Marguerite a 25 ans. Elle aime chanter, découvrir le patrimoine religieux, danser et faire de longues randonnées. Elle s’est retrouvée, à l’été 2024, embarquée sur un chantier bénévole à La Cordelle, à Vézelay. Récit.
Je voulais partir une nouvelle fois en Goum, ces marches de pauvreté dans le désert, à la recherche de Dieu dans la relation à la nature, la vie fraternelle et le dépouillement du superflu. Pas de chance, tous les Goums affichaient complet. J’ai donc cherché une alternative qui répondait à des critères similaires et le chantier de restauration de l’ermitage de La Cordelle m’est apparu comme le lieu idéal pour poser mon sac à dos au milieu du mois d’août.
Arrivée à La Cordelle, je découvre une joyeuse équipe qui est déjà au travail. Il y a Delphine, Antoine, Martin, Thibaud, les frères Éric et Théo, ainsi que Marion et Arnault, les maçons tailleurs de pierre qui encadrent le chantier. Nous sommes rejoints par une troupe de scouts et guides de France venue de Dole, qui campe non loin de là et qui nous prête mainforte durant toute la semaine. Au-delà de la main-d’oeuvre, c’est surtout la joie qu’ils apportent à notre groupe. Chants scouts, blagues à rallonge, « dérouillage » du matin, bonne humeur en tout temps, veillée, attention des uns aux autres… J’ai été impressionnée par la maturité de ces jeunes scouts et par leur esprit d’équipe remarquable. Et on peut dire qu’ils n’ont pas épargné leurs peines sur le chantier !
DU MUR…
Répartir les pierres en différents tas, les ranger par catégorie – belles pierres de parement, les moins belles pour l’intérieur du mur, les petites pour caler le tout –, poser les premières pierres, faire du mortier, l’appliquer avec la truelle, poser le cordeau, remblayer : les tâches quotidiennes sont assez physiques et les courbatures ne tardent pas à apparaître. Nous sommes chargés de reconstruire un des murs, matérialisant les contours de l’ancienne église, en utilisant les techniques de maçonnerie traditionnelle. Extérieurement, notre ouvrage ressemble en tout point à un mur de pierres sèches, mais nous ajoutons du mortier à l’intérieur, afin de consolider le tout. Peu à peu, mon oeil s’habitue à repérer les plus belles pierres – celles qui s’emboîtent pour éviter les coups de sabre, celles qui mesurent la bonne hauteur pour que la rangée conserve son niveau – et les pierres trop friables pour être utilisées. Les lignes s’empilent et le mur est monté en quatre jours et demi ! À la fin, nous sommes mêmes félicités par l’architecte des Bâtiments de France qui dirige la restauration de La Cordelle. Mais pour réaliser ce beau travail, nous étions bien aidés.
… À L’ASSIETTE
En effet, pendant que nous soulevons des pierres, Guislaine, Thierry et Laurent s’attellent à l’épluchage, au découpage, à la cuisson et au dressage de plats plus délicieux les uns que les autres. Midi et soir, nous avons des assiettes dignes d’un vrai restaurant. Sur ce point, rien à voir avec un Goum ! Les repas sont des moments importants pour nous autres, apprentis maçons. Nous y reconstituons nos forces et nous apprenons à connaître nos voisins. Je prends conscience du caractère profondément incarné de la construction d’un mur, où nourriture saine, travail abouti et fraternité sont étroitement liés. Ces grandes tablées nous feraient presque oublier que nous sommes dans un ermitage ! Au quotidien pourtant, les frères Éric, Patrice et Jean-Paul vivent de manière plus retirée que d’autres franciscains. Sachant cela, je suis touchée par l’accueil qu’ils nous réservent dans leur lieu de vie. Ils se laissent bousculer par notre présence parfois un peu bruyante, ils participent à notre joie et nous intègrent à leurs activités quotidiennes. J’aime particulièrement les moments de vie qui préparent la liturgie : fleurir l’autel avec les plantes du jardin, répéter les chants avec frère Patrice et quelques volontaires, sonner la cloche… Chaque matin, nous vivons les laudes et la messe : la journée qui suit découle de ce temps de prière et je suis sûre que cela soutient notre travail.
UNE TRANSFORMATION DU REGARD
Cette semaine a été une vraie découverte. Pourtant, je ne peux pas dire que je n’avais jamais vu de franciscains ! Grâce à mon père, qui travaille pour la famille franciscaine, j’ai l’impression d’avoir toujours connu saint François et ses frères, mais rien ne vaut la vie partagée au quotidien pour qu’une vraie rencontre se produise. Un aspect de cette vie franciscaine qui m’a particulièrement marquée : l’accueil inconditionnel de chacun par les frères. Pas besoin de rentrer dans les clous traditionnels pour se sentir chez soi à La Cordelle. Ce lieu réunit des personnes vraiment très différentes, je n’en aurais jamais rencontré le quart en restant à Paris dans mes cercles habituels.
Je crois que cette ouverture à l’autre, dénuée de méfiance, et ce bonheur des rencontres inattendues, m’ont dit quelque chose du Christ. Cependant, cela ne s’est pas fait sans certaines difficultés intérieures à comme accepter les divergences de pensées, d’opinions, de manières de vivre sa foi. Ce n’est pas facile, de « faire Église », de laisser le Christ nous rassembler et transcender nos différences. Mais au bout de la semaine, après tout ce travail commun, les temps de prière ensemble, les repas partagés, ces longues discussions du soir, mon regard s’était un peu transformé, à la fois sur les personnes, sur les relations humaines, sur la vie en communauté et sur Jésus.
Marguerite M.
Envie de rejoindre le prochain chantier de La Cordelle ?
Tu as entre 18 et 35 ans ? Cet été, les frères de La Cordelle t’invitent à contribuer au projet de rénovation de l’ermitage en participant à un chantier bénévole de restauration du patrimoine, du 18 au 24 août 2025.