Vous avez dit “affiliation” ?

L’affiliation à l’Ordre franciscain se concrétise par la remise d’un diplôme à l’exemple de celui-ci datant de la fin du XVIIe siècle.

Comment dire “merci” ? Comment remercier un bienfaiteur, quelqu’un qui a longtemps rendu service aux frères, qui a facilité leur implantation ou leur a obtenu d’importantes aumônes ? C’est pour répondre à cette problématique que les religieux ont inventé l’affiliation.

Dans l’ordre de saint François, l’affiliation est déjà mentionnée par Salimbene dans sa chronique (vers 1280) et, en certaines provinces, la pratique reste à l’ordre du jour. Le principe en est simple : ne pouvant remercier ledit bienfaiteur en espèces sonnantes et trébuchantes, les frères sont autorisés par l’Église à le rendre participant de leur “trésor spirituel”, patiemment amassé par leurs mérites et leurs efforts. Une mystérieuse réalité à laquelle nous sommes sans doute moins sensibles que nos ancêtres. L’affiliation se concrétise par la remise d’un diplôme, et les archives les plus diverses conservent un grand nombre de ces documents. En voici un exemple.

PARTICIPANTS À UN TRÉSOR SPIRITUEL

Le 24 mai 1614, le Provincial des frères mineurs de Flandre, de passage chez les sœurs noires du Vieil Hesdin (des sœurs sous la juridiction des frères), affilie un certain François de Beaumont, bienfaiteur de la communauté féminine. À cette occasion, il rédige ce diplôme : “À très chère et dévote personne François de Beaumont salut en notre Seigneur. […] Comme nous confessons avoir ressenti de votre personne [les effets de votre charité] par vos grands moyens et aumônes plus que libéralement élargies à nos chères sœurs du couvent des sœurs noires au Vieil Hesdin, et comme nous ne pouvons récompenser temporellement une si libérale et pieuse munificence impartie à notre Sacré Ordre séraphique dudit couvent, [nous nous faisons] devoir selon la grâce de Dieu de salarier votre personne spirituellement, la recevant avec toute votre famille tant en la vie comme à la mort à notre sainte et séraphique confraternité, vous octroyant et donnant plénière et entière participation à tous les privilèges, grâces et indulgences apostoliques […] comme des messes, suffrages, prières, veilles, jeûnes, prédications et autres biens spirituels qui se font en ladite province tant par les religieux que religieuses, afin que, par le moyen de tant de suffrages, vous ayez en la vie présente accroissement de grâce et à la fin jouissance de la vie éternelle.”

EN FAMILLE

Cette affiliation atteste, en outre, la réalité de la famille franciscaine. En effet, François de Beaumont ne s’est pas montré généreux envers des frères, mais bien des sœurs et pourtant, c’est le Provincial des frères qui prononce son affiliation et celle de sa parenté. C’est ainsi l’ordre tout entier, ou du moins une province, qui affilie et non pas un simple couvent, masculin ou féminin. Au cours de l’histoire, de très nombreux inconnus (comme François de Beaumont) ont été affiliés par les différentes branches des frères mineurs, mais aussi quelques célébrités : sainte Jeanne de Chantal, Frédéric Ozanam, Antonio Rosmini, et même Voltaire. On a parfois confondu l’affiliation et l’appartenance au Tiers-Ordre. La distinction est cependant d’importance.

Pierre MORACCHINI, directeur de l’École franciscaine de Paris

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