Jeanne Amigues et Antoine Falduto sont tous deux Français. L’une est à Jérusalem, volontaire au Terra Sancta Museum, l’autre est à Bethléem, en immersion à la Maison franciscaine de l’enfant. En ce début d’année, ils ont participé à un moment fort de la vie paroissiale locale : la bénédiction des maisons. Regards croisés.
“En six jours, nous avons béni les maisons d’un peu plus de 700 familles, confiant ces lieux et les fidèles qui y demeurent à la miséricorde du Seigneur”, raconte Antoine encore tout retourné. Il a pu accompagner Fr. Sandro Tomašević, missionnaire croate et vicaire de la paroisse latine de Bethléem, ainsi que Marie-Rose Naser, fidèle paroissienne. « Je savoure une certaine évidence de la foi. Non pas qu’il soit facile d’être chrétien en Palestine – le contexte nous le rappelle suffisamment -, mais ce que je reçois de la manière d’être chrétien ici m’éclaire sur une certaine intégration de la foi dans la vie quotidienne. Ailleurs, il m’arrive d’assister à tant de débats sur tant de points de la foi et de sa mise en œuvre. Ici, j’ai moins rencontré cette “zone de doute” qui, bien qu’elle protège de certains fondamentalismes, insère aussi une séparation entre la foi et l’action. Du Credo à la bénédiction, immédiatement.”
Même son de cloches chez Jeanne, dans les ruelles de la vieille ville de Jérusalem : “Tout s’est passé de manière si fluide et chaleureuse, les familles nous accueillaient les bras ouverts. Dès qu’elles apercevaient Fr. Johnny, leurs yeux s’illuminaient et elles s’exclamaient : “Abouna Abouna, Abouna !(1)” Elles étaient habituées à sa venue et on sentait qu’elles aimaient recevoir un prêtre.”
PRÊTRE DANS LE QUOTIDIEN
Le rituel est précis. “À chaque maison : une salutation chaleureuse, un Notre Père, puis la bénédiction de la paix, tant sur les membres de la famille que sur leur vie. Je tenais l’eau bénite dans de petites fioles que je remettais ensuite à Fr. Johnny afin qu’il asperge la maison en récitant un Je vous salue Marie”, confie Jeanne, consciente de cette plongée unique au cœur de la vie des chrétiens de Jérusalem. “Nous avons rencontré des familles très différentes : des vieux, des jeunes, des adolescentes qui attendaient leurs parents, des familles avec des enfants qui cavalaient partout, des copines échangeant les derniers potins autour d’un thé, parfois en pyjama ou en train de terminer leur cigarette et même en plein apéro !” Ce fut aussi l’occasion de découvrir l’architecture de la vieille ville “où toutes les habitations sont organisées autour d’un hoch, une grande cour commune extérieure.”
Mais au-delà, Jeanne reste marquée par ces rencontres : “Aller et bénir les maisons, être accueilli dans le lieu de vie intime et familial, rappelle que le rôle du prêtre, et donc de Celui qu’il signifie, n’est pas exclusif au lieu de culte et qu’il nous dit simplement la beauté de la médiation dans tout acte d’amour. L’ostensoir qu’il est pour le monde et le regard du croyant, doit rayonner, se déplacer et aller à la rencontre notamment des personnes aux lisières de la foi et de la vie ecclésiale.”


GRATITUDE ET CONSIDÉRATION
Certains pourraient taxer cela de piété populaire voire de superstition. “Il ne s’agit pas de s’arrêter avec naïveté et superficialité à l’aspect extérieur de la bénédiction. Si je me réjouis d’avoir pu vivre, et être authentiquement enrichi par ces longues journées aux côtés du frère Sandro, il est évident que cet acte n’a de profondeur que s’il est partagé, que si les familles lui attribuent un sens et y participent. Il ne s’agit pas d’une action mécanique mais d’un geste et d’une parole qui visent à orienter l’âme vers la présence de Dieu. Faire bénir sa maison nous rappelle que nous ne sommes qu’en pèlerinage terrestre, en l’attente active de notre véritable demeure.”
Jeanne a, quant à elle, été marquée par une attention particulière. “Frère Johnny a béni chaque porte d’entrée avec simplicité et considération. Pour moi ce geste, en apparence anodin, revêt une grande symbolique. Bénir l’entrée d’un foyer, c’est aussi bénir tous ceux qui en franchiront le seuil ainsi que ceux qui le quitteront. C’est un bel exemple de la fraternité franciscaine : une fraternité qui bénit, qui rassemble, qui unit”, conclut Jeanne.
Propos recueillis par Émilie REY
(1)“Mon père” en arabe.