Fr. Yves Tourenne, franciscain et prêtre confesseur à Nantes

Frère Yves Tourenne dans le jardin des franciscains de Nantes
C’est une merveille que l’Église catholique et les Églises orientales doivent transmettre à ce monde d’aujourd’hui pour dire qu’aucune vie n’est foutue ! Si tu reconnais le mal qui est en toi, si tu demandes pardon, tu peux renaître ! Ça c’est formidable.
Frère Yves Tourenne entouré des autres frères franciscains de Nantes

L’histoire franciscaine et capucine a compté quelques frères confesseurs tels que Padre Pio ou Léopold Mandić. C’est dans cette tradition que s’inscrit Fr. Yves Tourenne, en fraternité à Nantes. S’il est une présence discrète, il a néanmoins accepté de témoigner sur son ministère de prêtre confesseur, à l’église Sainte Croix à Nantes où il se rend chaque samedi, ainsi qu’en Gironde où il se déplace tous les mois.

Nous nous rencontrons sous un petit kiosque en bois dans le jardin du couvent de la place Canclaux, à l’abri du vent d’automne qui agite les arbres. « Moi, Yves, pauvre pécheur que je suis, c’est ma joie d’être prêtre, en particulier au service du sacrement de réconciliation à Nantes. » Les premiers mots sont simples, souriants et teintés d’un accent du sud qu’il tient de ses origines aquitaines. Ses origines, c’est d’ailleurs par là qu’il commence pour me faire comprendre son ministère actuel.

BÉNÉFICIAIRE ET SERVITEUR

Catholique par le baptême, Fr. Yves a ensuite connu des années d’athéisme « total et violent » entre 1970 et 1975. « Je sais, vraiment, ce qu’est le malheur d’être sans Dieu, sans Christ, sans Église, d’être et de faire le mal, disons le péché, et c’est pourquoi comme prêtre j’ai une vive conscience que le ministère sacramentel de la confession est objectivement une merveille que tu ne peux pas te donner, toi pénitent et toi non plus prêtre. Tu es un serviteur dépassé par la grâce que tu donnes, que tu transmets. »

En 1985, il est ordonné prêtre à Paris, à la chapelle des franciscains. Il se dit alors en lui-même : « Seigneur, quelle que soit ma misère, je serai un serviteur du pardon, plus grand que tout. J’ai expérimenté dans ma vie la grâce d’être pardonné et, par mon ordination, je voudrais être un serviteur du pardon. » Depuis, même s’il a connu des moments difficiles dans sa vie, il confie n’avoir jamais douté de mon ministère sacerdotal notamment grâce au sacrement du pardon dont il est à la fois « bénéficiaire et serviteur. » Baissant alors le ton de sa voix, il prie spontanément : « Seigneur, fait de moi un confesseur doux et fort. Oui, je crois qu’il faut être les deux : doux, effacé, transparent ; et fort, pour lutter contre le mystère du mal. »

DÉPASSER LA MISÈRE HUMAINE

« Bien sûr, le confesseur est un pécheur lui-même, hélas » complète-t-il. « Dans ma vie, l’expérience du mal me fait comprendre des situations parfois très difficiles, très éloignées de l’Église. Cela me permet de ne pas écraser par un moralisme qui a fait beaucoup de mal. » Comment dépasser alors le regard sur ses propres fautes pour vivre ce ministère dans l’espérance ? Pensif, il prend le temps de la réponse tout en rallumant son cigarillo soufflé par le vent. « Connaissez-vous Péguy et Bernanos ? me demande-t-il. Chez eux, le mystère de la vocation illumine tout. Si je me regarde moi-même je vais me désespérer mais je regarde Yves dans le mystère de ton appel Seigneur, qui m’a fait prêtre. Je regarde non pas d’abord ma misère mais ma vie dans ma vocation sacerdotale, dans l’appel du Seigneur qui m’a appelé gratuitement à être prêtre. »

Au-delà d’un ministère, il y a un sacrement dans lequel il voit un signe d’espérance pour le monde. « Dans l’ensemble, c’est une merveille que l’Église catholique et les Églises orientales doivent transmettre à ce monde d’aujourd’hui pour dire qu’aucune vie n’est foutue ! Si tu reconnais le mal qui est en toi, si tu demandes pardon, tu peux renaître ! Ça c’est formidable… »

EN CHEMIN AVEC SAINT FRANÇOIS

De sa sacoche dépasse une étole. Je lui demande s’il l’a en permanence avec lui : « Ah toujours, toujours ! C’est mon amie ! C’est par elle que je vaux quelque chose ! » sourit-il, humblement. « Je vis mon ministère de façon très pauvre, désappropriée dirait saint François. J’ai bien conscience que je suis infiniment dépassé par ce qui se passe. » Car le pauvre d’Assise est une source d’inspiration pour ce franciscain, en particulier à travers sa sensibilité à la poésie. « Il y a dans ses textes quelque chose de… – il marque un silence, cherche ses mots – quelque chose de mal foutu dans son latin, malgré lui. Oui, quelque chose de transparent à la grâce. » Il tire alors de sa poche, comme un trésor, un carnet usé à l’extrême et feuillette des pages dont les coins noircis trahissent une lecture dans laquelle il a certainement beaucoup puisé. Fr. Yves cite différents textes du Poverello qui le touche particulièrement : « Voyez votre dignité, frères prêtres et soyez saints parce qu’Il est saint. Plus que tous, à cause de ce ministère, le Seigneur Dieu vous a honorés ; plus que tous, vous aussi, aimez-le, révérez-le, honorez-le. » (Lettre à tout l’Ordre)

Le programme de toute une vie, un chemin sur lequel il continue d’avancer. « Je suis encore un homo viator, un homme itinérant toujours en conversion. Mais, je voudrais le dire, ah oui ! Ma joie d’être prêtre c’est bien sûr de célébrer la sainte Eucharistie mais aussi de célébrer le sacrement du pardon. » D’une poche de sa veste, il sort une petite horloge. La parenthèse se referme. Doucement, il me salue et repart, appuyé sur sa canne. Sur l’épaule, sa sacoche en bandoulière dans laquelle est roulée son étole… La mission continue !

Henri DE MAUDUIT

Contact