Dans les pas de saint Antoine : proches de Dieu et des hommes

Le mot “accueil” est le maître-mot de notre vie de frère.

On aurait pu se contenter d’une brillante visite guidée retraçant la vie de saint Antoine pour affirmer que sa mémoire était maintenue vive aux Grottes de Brive. En frères a voulu aller plus loin pour déceler, dans le quotidien des frères, une filiation missionnaire.

Mardi après-midi, 15 h sonnent. J’ai dans les mains un panier en osier rempli de petits papiers. Sur l’un d’eux, je peux furtivement déchiffrer d’une écriture tremblante : “Bon saint Antoine, je te prie pour ma fille qui divorce. C’est dur, surtout pour les p’tits, ne les oublie pas”. La “messe du pèlerinage”, célébrée chaque mardi, débute par une procession où les intentions de prière confiées “au saint de tout le monde” sont déposées au pied de l’autel.
Fr. Jean-Damascène, gardien de la communauté depuis trois ans et missionnaire originaire du Togo, est très attaché à cette célébration. “Je ne suis pas venu en France pour raconter l’histoire d’un saint, aussi populaire soit-il ; je ne suis pas historien, je suis religieux. Le mot « sanctuaire » rime, pour moi, avec spirituel. Les gens viennent ici parce qu’ils sont en quête de quelque chose, de Dieu, de sens. Ils portent une intention et espèrent trouver un début de réponse. Nous sommes là pour eux.” Prier pour intercéder, prier ensemble. Et il suffit de venir un dimanche aux Grottes pour découvrir une église pleine à craquer autour des frères, réunis au complet. Fr. David nous explique que cette présence est un choix communautaire. Fr. Jean-Damascène veut rappeler : “notre vie fraternelle prend sa source dans l’Évangile. Nous sommes d’abord appelés à accueillir cet Évangile, c’est le point de départ de toute vie chrétienne et de toute transformation personnelle et communautaire.” C’est dans cette même dynamique personnelle et communautaire que l’adoration eucharistique a été instaurée il y a trois ans, chaque jour après les Vêpres. “Cela fait partie de notre vie à part entière et c’est un signe fort” estime Fr. David. “Notre témoignage premier se trouve dans cette communion de vie en fraternité, c’est le b.a-ba de notre spiritualité” ajoute Fr. Jean-Damascène. Ce climat de prière, le soin apporté aux liturgies et la fidélité des frères ont d’ailleurs marqué les participants au dernier WEFA*. “Cela fait du bien, ici on ne défile pas les offices, on prend vraiment le temps de prier. J’ai senti des frères présents au moment et soucieux de leur relation avec Dieu” notait l’un d’entre eux.

UNE PRIÈRE SIMPLE ET FRATERNELLE

À Brive, le visiteur d’un jour comme le voisin fidèle ont la joie de pouvoir prier les offices dans le chœur, côte à côte avec les frères, juste au-dessus des grottes visibles au travers d’une vitre percée dans le sol. “Les gens sont sensibles à cela, ils nous disent qu’ils se sentent portés par la prière des frères” confie Fr. Danick. Michel, photographe “de lumière”, originaire de l’Aveyron, en témoigne. Je le croise à l’Hôtellerie, au petit-déjeuner ; il vient ici pour la seconde fois. Il ne cache pas son amour pour le grégorien et se dit familier de l’abbaye de Fontgombault. “Cependant, je vis ici différemment ma relation à Dieu, je la vis de manière horizontale”. Fr. David esquisse : “Je crois que cette accessibilité et cette simplicité permettent aux gens d’être eux-mêmes.”
Pour inviter les fidèles dans ce cœur à cœur avec Dieu, les frères n’hésitent pas à faire évoluer les habitudes. “La mission ce n’est pas de se tailler un sur-mesure confortable ou d’appliquer une recette. Je crois que c’est rester à l’écoute du réel” commente Fr. Jean-Damascène. Ainsi, en semaine, la messe du matin a été avancée pour faciliter la participation des fidèles. Même opération le dimanche matin mais cette fois “pour avoir davantage de temps à la sortie de la messe afin de pouvoir s’attarder. C’est cela l’apostolat du parvis !” lance joyeusement Fr. Danick. L’expérience est maîtresse, les frères de Brive l’ont bien compris.

Temps de prière des franciscains avec des laics à l'intérieur de la chapelle des grottes de saint antoine de padoue, à Brive
“N’éteins pas l’esprit de sainte oraison et de
dévotion.”
(Lettre à Frère Antoine)
Frère Henri Namur discute avec un homme près de l'accueil du sanctuaire des grottes de saint antoine

SANCTUAIRE ET VIE FRATERNELLE

Si nos frères sont engagés dans le diocèse de Tulle au conseil presbytéral, au sein de l’aumônerie scolaire, du catéchuménat, des gens du voyage, à la prédication de retraites, au service des fraternités franciscaines séculières de la région ou encore dans les instances de la Province franciscaine (Définitoire et Postulat en tête), l’animation spirituelle du sanctuaire demeure leur premier projet. Et ils l’ont pris “à bras-le-corps” selon Fr. Jean-Damascène.
Tous sont alignés : “Le mot “accueil” est le maître-mot de notre vie, même si on n’est pas toujours à la hauteur” reconnaît humblement Fr. Jean-Paul. Et il est vrai que la vie des frères, pour qui la partage 72 heures, se déroule au rythme des groupes accueillis, des pèlerins, des touristes, des bénévoles, des sollicitations pour une confession ou un accompagnement spirituel… “Cela coûte d’être dérangé dans son bien-être” avoue encore notre frère belge. Avec la même franchise il poursuit : “Il y a des frères qui pourraient estimer qu’un tel projet communautaire et la disponibilité qu’il implique nuit à leurs projets personnels”. Le sanctuaire m’apparaît comme une école de fraternité, à chaque frère d’y trouver sa place. Ceux présents n’en souffrent pas. “Il y a vraiment de l’espace pour s’épanouir, chacun en fonction de son charisme, je le vois avec les formations ou les parcours qui ont été initiés” relate Fr. Danick. Fr. Henri veut voir l’unité que le sanctuaire fait germer entre les frères. “Bien sûr, il y a des sujets de tensions. Chaque frère a sa perception du lieu, ses temporalités, ses attentes mais, malgré nos différences, on a une vraie estime les uns pour les autres car nous nous découvrons, chaque jour, complémentaires”. Fr. Jean-Damascène complète : “Et si l’amour que nous portons en nous est sincère alors les relations deviennent sincères. S’il n’y avait pas l’amour ce serait du temps perdu.”

TENIR UN ÉQUILIBRE COMMUNAUTAIRE

La promiscuité du lieu tout comme le nombre d’acteurs impliqués dans la vie du sanctuaire (Association des Amis de saint Antoine, directeur, salariés, cinquantaine de bénévoles) auraient de quoi faire exploser la “machine” si cette dernière n’était pas bien huilée. Le chapitre communautaire qui a lieu tous les quinze jours est un temps fort. Il est le garant d’une communication fluide et d’une disponibilité renouvelée selon les capacités de chacun. “Quand les clarisses de Clermont-Ferrand me sollicitent pour une retraite, je relaie la demande à mes frères et on discerne ensemble : est-ce possible, est-ce à moi d’y aller, est-ce que cela ne met pas en difficulté mes frères ?” illustre Fr. David. “Certes il y a des loupés mais on essaye vraiment de tenir un équilibre communautaire.” Je découvre ainsi l’existence d’une petite “fiche de demande” remplie par tous les groupes accueillis aux Grottes (plus de 6 000 nuitées l’an dernier). “Ces demandes nous parviennent via l’Hôtellerie, les groupes cochent ce qu’ils désirent : une visite du lieu ou la présentation de la vie de saint Antoine, une conférence spirituelle, la disponibilité d’un prêtre pour un temps de confession ou célébrer l’eucharistie, participer aux offices…” Au-delà de l’anticipation et d’une saine répartition des tâches entre frères, “cela montre aux groupes qu’ils sont attendus”, est convaincu Fr. David.

Repas des franciscains de Brive, dans la fraternité du sanctuaire des grottes de saint antoine de padoue
Les repas sont des moments privilégiés pour se partager les perles du sanctuaire et de nombreuses nouvelles.
La boutique, l’accueil, l’hôtellerie… Autant de lieux pour prendre le temps de la rencontre.

UN MINISTÈRE DE LA PROXIMITÉ

Je retrouve maintenant Fr. Jean-Paul dans l’ancien confessionnal transformé, il y a deux ans, en bureau d’accueil. Il jouxte la petite boutique du sanctuaire. À tour de rôle, les frères y assurent une permanence. Fr. Jean-Paul cumule cinq après-midi par semaine. “Même si, certains mois de l’année, il y a peu de demandes, j’estime qu’il est important d’être physiquement présent”. De fait, les gens viennent parce qu’ils savent où trouver les frères. Ils défilent dans le petit bureau à la porte entrouverte. L’un vient demander conseil, l’autre faire bénir un objet. Pour Fr. Henri, tout est occasion de relations : “On découvre tellement de choses sur les gens quand on se donne le temps de les écouter. Ils nous disent d’où ils viennent, pourquoi ils désirent une bénédiction, pour qui… On rentre alors dans leur intimité et on peut faire route ensemble”.
“Il y a ceux qui viennent souvent, ceux que l’on ne reverra jamais, ceux qui ne savent plus à quels saints se vouer face aux difficultés extrêmes de la vie, ceux qui ne savent pas par où commencer”, Fr. Jean-Paul s’émerveille de tous ces visages. La proximité se vit aussi dans les plages horaires, souvent à rallonge, des confessions. “C’est un ministère absolument étonnant mais il faut être présent. Plusieurs fois, j’ai eu des personnes qui m’ont témoigné avoir tourné trois fois dans l’église avant de pousser la porte du confessionnal” raconte Fr. Henri. Proximité encore dans cette collaboration avec le 115 que Fr. David détaille : “On fait le choix de bloquer deux chambres à l’Hôtellerie autant que possible sur toute la durée de l’année pour accueillir des personnes en situation d’urgence. Cela ne nous rend pas plus parfaits, on essaye juste de trouver des réponses, d’ouvrir des possibilités, de rester attentifs aux besoins de notre siècle.”

UNE OUVERTURE À LA VILLE

Mais la grande nouveauté de ce triennat aura été l’entrée dans le réseau des villes sanctuaires de France. Au-delà d’une nouvelle signalétique et de l’afflux significatif de pèlerins, les frères soulignent le travail effectué, main dans la main, avec l’Office de tourisme de la ville. Un moyen de lier tourisme et évangélisation. “Les touristes ont des questions très pertinentes, il y a beaucoup de curiosité et de bienveillance” affirme Fr. Danick. Il tient à partager cette phrase reçue d’un inconnu : “Je suis rentré aux Grottes en touriste, je repars en pèlerin”. Gratitude devant le Mystère de l’action de Dieu. “Aux Grottes, ce sont davantage les gens qui viennent vers nous et je peux vous dire qu’ils nous déplacent intérieurement. On peut être itinérant sans bouger si on sait être attentif à ce que vivent les gens, à ce qu’ils cherchent, aux signes des temps, de l’Église, de la société, du monde.” Fr. Henri acquiesce : “Notre vie régulière nous permet d’aller très loin avec les gens, très loin dans la rencontre”. Alors rendons grâce à saint Antoine et à son passage, il y a huit siècles, mais plus encore à ces générations de frères, hier comme aujourd’hui, qui protègent bien plus que des grottes : le sanctuaire de chaque homme et de chaque femme en serviteur fraternel de la vie de l’Esprit.

Émilie REY

*Activité de la pastorale des jeunes de la Province. En savoir plus.

Bénédiction par frère Henri Namur
Bénir, souhaiter le Bien, créer un lien.
Bougies dans les grottes du sanctuaire de saint antoine de padoue, à Brive

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