À cœur
ouvert

Fr Mikael Penn franciscain Nantes

Fr. Mikaël Penn

“L’humilité de demander du secours”
Un frère quêteur, c’est un frère qui a l’humilité de demander du secours

Bio express

15 juin 1923

Naissance à Dirinon (29).


26 août 1948

Premiers vœux.


26 août 1951

Profession solennelle.

Propos recueillis par Émilie REY

Il est le doyen de notre Province et a parcouru tous les chemins du Finistère. Une grande partie de sa vie, 30 ans durant, Fr. Mikaël a été frère quêteur. Pour En frères, il revient sur son appel à la vie franciscaine et cette mission si singulière.

“Je suis né à Dirinon, à 20 km de Brest, en juin 1923. À la maison, j’étais l’aîné de cinq enfants”. Du haut de ses 98 printemps, Fr. Mikaël a la mémoire encore bien fraîche. “Mes parents étaient paysans cultivateurs et j’ai travaillé la terre avec eux, jusqu’à mes vingt et un ans. Puis j’ai été envoyé en pensionnat, à l’âge de sept-huit ans, à Landerneau où j’ai notamment rencontré la famille Leclerc, ceux qui allaient devenir les frères franciscains Christophe, missionnaire au Maroc, et Éloi que l’on ne présente plus. Ils étaient un petit peu plus âgés que moi”. Un pensionnat qui aura marqué sa jeunesse : “C’est le lieu où j’ai dû apprendre le français, je ne parlais que le breton ! Et j’ai l’avantage de l’avoir gardé jusqu’à aujourd’hui”, lance-t-il avec un brin de fierté dans la voix. “Imaginez-vous que j’avais fait mon catéchisme en breton et que je ne m’étais jamais confessé en français avant de rentrer dans l’Ordre franciscain ! J’étais “ancré” sur le breton, c’est le moins que l’on puisse dire !”

L’INTERCESSION À NOTRE-DAME DE BOULOGNE

“Dans ma famille, on lisait la vie des saints tous les soirs, en breton bien sûr !” C’est à l’occasion d’une de ces lectures qu’il découvre saint François. “Je voyais aussi dans les églises de nombreuses statues de saint Antoine de Padoue. Cela m’a beaucoup travaillé, j’avais envie d’en savoir plus sur ce genre de vie missionnaire. Et puis il y a eu le passage, dans notre village, de Notre-Dame de Boulogne. La procession partait de Boulogne-sur-Mer et faisait le tour des principales communes de France. Je cherchais ma voie et c’est la Vierge qui m’a éclairé. Je me souviens avoir suivi la Vierge, nus pieds dans une démarche de pénitence”. Ce jour-là, il passe la nuit entière dans l’église de Landerneau, “avec la Vierge, lui demandant d’éclairer mon chemin”. Fr. Mikaël poursuit : “J’ai reçu comme des appels intérieurs à la vie religieuse. J’hésitais entre une vie plus recueillie, plus austère, et la vie missionnaire. Mais certains de mes oncles étaient missionnaires – des Sacrés-Cœurs de Picpus – alors c’était un peu dans les gènes et j’ai poussé la porte du postulat franciscain de Quimper”. Il s’arrête un instant, jette un œil par la fenêtre et précise : “Quant au Noviciat, je l’ai fait à Nantes, ici même où je me trouve aujourd’hui figurez-vous !” Le doyen a l’air de s’amuser des trajectoires du Seigneur.

LES DEUX TIERS DE L’ANNÉE SUR LES ROUTES

Juste après avoir fait profession simple, en 1948, Fr. Mikaël quitte la “Maison rouge” de Nantes. “Comme je parlais le breton du nord et le breton du sud, très vite le Provincial m’a confié la mission de quêteur”. Et quelle première mission ! Rattaché à la maison de Quimper, “cinq jours sur sept, vingt jours sur trente, les deux tiers de l’année hiver comme été, neige ou glace”, Fr. Mikaël en a parcouru des kilomètres sur sa bicyclette ou en autocar. “Parfois jusqu’à 100 km, quand il fallait par exemple rejoindre Saint-Pol-de-Léon en bordure de la Manche !” Il nous entraîne dans l’histoire du couvent Saint-François de Quimper qui fut la première maison des Franciscains fondée en Bretagne (entre 1232 et 1237). Un couvent qui sera détruit en 1839 dans le sillage de la Révolution Française*. “Il nous fallait reconstruire une maison de formation, des jeunes arrivaient chaque année et il y avait des besoins. Nous avons trouvé une ferme aux abords de la ville, à Kermabeuzen”, détaille-t-il tout en me répétant à plusieurs reprises, avec bienveillance, le nom de la ville comme pour être sûr que je ne me trompe pas. “Une partie de mon “rendement, si je puis dire, a servi à alimenter et faire vivre la maison. À cette époque, il n’y avait pas de pensions ni de retraites, j’étais un peu un “bienfaiteur” du couvent”, ajoute-t-il du bout des lèvres dans une grande humilité.

J’ÉTAIS L’UN DES LEURS

Et si des années furent plus difficiles que d’autres, “eh bien nous faisions des efforts. La vie était plus rude que maintenant, quelle grande différence !”, dit-il en riant. Fr. Mikaël nous emporte dans une autre époque faite d’obéissance, de paillasse en guise de lit, de pain qui manque mais pour lui, pas question de quitter l’Ordre. “J’ai essayé de rester fidèle, mais je ne dis pas qu’il n’y a pas eu des moments difficiles. Quand c’était dur, quand il fallait partir les jours de pluie, je me disais : allez, je vais aller trouver les gens chez eux”. Et si parfois, il fallait aussi demander un morceau de pain, la Providence n’a jamais fait défaut. C’est qu’il fallait anticiper les activités de chacun : “Passer avant le repas pour trouver la mère de famille, éviter les jours de marché…”. Il résume : “Un frère quêteur, c’est un frère qui a l’humilité de demander du secours”. Ainsi, de maison en maison, de ferme en ferme, notre frère partait solliciter la générosité des fidèles : “Je me faisais connaître, j’avais fait le même travail qu’eux, je parlais leur langue, j’étais l’un des leurs. Une relation de confiance se tissait. Ce qui m’a marqué, c’était l’accueil et la disponibilité des gens”. Sa voix se fait soudainement plus forte : “Le souvenir que je garde de la quête, c’est la corde et l’habit ! Les gens s’intéressaient à moi et me questionnaient parce que je portais cet habit. Et c’est pour cela que je le porte encore aujourd’hui, même si je suis le seul de ma communauté. Quelque part, c’est un signe de présence du passé”. La vie de Fr. Mikaël a été et est toujours faite de petites attentions. “J’ai toujours regardé le journal du pays et quand je prenais connaissance de décès dans les familles, je correspondais avec eux en souvenir de leurs bienfaits. J’ai gardé des liens d’amitié à travers cette correspondance”. Une vie bien remplie dont il n’a rien oublié, un “don” qui l’a certainement aidé dans sa mission. Et puis “il y a la prière. Même si j’étais souvent sur les routes, il y avait la pensée et l’intention”

*Dutot C., Le couvent des Cordeliers de Quimper XIIIe-XIXe siècle, mémoire de maîtrise d’histoire, Kerhervé Jean (dir.), UBO, Brest, 1988, dactyl.

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