Origine et signification de la bure franciscaine

La bure franciscaine, portée par un conventuel, un capucin et un franciscain.
Le sens que saint François attribue au vêtement, véritable marqueur de rupture évangélique et sociale.

Et si, finalement, l’habit faisait le moine ? Au-delà de la couleur, du tissu ou des accessoires qui la compose, la bure franciscaine est avant tout l’habit du pauvre. Fr. Michel Hubaut revient sur sa signification, son origine et son évolution.

Après que saint François se fut dépouillé de tous ses vêtements devant son père et l’évêque d’Assise (1 C 15 ; 3 C 20) et avoir entendu quel dépouillement est requis pour les Apôtres envoyés en mission par Jésus (1 C 22), Thomas de Celano rapporte le sens que saint François attribue au vêtement, véritable marqueur de rupture évangélique et sociale. Délaissant l’habit d’ermite qu’il avait adopté, il crée sa propre tunique : “Dès lors, il se prépare une tunique qui présentait l’image de la Croix, pour qu’en elle, il repousse toutes les imaginations démoniaques ; il la prépare toute rude, pour crucifier en elle sa chair avec les vices et les péchés ; il la prépare enfin toute pauvre, grossière et telle que le monde ne puisse en rien la convoiter” (1 C 22).

L’HABIT DU PAUVRE

Saint Bonaventure écrit qu’après son dépouillement devant l’évêque, François se vit offrir “un pauvre petit et vil manteau d’un travailleur agricole au service de l’évêque, que, recevant volontiers, il marqua lui-même de sa propre main du signe de la Croix avec de la pierre à plâtre qui se présenta : il formait de ce fait la vêture d’un homme crucifié et d’un pauvre à moitié nu” (LM 2, 4). Il n’est pas dit que la “bure” (du qualificatif “burel” donné, au Moyen Âge aux laines de mouton de couleur grise, brune ou noire), fut l’habit de François et de ses premiers frères. Les sources écrites sont à peu près muettes à ce sujet, mais certains textes, les reliques textiles et les représentations peintes nous renseignent sur le premier siècle qui suit la fondation de l’Ordre. De fait, les habits conservés de François se composent de différentes pièces d’étoffes de couleur non homogènes allant plutôt vers le gris, le noir et le brun.

50 NUANCES DE GRIS…

La première Règle stipule que les frères, ayant passé l’étape de la profession, aient “une tunique avec capuce et une autre sans capuce, si c’est nécessaire, et une ceinture et des braies. Et que tous les frères soient vêtus de vêtements vils et puissent les rapiécer de sac et d’autres pièces” (1 Reg 2, 14 ; 2 Reg 2, 16). Rien n’est dit sur la matière du tissu ni sur sa couleur. Désintérêt délibéré pour cet aspect vestimentaire de la part de saint François. Seul le terme “vil” le caractérise. François précise dans la deuxième Règle : “Et je les avertis et je les exhorte à ne mépriser ni juger les hommes qu’ils voient vêtus de vêtements raffinés et colorés (mollibus vestimentis et coloratis)” (2 Reg 2, 17). Aucune couleur n’est requise pour eux et, au contraire, c’est l’absence de couleur qui est jugée meilleure.
La stabilisation des couleurs actuelles de la bure franciscaine est relativement récente. Le noir franciscain est conventuel surtout à partir du XVIIe et du XVIIIe siècle. Mais hors de l’Europe continentale et dans les anciennes terres de mission, les franciscains conventuels sont gris. La couleur marron fut adoptée par les frères mineurs observants et les capucins aux alentours de la Révolution française. En Amérique latine, le bleu avait cours depuis le XVIIIe siècle, en signe de piété mariale ; on le trouvait aussi dans quelques régions d’Espagne. Une récente congrégation officiellement reconnue sous le nom de “Franciscains de l’Immaculée” utilise cette couleur depuis les années 1970.

Fr. Michel HUBAUT, OFM

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