La première pierre du chantier de rénovation de La Cordelle a été posée le 21 septembre en présence du public, des partenaires du projet et des principaux élus du territoire, signe du travail important de mobilisation et de mise en réseau effectué par les frères franciscains et l’équipe projet qui les accompagne.
La foule est nombreuse en cet après-midi du 21 septembre 2024, journée européenne du patrimoine, à l’ermitage de La Cordelle, en contrebas de la colline de Vézelay. Amis de la communauté, voisins, fidèles du diocèse, journalistes, mécènes du projet et élus ont répondu présents à l’invitation des franciscains. C’est aujourd’hui qu’est symboliquement dévoilée la première pierre du chantier de rénovation de la première fondation franciscaine de France.
À évènement exceptionnel, organisation exceptionnelle : la trentaine de bénévoles qui accompagne les frères dans cet ambitieux projet s’est mobilisée pour accueillir les quelques 500 personnes qui vont défiler tout au long de la journée.
VOLONTÉ, ÉCOUTE ET INITIATIVE
15h, la cloche de l’ermitage sonne le début des festivités. Tour à tour, frères et élus prennent la parole à commencer par Fr. Éric Moisdon, gardien de La Cordelle. « Gardien : c’est un nom un peu barbare pour certains mais saint François d’Assise a choisi ce mot pour désigner les responsables de communauté. Il invite tous ses frères à se garder les uns les autres. Aujourd’hui, plus que jamais, nous sommes les gardiens de tous nos frères et nos sœurs en humanité et nous souhaitons vraiment que La Cordelle soit une école de paix et de fraternité pour toute femme et pour tout homme qui passera ou qui résidera ici, quelle que soit son histoire, ses conditions sociales ou ses convictions. »
Hubert Barbieux, Maire de Vézelay, soutien du projet de rénovation depuis ses débuts, tenait à partager l’approche et le climat de travail dans lequel s’est développé ce dernier. « Il y a eu des étapes qui ont été très administratives et très nécessaires ; elles ont nécessité des ajustements et des aménagements qui, grâce à votre écoute et à votre capacité d’initiation, trouvaient une finalité ; grâce aussi à l’équipe qui vous a entourés, l’équipe professionnelle qui portent ce projet […] Les choses sont possibles quand on a la volonté, l’écoute et l’initiative de les faire avancer » se réjouissait-il. Évoquant enfin la démarche en cours de labellisation « Grand Site de France », espérée l’année prochaine pour Vézelay, le maire de la commune tenait à souligner que La Cordelle « y a toute sa place ».
TRANSMETTRE UN PATRIMOINE VIVANT
Marie-Guite Dufay, Présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté qui découvrait pour la première fois l’ermitage de La Cordelle, ne cachait pas sa joie « de trouver un lieu plus reculé, celui du jardin secret de la communauté franciscaine de Vézelay » après avoir visité Cluny et Cîteaux. « Je salue le courage que vous avez de vous lancer dans une entreprise pareille, parce que votre tradition n’est pas celle des moines bâtisseurs ! […] À la mesure des moyens qui pourront être ceux de la collectivité que je préside, nous serons à vos côtés, parce que le travail que vous faites porte un vrai souci de transmission aux générations futures […] Et je crois que nous avons bien besoin de votre exemple, de votre souci, de votre leçon, à la fois de sobriété et de fraternité » concluait-elle.
Sophie-Laurence Roy, Députée de la 2ème circonscription de l’Yonne, lui succédait au micro de l’« estrade », dressée sur la roche même, mise à nue par le chantier des fouilles archéologiques menées par l’Inrap*. « J’étais hier à Bibracte [vestiges d’un couvent de frères Cordeliers situés à 80 km au sud de Vézelay] où j’ai découvert quelque chose que j’ignorais absolument : un autre lieu franciscain, à peu près du même âge que celui-ci. Mais ce qu’il y a de très émouvant dans l’ermitage de Vézelay c’est que c’est un patrimoine vivant. Un patrimoine dont chacun d’entre nous peut encore profiter pas seulement en venant le regarder, mais aussi en y venant en paix ».
UN LIEU OÙ REPRENDRE FORCE
Dominique Verien, Sénatrice de l’Yonne, avait quant à elle inauguré, en matinée, un centre de secours des pompiers à Cruseilles-Châtel. Sa dernière visite inspirait son discours : « Pour faire société, il faut bien que les gens se dévouent pour être le gardien de leur frère, là en l’occurrence le gardien des corps. Mais à quoi sert un corps sain si nous n’avons pas un esprit sain qui l’occupe ? C’est ce que vous allez faire ici en permettant à des gens de venir se recueillir et essayer de reprendre force, reprendre vie en se raccrochant à la terre, à la nature, au silence pour pouvoir repartir ». Et de conclure : « ce que vous rénovez, c’est notre histoire. Vous nous ancrez justement dans ce qu’est notre histoire ».
Fr. Michel Laloux, provincial des franciscains de France-Belgique, avait la lourde tâche de clôturer ces prises de parole toutes plus encourageantes les unes des autres. S’exprimant au nom de la centaine de frères présents en France et en Belgique, il filait la métaphore du lichen, organisme végétal fruit de l’association d’un champignon et d’une algue. « J’aime beaucoup le lichen parce qu’il est un peu un symbole de ce qui se vit ici. Je viens d’apprendre qu’il en existe 20 000 espèces différentes mais celui-ci [exhibant l’un d’entre eux dans la paume de sa main] est unique. La Cordelle, comme le lichen, manifeste l’alliance. Un endroit où l’Homme, et j’embrasse aussi la femme, peut refaire alliance avec lui-même, avec les autres, avec la nature et avec Dieu. Et comme il faut beaucoup de temps pour que le lichen grandisse, il faut du temps pour que quelqu’un qui séjourne ici ouvre son cœur d’une manière toute particulière. Le silence et l’émerveillement du regard permettent cela. Merci à mes frères ici présents et aux frères de la Province d’avoir initié ce projet de rénovation ».
JÉSUS, VRAIE PIERRE DE FONDATION
Pour entamer la seconde partie de cette célébration, et comme pour redire l’accueil inconditionnel de tous à La Cordelle, Agnès von Kirchbach, pasteure protestante engagée dans l’équipe projet, avait choisi de lire un extrait de la première Lettre de saint Paul à l’église de Corinthe. Elle interpelait le public : « Nous sommes des collaborateurs de Dieu. Et vous, vous êtes un champ que Dieu cultive, une maison que Dieu construit. Ne savez-vous pas que vous êtes un sanctuaire de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? Selon la grâce que Dieu m’a donnée, moi, comme un bon architecte, j’ai posé la pierre de fondation. Un autre construit dessus ».
Alors que l’assemblée fredonnait « Laudato si’ O mi signore » [Loué sois tu mon Seigneur] pour reprendre la louange même de François d’Assise, Fr. Michel Laloux bénissait la première pierre, sculptée par Stéphane Dupaquier, tailleur de pierre du village voisin de Girolles. Enfin, dans une délicate attention, les participants étaient invités à apporter leur « petite pierre » à l’édifice en personnalisant un bout de roche calcaire de Vézelay.
VISITE ET ARCHÉOLOGIE
Pour lancer la dernière partie de la journée, M. Nicolas Tisserand, Directeur Adjoint scientifique et technique de l’Inrap Bourgogne Franche-Comté, revenait sur les fouilles préventives de ces derniers mois. « Je ne suis pas sûr que mes collègues aient vraiment envie de quitter ce lieu idyllique. Ils sont rares ces endroits où on peut mixer travail et plaisir. On évoquait tout à l’heure la pose de la première pierre mais n’oublions pas qu’on en a enlevées quelques milliers [35 camions !] pour découvrir ces vestiges et essayer de remonter l’histoire de ce site. Je vous invite dès à présent à aller rencontrer l’équipe, Orianne Wadel [archéologue qui a supervisé ce chantier], pour faire connaissance avec ces fragments de statues extraordinaires qui portent encore des traces de polychromie ».
Il n’en fallait pas davantage pour aiguiser la curiosité de l’assemblée qui eut le plaisir de déambuler, tout au long de l’après-midi, du stand archéologie à l’exposition photo, de participer à une visite guidée de la chapelle ou de visionner le film sur La Cordelle dévoilé en avant-première. Il aurait manqué quelques notes de poésie si Pauline Schill, Baptiste Sanson, Marie Joudiou, Gilles Katelin et Christian Reuillard n’avaient eu la brillante idée d’interpréter un spectacle musical autour de la vie de saint François. Cette journée aussi intense que réussie se terminait ainsi en musique puis dans les rires et la fraternité d’un apéritif offert à tous au pied de cette chapelle fondée pour l’éternité.
Émilie Rey