Fêtée le 3 janvier par notre Ordre, la dévotion au “Saint Nom de Jésus”, aussi connue sous le monogramme IHS, est particulièrement liée à la spiritualité franciscaine. Fr. Luc Mathieu revient sur son histoire et les controverses qu’elle a suscitées.
La dévotion au Saint Nom de Jésus a essentiellement été répandue par les prédicateurs franciscains du XIVe et XVe siècle, sous l’influence de saint Bernardin de Sienne. Cependant ils avaient été précédés dans les monastères cisterciens où, à partir des écrits de Bernard de Clairvaux, l’on méditait sur la vie humaine de Jésus et célébrait son nom. Ainsi en témoigne l’hymne “Jesu dulcis memoria” d’origine cistercienne, qui fut introduit plus tard dans l’office liturgique du saint nom de Jésus.
LE NOM DANS LES ÉCRITURES
Dans la Bible, le don du nom par Dieu signifie une vocation ou une mission à accomplir (cf. Abraham, Israël, etc.). C’est sur l’ordre de Dieu que Zacharie appelle son fils Jean. C’est l’ange de l’Annonciation qui dit à Marie : “Tu enfanteras un fils à qui tu donneras le nom de Jésus, il sera grand, il sera appelé Fils du Très Haut…” ; et lors de la circoncision de Jésus, l’Évangile nous dit : “On lui donna le nom de Jésus, nom qu’avait indiqué l’ange, avant sa conception.” Dès la prédication apostolique, le nom de Jésus est invoqué. Au nom de Jésus, Pierre guérit le boiteux de la Belle Porte (Ac 3, 6) et proclame, devant le Sanhédrin : “Il n’est sous le ciel aucun autre nom parmi ceux qui ont été donnés aux hommes, qui doive nous sauver.” Enfin, l’Apôtre Paul écrit dans sa lettre aux Philippiens : “Dieu a souverainement exalté [Jésus] et lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus, tout genou fléchisse…” (Ph 2, 9-10)
PRÉDICATIONS FRANCISCAINES
Thomas de Celano nous apprend que François d’Assise vénérait très spécialement le nom de Jésus et le savourait en le prononçant (1 Cel 86, 115 ; 2 Cel 199). Saint Bernardin de Sienne (1380-1444), le grand réformateur de l’Ordre franciscain, en fit le thème principal de sa prédication populaire. Il faisait afficher en tous lieux une représentation du monogramme de Jésus (IHS dans un soleil), comme une protection et un mémorial du salut. Le succès qu’il remporta auprès des foules lui suscita des jalousies. Il fut dénoncé auprès de l’Inquisition comme propageant une dévotion “idolâtrique” car, selon certains théologiens dominicains, le nom de Jésus ne pouvait pas être invoqué sans lui apposer le nom de Christ qui disait la vocation messianique et la personne divine de Jésus. Ces subtilités furent victorieusement repoussées par Bernardin de Sienne qui dût se justifier devant le pape. Jean de Capistran prit sa défense auprès du pape Martin V qui approuva la dévotion au Nom de Jésus et voulut faire de Bernardin l’évêque de Sienne. Mais Bernardin refusa, préférant continuer ses prédications en Italie.
D’autres célèbres prédicateurs franciscains répandirent la dévotion au nom de Jésus, comme saint Jacques de la Marche et Bernardin de Bustis. Le 7 janvier 1432, malgré de nouvelles attaques contre Bernardin, le pape Eugène IV imposa le silence à ses détracteurs. En 1530, la fête du Saint Nom de Jésus fut accordée aux Frères mineurs et étendue à l’Église universelle en 1722, par le pape Innocent XIII. La Compagnie de Jésus avait déjà adopté le monogramme IHS, comme insigne de l’ordre des Jésuites.
Fr. Luc MATHIEU, OFM