Une vigile pascale riche en émotions à La Cordelle

La Création nous devance dans l’expression de la joie pascale.

Acte 1

Pourquoi s’en cacher ? La joie de célébrer la Résurrection de Notre Seigneur n’empêchait pas, cette année particulièrement, une pointe – c’est peu dire ! – de stress. Le nombre de participants, d’abord : nous serions « au minimum » 150 ! La Cordelle est bien trop petite pour tant de monde ! (Tiens, tiens ! Ça me rappelle la multiplication des pains : « Où trouverons-nous de quoi nourrir une telle foule ? » Mt 15, 33). La météo, ensuite : on annonçait de la pluie pour la nuit… et la vigile en extérieur.

Mais vient le moment où il faut y aller, faire le saut dans la confiance. Dès la veille, le contingent bien fourni de Lutte et Contemplation1 s’est montré très coopérant et efficace dans les préparatifs : feu, repérage de l’itinéraire, bancs à descendre, dernier toilettage du jardin, chants… De leur côté, famille et amis de Fanny et Guillaume, qui allaient recevoir le baptême (voir leurs témoignages en bas de page), les entouraient pour un temps de préparation spirituelle avec Agnès, frère Eric et Anne-Marie qui avaient eux-mêmes préparé les célébrations, depuis le Jeudi Saint jusqu’à la Vigile de Pâques. De mémoire de Cordeliers, on n’avait jamais vu une telle ruche s’activer autour de La Cordelle.

Dimanche de la Résurrection, 5h30 du matin. Allumage et bénédiction du feu, Exultet. « Qu’éclate dans le ciel la joie des anges… ». On n’ose pas encore y croire : près de 200 personnes qui répondent en chœur : « Nous te louons, splendeur du Père… » ont suffi à chasser définitivement la menace de la pluie. Fin du 1er acte.

Exultet : « Qu’éclate dans le ciel la joie des anges… ». On n’ose pas encore y croire : près de 200 personnes qui répondent en chœur : « Nous te louons, splendeur du Père… »

Acte 2

Marche en silence avec nos flambeaux autour de la colline de Vézelay, ponctuée de 5 haltes pour les grandes lectures bibliques. « Il y eut un soir, il y eut un matin, premier jour… » (Gn 1, 5). Autour de nous, il fait encore nuit. Au passage de la Mer Rouge dans l’Exode, l’effet de surprise est total : sur le refrain « Il a jeté à l’eau cheval et cavalier ! » (Ex 15, 21), une petite troupe lance une danse guerrière, de gauche à droite, de droite à gauche, percussions à l’appui. Premiers chants d’alouettes. Isaïe : « Vous tous qui avez soif, venez, buvez gratuitement… » (Is 55, 1). Des voix magnifiques, jeunes et claires, donnent à ces récits une force et une vibration remarquables.

Le jour se lève peu à peu, encore gris mais étonnement doux. Les alouettes – dont le nom scientifique de « alauda » vient du latin « laudare » (louer), ça ne s’invente pas ! – chantent maintenant à tue-tête, entraînant à leur suite grives, merles et rouges-gorges en un somptueux concert. La Création nous devance dans l’expression de la joie pascale.

Acte 3

Arrivée à la Fontaine Sainte Madeleine, annonce de la résurrection, homélie d’Agnès. Frère Eric, qui préside, appelle alors Fanny et Guillaume. Suspense. Fanny la première s’avance, descend dans le bassin… jusqu’à la ceinture. Que va faire Eric ? Lui aussi y plonge, avec son aube ! Premiers applaudissements. L’eau de ce grand bassin, alimenté par la fontaine, est plutôt fraîche, mais qu’à cela ne tienne. Le rituel du baptême se déploie dans toute sa force originelle. Dans nos têtes, le Jourdain n’est pas loin. Plonger dans l’eau baptismale, c’est mourir et ressusciter avec Jésus. Fanny, puis Guillaume, nous donnent de revivre notre propre baptême. Les applaudissements, aussi spontanés que nourris, cachent à peine l’émotion qui nous saisit tous devant ces baptêmes de deux jeunes adultes qui ont consenti à le vivre « en vrai », symbole et réalité entremêlés, palpables, visibles, discours et commentaires superflus. Merci à eux. Ils ont été portés par nous tous, par tous les saints invoqués avec enthousiasme, autant qu’ils nous ont portés – transportés peut-être – dans un au-delà très pascal, juste pour un temps.

Les applaudissements, aussi spontanés que nourris, cachent à peine l’émotion qui nous saisit tous devant ces baptêmes de deux jeunes adultes qui ont consenti à le vivre « en vrai ».

Acte 4

On remonte jusqu’à La Cordelle pour la suite de l’Eucharistie, qui porte si bien son nom d’ « action de grâce ». Devant ce paysage dont on ne se lasse jamais, nous nous en remettons au Christ ressuscité qui se donne à nous dans le pain et le vin partagés. Le croirez-vous ? A la fin de cette messe champêtre, le ciel se dégage pour de bon, nos alléluias lui ont rendu son bleu lumineux.
Pourquoi as-tu stressé, homme de peu de foi !

Fr. Patrice KERVYN, OFM


Témoignage des baptisés de Pâques

Fanny Rigal, 27 ans

Pépiniériste dans le Lot-et-Garonne.

« Rentrer à la maison était le cœur de ma demande de baptême. Il fallait, je devais, j’avais besoin, j’y étais appelée. Rentrer à la maison, c’est ce que j’ai fait en me faisant baptiser. Je n’ai pas vraiment d’explication rationnelle. Les cinq jours à La Cordelle m’ont marqué. Chaque minute était à la fois éprouvante et libératrice. Le chemin de croix, écrire mon « témoignage » dans une des chambres de La Cordelle qui donne sur le potager, l’arrivée au lavoir. Oh purée, je vais être baptisée pour de vrai ! La surprise de voir Éric dans l’eau avec moi. L’eau en question, froide, bien froide sur ma tête, la sortie du bassin, les cris de joie autour, mes claquements de dents. Puis la messe en plein air, cette première communion dans un rayon de soleil. Le calme de La Cordelle une fois tout le monde parti. Les douze fois où nous nous sommes dit au revoir avec Éric. Puis le retour compliqué en voiture. J’ai beaucoup pleuré, comme si je faisais le deuil de tout ce qu’il y avait eu avant cette vigile pascale… Libération, un mot qui me reste. »

Guillaume Theurelle, 28 ans

Partage son temps à Paris entre une école de théâtre et des interventions en milieu scolaire sur des mini-projets d’architecture.

« En continuant de cheminer, je souhaitais recevoir le baptême pour signifier au Seigneur mon désir de m’engager à sa suite. Un jour, j’ai compris que Lui aussi désirait cela de moi ! Alors banco ! Mais alors où recevoir le baptême ? Je souhaitais un lieu où les confessions protestante et catholique puissent être présentes. J’ai cherché pendant une bonne année, et puis un jour, un ami de Lutte & Contemplation m’a dit qu’ils souhaitaient vivre Pâques à La Cordelle. En octobre 2024, je décidais de passer toute une semaine chez Agnès et Anne-Marie, proches de l’ermitage franciscain. J’ai ainsi pu rencontrer les frères. J’ai retrouvé là une simplicité, une authenticité et une écoute bienveillante ; une façon à la fois réfléchie et dans la liberté de vivre sa vie de foi. Le temps du baptême en lui-même, dans ce lieu si singulier du lavoir, me reste particulièrement en mémoire. Pendant la litanie des saints, j’avais le temps de regarder chaque visage présent. Le frère Eric nous a baptisés prenant l’eau du lavoir avec une grande attention dans les mains et nous la déposant et tendresse sur la tête. Dans ce geste, je retrouvais la douceur et l’attention toute particulière du Seigneur pour chacun de ses enfants. Sans comprendre tout à fait pourquoi ce lieu et ce temps me tenaient autant à cœur pour recevoir le baptême, j’ai pu réaliser que j’avais un grand besoin de réunir amis et famille dans un lieu qui me ressemble, qui parle de moi. J’ai vécu dans ce lieu une expérience très unificatrice. Ce fut une véritable guérison de pouvoir présenter mes proches, dont j’étais fiers, à mes parents. Une guérison de voir leur joie nourrie par l’accueil chaleureux des frères, à l’image de cette belle accolade de mon père avec frère Eric au moment de la signature des registres. J’ai ainsi réalisé qu’il est bon de saisir le temps où nous sommes au cœur de la fête. Ces moments sont là pour recevoir l’amour et la reconnaissance dont nous avons besoin et de permettre ainsi la guérison et de grandir puis de donner. »

  1. Un réseau de jeunes engagés dans le domaine social et écologique, et ancrés dans la foi chrétienne, une foi priante et confessante. ↩︎

Contact