaison à celle de mes aînés. Mais les frères m’ont encouragé. Travaillant à l’hôpital, il m’arrivait de ne pas participer aux offices mais j’avais besoin de cet équilibre. Tout au long de mon parcours, je me suis senti pleinement franciscain au milieu de ces rencontres à la fois de malades et de collègues du monde médical tout en portant en moi ce désir de vivre et de prier avec mes frères. Après douze années de présence en tant qu’aumônier d’hôpital, je mesure aujourd’hui l’importance de la prière, et repense souvent à ma rencontre avec cette dame aux mains broyées : on soigne autant avec le cœur.

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