Indulgence plénière pour le 8ème centenaire de Greccio

Dieu sera toujours là, quoi qu’il arrive, toujours, toujours.

Le 4 octobre dernier, les ministres généraux de la Famille franciscaine annonçaient que, à l’occasion de la célébration du huitième centenaire du Noël de Greccio, la Pénitencerie apostolique avait concédé qu’une indulgence plénière soit accordée à tous les fidèles qui accompliront la démarche. Bonne foi ou pieu calcul ? En Frères a demandé à Fr. Frédéric-Marie Le Méhauté, théologien, de nous éclairer.

“Tout ce que vous aurez délié sur la terre, sera délié dans le ciel” (Matthieu 16,19). Les sacrements sont une mise en œuvre concrète de cette affirmation de Jésus mais l’indulgence va plus loin…
Selon le catéchisme de l’Église catholique, “l’indulgence est la rémission devant Dieu de la peine temporelle due pour les péchés dont la faute est déjà effacée” (Cf. CEC §1471-1479). Pas de panique, on vous explique ! On entend par “peine temporelle” non pas la peine terrestre – ou la pénitence que le pécheur pardonné accomplit après s’être confessé – mais les conséquences du péché, sorte de cicatrice qui perdurent au-delà de notre vie humaine. Le péché, même s’il est entièrement pardonné, a abîmé notre ressemblance au “Dieu [qui] créa l’homme à son image” (Genèse 1,27).
L’Église a défini le purgatoire (Concile de Florence, 1439) comme le lieu théologique et l’étape de notre purification pour retrouver la pleine communion avec Dieu : aux urgences (sacrement du pardon), la plaie est suturée et ne fait plus souffrir ; au bloc de chirurgie plastique spirituelle (indulgence), vous retrouvez votre vrai visage de fils et fille de Dieu.

UN DIEU COMPTABLE ?

Avouons-le, même avec beaucoup d’ingéniosité dans l’explication, ce type d’objets exhumés de l’antique magasin de curiosité de l’Église catholique peut nous sembler un peu étrange, voire révoltant ! La vision théologique d’un Dieu comptable, l’imaginaire de la punition et les mots pour en parler ne sont plus les nôtres. La première introduction formelle des indulgences a été accordée par le pape Urbain II en 1095. Leur utilisation dans l’histoire n’a pas toujours été très reluisante : commerce des indulgences contre rétribution (simonie…), utilisation comme instrument politique par l’autorité pontificale (croisades…). “Aussitôt que l’argent tinte dans la caisse, l’âme s’envole du Purgatoire”, proclamait sans honte un prédicateur dominicain du XVIe siècle. Ce fut un sujet de controverse entre Luther et le pape Léon X, dénoncé auparavant par Jan Hus et bien d’autres comme une forme de corruption ! Et alors ? Puisque le pape François, comme ses prédécesseurs, nous propose des indulgences, que nous invitent- elles à accueillir ? Je vous partage deux phrases qui peuvent nous aider.

“JE VEUX TOUS LES ENVOYER AU PARADIS”

François d’Assise était un passionné de miséricorde et de l’amour infini du créateur qui n’abandonne pas sa créature. Le Testament de Teobaldo rapporte sa demande au pape d’une indulgence pour toute personne qui passerait la porte de la petite chapelle de Notre-Dame-des-Anges, la Portioncule, à Assise (indulgence du 2 août, grand pardon d’Assise). Quand il l’obtient, dans sa joie, il s’écrit : “Mes frères, je veux tous vous envoyer au Paradis.” Il exprime ici une vérité profonde : la création tout entière est appelée à être création nouvelle et à entrer dans la vie divine. C’est le chemin de notre vie, notre vocation, notre seule destination.
L’autre phrase a été prononcée par une personne en précarité dans un groupe de partage du réseau Saint-Laurent. Les participants réfléchissaient à la question : “Qui est Dieu pour moi ?” Valérie répond : “Pour moi, Dieu est une porte automatique : tu t’approches et elle s’ouvre.” Elle dira un peu plus tard : “Dieu, c’est gratis.”
Quelle profondeur derrière la simplicité de l’image ! Les portes du paradis ne sont plus ces lourdes portes contrôlées par un agent de douane ! L’amour de Dieu est déjà donné. La miséricorde est gratuite. Pas besoin de grandes phrases, de grandes pénitences. Une toute petite intention suffit, un tout petit geste, même imparfait, même maladroit, comme cette main molle que tend Adam à son Créateur au plafond de la chapelle Sixtine… et ce sont tous les anges dans le ciel qui se réjouissent.
Une autre personne en précarité témoigne : “On aurait voulu dire à Jésus : “Non, ne va pas sur la Croix !” Mais il a dit : “Je le fais pour vous”. C’est comme ça qu’il donne son amour à ceux qui le veulent. Et ceux qui ne le veulent pas… ils l’auront quand même ! Dieu sera toujours là, quoi qu’il arrive, toujours, toujours.”

PROXIMITÉ ET GRATUITÉ

L’indulgence à l’occasion du centenaire de Greccio nous dit finalement deux choses : accueillir Dieu, c’est simple comme bonjour. Et Dieu est accessible pour tous. Il n’est pas réservé à une élite. Son amour est donné absolument gratuitement et le plus petit de nos gestes peut signifier notre désir, notre acceptation à laisser cet amour nous transformer. Chacun peut entrer dans sa proximité. Il suffit de franchir le pas et d’entrer dans une église. Ce n’est pas plus compliqué que cela.
La Famille franciscaine à Rome devait- elle dépoussiérer l’indulgence ? Chacun jugera ! Mais après tout, l’incarnation n’est-elle pas une folie sortie du cœur de Dieu pour nous dire sa proximité et son amour ? Les indulgences ne pourraient-elles pas être comprises comme cette originalité déroutante de l’Église catholique pour traduire cette folie ?
Alors, si cela vous dit, dans les prochains mois, venez et passez la porte d’une de nos églises franciscaines, simplement pour rendre grâce à Dieu pour tant de bienfaits. Et indulgence ou pas, les frères mineurs auront à cœur de témoigner de cet accueil inconditionnel de Dieu, de son pardon au-delà de toute mesure, de sa miséricorde qui s’étend jusqu’aux limites de la terre, de son hospitalité qui invite à la fraternité toutes les créatures, aimées, espérées et transfigurées par la lumière divine. Passe la porte et entends cette parole de Jésus : “Je le veux, sois purifié.”


Indulgence plénière, mode d’emploi

  • Visiter une église franciscaine (www.franciscains.fr/nos-fraternites).
  • Recevoir le sacrement du pardon (dans les jours qui précèdent ou qui suivent la démarche d’indulgence).
  • Participer à la messe en recevant la communion.
  • Prier aux intentions mensuelles du pape (www.prieraucoeurdumonde.net/intentions-2023/) :
    • En décembre 2023 : “Pour les personnes en situation de handicap. Prions afin que les personnes en situation de handicap bénéficient de l’attention de la société et que les institutions promeuvent des programmes d’inclusion pour leur participation active.”
    • En janvier 2024 : “Pour le don de la diversité au sein de l’Église. Prions pour que l’Esprit nous aide à reconnaître les divers charismes dans la communauté chrétienne et à découvrir la richesse des différentes traditions rituelles au sein de l’Église catholique.”
    • En février 2024 : “Pour les malades en phase terminale. Prions pour que les malades en phase terminale, ainsi que leurs familles, bénéficient toujours d’un accompagnement médical et humain de qualité.”
  • Réciter le Credo, le Notre-Père, un Je vous salue Marie.

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