Thérèse Lorange est experte comptable à la retraite. Depuis sept ans, elle accompagne bénévolement les frères de France-Belgique dans la gestion de leurs comptes. Ses compétences et son regard extérieur sont devenus un appui incontournable pour les franciscains.
Derrière les tableaux Excel, les réunions et les prévisions chiffrées, se déroule une danse qui ne dit pas son nom au couvent parisien de la rue Marie Rose : celle d’une bénévole retraitée, experte comptable de métier, avec des franciscains en charge de la vie économique de leur province. Entre laïcs et religieux se joue ici une expérience d’Église belle et féconde, que l’on aurait tort de ne pas raconter. La chorégraphie a sept ans d’âge ; elle débute lorsque Thérèse, 78 ans, est embarquée un beau jour par sa sœur, Brigitte du Payrat, au couvent des franciscains de Paris. À cette ancienne professeure de comptabilité bourguignonne, habitante du quartier, Fr. Roger Marchal propose de simplifier la comptabilité du Commissariat de Terre sainte, l’organisme de liaison franciscain qui anime et réceptionne la quête du Vendredi saint en provenance des diocèses de France et de Belgique.
AU CONTACT D’UNE COMMUNAUTÉ
“Je m’étais promis de ne plus faire de bénévolat une fois à la retraite”, se souvient Thérèse. “Mais ma sœur Brigitte me disait : “Oh, si tu savais comme c’est compliqué de gérer les comptes de fin d’année, un vrai casse-tête !” Alors je me suis laissée tenter, je crois que ça me plaisait de pouvoir rendre service aux frères !” Thérèse doit apprendre à travailler au contact d’une communauté religieuse, un univers dont elle n’a pas les codes. “En dehors des franciscains, je ne côtoyais jamais de religieux de près, de manière individuelle”, se souvient-elle. “La première année, je ne comprenais pas exactement ce que je devais faire, comment fonctionnait la machine”. Peu à peu, elle ordonne, automatise et fait passer au digital la comptabilité du Commissariat. “Aujourd’hui, cela me semble d’une simplicité extraordinaire !” s’exclame-t-elle, le regard pétillant. De la rue Sarrette à la rue Marie Rose, il n’y a qu’un pas ! “Victime” de son efficacité, Thérèse a été sollicitée par Fr. Yannick, économe de la Province.
UNE DÉMARCHE D’ÉGLISE
“Ce que nous faisons [avec Thérèse], j’en serais incapable seul. Elle vient apporter ses compétences à mon incompétence”, reconnaît humblement Fr. Yannick. En novembre 2022, les frères mineurs ont en effet entamé un travail d’ampleur avec l’association Éthique et investissement, pour tenter de planifier l’avenir financier et démographique de leur Province. À cette démarche d’accompagnement ont été associés plusieurs bénévoles, parmi lesquels Thérèse. Un travail d’ouverture délicat mais nécessaire, décidé librement par Fr. Yannick : “Derrière les chiffres [que nous manions], il y a des vies, celles de nos frères et de notre Province. Travailler ensemble, c’est quasiment nous mettre à nu devant ces personnes”, raconte-t-il. Pourtant, “avec les problèmes qu’a connus l’Église, nous savons que plus nous sommes enfermés sur nousmêmes, plus les risques de dérives et d’abus sont importants. Alors [cette démarche] dans le domaine de l’économat est, pour moi, une façon d’être ouvert.”
UNE AVENTURE HUMAINE
Cet accompagnement est finalement un tango ; une rencontre improvisée entre deux mondes, le professionnel et le religieux, qui demande à chacun des partenaires confiance et humilité. “Il faut accepter que notre vie soit ouverte, et accepter de faire confiance à des personnes venues de l’extérieur”, considère Fr. Yannick. “J’ai besoin d’aide et je m’ouvre à d’autres dans un même temps. Pour moi qui suis économe, je trouve que c’est une très belle chose.” Depuis sept ans qu’elle côtoie les murs du couvent franciscain, Thérèse le reconnaît : “Travailler avec les frères a donné du sens à ma fonction. Cela me permet de garder un esprit éveillé et de ne pas m’enfermer dans une routine de retraitée.” L’experte comptable apprécie la “simplicité” et “l’ouverture” des compagnons de saint François qui détonnent avec l’attitude des élèves qu’elle a côtoyés tout au long de sa carrière. Leur désir de se former l’impressionne : “Fr. Yannick n’avait aucune notion de comptabilité lorsque je l’ai rencontré. J’ai trouvé qu’il avait une vraie facilité d’adaptation, une capacité à apprendre très vite qui m’épate !” Peu à peu, une solide confiance s’est installée entre la bénévole et les franciscains. “Fr. Roger Marchal nous invite parfois à leur table, au réfectoire. Ça m’a permis de découvrir les frères sous un autre jour, avec le reste de la communauté. Pour moi, ce sont des moments de partage simples et naturels qui me touchent”, avoue-t-elle. La valse ne fait donc que commencer. Et Thérèse de conclure : “Chez les franciscains, j’ai découvert de quelle manière religieux et bénévoles pouvaient travailler ensemble… et cela, c’est magnifique !”
Claire RIOBÉ