Retour sur l’originalité de la tradition des ermitages franciscains avec Fr. Patrice. Il était présent à la dernière rencontre internationale des maisons de prière et des ermitages franciscains.
Début octobre 2023, le temps radieux attire une foule de voyageurs, visiteurs, randonneurs, etc. Dans les trains – transport que j’ai privilégié par rapport à l’avion, moins cher mais pas vraiment écologique… -, les gares et les villes d’Italie, on se presse, se bouscule, se faufile. Le tourisme de masse, jusqu’où sera-t-il supportable ? Assise n’échappe pas à la règle. Je vais d’abord me recueillir à la Portioncule. Pas si simple, au milieu de tant de monde, et de messes sonorisées haut et fort.
MARTHE ET MARIE
C’est au cœur de ce monde, tel qu’il est – sa frénésie de voyages, ses smartphones et selfies jusque dans les sanctuaires – que l’Ordre franciscain a lancé l’appel à toutes les Provinces, au Chapitre général de 2015, d’ériger une maison de prière ou un ermitage pour que les frères ou des laïcs puissent se recentrer sur l’essentiel, goûter les bienfaits du silence et de la solitude, demeurer dans un lieu et replacer la prière au cœur de leur vie.
Seul mais porté par une fraternité. C’est l’originalité de la tradition des ermitages franciscains : les frères n’y seront pas nombreux, trois ou quatre, mais ils se stimuleront à donner la priorité à « l’esprit de prière et dévotion » qui doit irriguer toutes nos activités. Concrètement, écrit François dans sa courte « Règle des ermitages », ils alterneront les rôles de Marthe, la mère qui nourrit et protège des interférences extérieures, et de Marie, qui écoute aux pieds du Seigneur, sans se laisser déranger par les soucis.
LE SOUCI DE LA FRATERNITÉ
De l’Alverne, ses sombres grottes et forêts, à la Slovaquie, la Corée du Sud ou les hauts plateaux argentins, en passant par les forêts de l’État de New York, des frères qui vivent dans des fraternités d’ermitage ont témoigné, images et vidéos à l’appui, de leurs modes de vie, de leurs choix parfois exigeants : lever de nuit pour une heure d’adoration, pas de radio ni d’internet (sans parler de la TV), lectio divina, rosaires ou offices de la Passion… Mais le souci de la fraternité l’emporte, et pas de forcing pour des frères moins résistants ou des retraitants de passage.
Des traditions spirituelles propres à une région ou un pays sont parfois judicieusement mises à profit pour guider les retraitants : Pierre d’Alcantara en Espagne, Thomas Merton aux USA, yoga et « contemplation de quiétude » en Corée… Une belle diversité pour répondre à cet appel de l’Ordre qui a été entendu dans un grand nombre de Provinces. Pour certaines, la création de leur ermitage est toute récente, et n’exclut pas l’accueil de populations locales démunies mais heureuses de prier avec les frères, dans leurs humbles masures, autour de la table : indiens en Argentine, migrants du Venezuela au Costa Rica… La présentation de la Cordelle a été très appréciée. Fr. Massimo Fusarelli, notre Ministre général, nous a tenu des paroles fortes pour nous rappeler le cœur de notre vocation : « Désirer avoir l’Esprit du Seigneur et sa sainte opération. »
Marthe et Marie, les mères et les fils dont François parle dans sa Règle, ont été très présentes dans nos échanges. C’est précisément ce que nous commençons à mettre en œuvre à la Cordelle : à tour de rôle, chaque frère peut prendre deux jours par mois pour vivre en retrait, sans soucis matériels ou d’accueil, aménageant ses journées à sa convenance. Les deux autres frères veillent jalousement à préserver son silence. Et ça marche plutôt bien ! Nous n’attendons pas la fin des travaux pour vivre dès à présent ce que la Province attend de nous.
Fr. Patrice KERVYN, OFM
