« Dois-je vous appeler frère ou père ? »

L’important, pour les franciscains, est de manifester à tous un accueil sincère et fraternel.

Comment faut-il vous appeler : « frère » ou « père » ? La question revient souvent chez les personnes qui rencontrent les franciscains pour la première fois et elle touche notre identité profonde.

Les titres donnés aux religieux et au clergé ont évolué dans l’Église. Au XVIIe siècle, les prêtres religieux étaient des « révérends pères », tandis que l’usage d’appeler les prêtres diocésains « père » ne s’est généralisé qu’après Vatican II.

UN ORDRE DE FRÈRES

Pour les franciscains, la question est particulière : François d’Assise a voulu que ses disciples soient appelés « frères mineurs », soulignant la fraternité et l’humilité. Il fut le premier à désigner son ordre par le terme « frères ». Ainsi, le premier verset du premier chapitre de la première Règle de François commence-t-il par ces mots : « La règle de vie des Frères est la suivante » (1R1).

Ce choix s’enracine probablement dans son expérience spirituelle : rejetant la paternité terrestre lors du procès avec son père, François choisit de ne reconnaître que Dieu comme Père. Plus tard, fidèle à ce choix, François reprend l’Évangile de Matthieu (23, 8-10) dans le chapitre XXII de la première Règle : « Vous êtes tous frères. N’appelez personne votre père sur la terre, car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est dans les cieux. »

Il invite ainsi ses frères à vivre l’égalité, sans titre ni domination, et à se faire proches des « petits » et des exclus : « On ne donnera à aucun frère le titre de prieur, mais à tous indistinctement le nom de « frères mineurs » (1 R 6,3), qu’au-delà : « Sur aucun homme, mais surtout sur aucun frère, nul frère ne se prévaudra jamais d’aucun pouvoir de domination » (1 R 5, 9).

POUR UN ACCUEIL INCONDITIONNEL

Plus fondamentalement, pour François, Dieu Père est la source de la paternité, et de notre filiation adoptive naît la fraternité. Pour François, elle est universelle et concrète : elle s’étend à tous, sans distinction, et même à toute la Création. Ce principe se traduit par un accueil inconditionnel de chacun, ami ou ennemi, riche ou pauvre : du lépreux rencontré dans les environs d’Assise, au sultan de Damiette, Malik-el-Kamil, en pleine croisade, des brigands de Borgo Sansepolcro à la noble dame romaine Jacqueline de Settesoli — qu’il appelait affectueusement « frère Jacqueline » ; de frère soleil lui brûlant les yeux sur les routes de l’Orient au ver de terre qui lui évoque la passion du Christ. La fraternité n’a plus de frontières et appelle à un accueil inconditionnel : « Quiconque vient à eux, ami ou ennemi, voleur ou brigand, doit être bien reçu » (1 R 7, 14).

Alors, plutôt que de s’attarder sur les titres et des appellations, l’important, pour les franciscains, est de manifester à tous un accueil sincère et fraternel, fidèle à l’esprit de leur fondateur.

Fr. Yannick LE MAOU, OFM

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