La spiritualité franciscaine : un conte de fées ?

Le Fils ne possède rien, mais il peut jouir de tout.

Les petits oiseaux qui gazouillent, les chants de louange envers la création, la pauvreté naïve ou encore la fraternité idéalisée… On pourrait presque croire à un conte de fée, Cendrillon ou Blanche-Neige pour ne citer que ceux-là. En tout cas, autant d’images simplistes que j’avais en tête avant de me plonger dans la lecture du livre de Michel Sauquet, Émerveillement et minorité. La spiritualité franciscaine pour aujourd’hui. Or, saviez-vous par exemple que lorsqu’il écrit le fameux Cantique des Créatures, François est presque aveugle ? De quoi donner déjà un peu plus de profondeur à son œuvre.

On serait presque tenté de sous-titrer cet ouvrage : « Petit guide pratique de la spiritualité franciscaine aujourd’hui. » C’est en tout cas comme cela que j’ai perçu ce livre dès les premières pages. Il m’a apporté un véritable éclairage sur ce qu’elle est aujourd’hui à la lumière de la vie du saint d’Assise. Complet, clair et concis, il est idéal pour qui veut avoir un vision qui balaye largement l’horizon de la spiritualité franciscaine : la famille franciscaine d’abord à travers les trois Ordres qui la composent, les valeurs majeures auxquelles elle se rattache (la louange, la joie, l’humilité, la douceur, la fraternité, etc.) ainsi que des éléments de la vie de saint François (le loup de Gubbio, le sultan Malek Al-Kamil, la vie aisée de fils de drapier, la conversion à l’Évangile… et le choix radical qui s’en suit).

Au-delà ce ces aspects purement pratiques, cet ouvrage a également enrichi l’idée que j’avais de la spiritualité franciscaine avec un certain nombre d’éléments très éclairants.

En premier lieu sur l’attachement permanent de saint François au Créateur, en relation avec le double commandement d’amour : aimer Dieu et son prochain. Afin d’éviter de ne voir dans les Évangiles, et notamment dans les paraboles, un simple « kit de règles morales », il y a chez saint François une « inscription constante du “vertical” dans sa vie », un retour « sans cesse à la source », à Dieu donc. Ainsi, bien que la fraternité, l’amour du prochain, soit au cœur de la règle de vie de François, « les deux dimensions, verticale et horizontale, sont absolument indissociables. »

Au-delà d’une fraternité qui se limiterait à la relation entre les Hommes, je découvre, à travers l’idée de fraternité « cosmique », que saint François pousse cette relation plus loin encore. Le fameux Cantique des Créature est pleinement révélateur de cet immense sentiment de fraternité que vivait François : frère Soleil, sœur Lune et les étoiles, frère Vent, etc. La fraternité n’est donc pas envisagée simplement comme une relation affective naïve mais comme un véritable lien de reconnaissance fraternelle universel.

Je suis également frappé par le lien ajusté dont il fait preuve dans son rapport à la création et au Créateur. Ce n’est pas d’abord moi qui vient vers Dieu (par la contemplation d’une fleur ou d’un oiseau par exemple) mais Dieu qui vient à moi à travers sa création. Le langage est à double sens : voie vers Dieu et don de Dieu. Une étoile dans le ciel peut me faire monter intérieurement vers Dieu mais elle me dit déjà quelque chose de Dieu par sa présence.

Une autre découverte pour moi est celle de la douceur comme point caractéristique de la spiritualité franciscaine. François, dans son attitude et dans le regard qu’il pose sur l’autre, sur l’étranger, reste toujours plein de douceur. Au lieu de vilipender un frère de communauté ou d’être en colère face à une situation extérieure, il choisi de se poser non pas en juge mais en frère bienveillant.

Enfin je suis surpris par la vision de la pauvreté telle que saint François la concevait. Elle n’est pas un simple dépouillement matériel mais une richesse. Les mots du Fr. Luc Mathieu illustrent bien cela : « Le Fils ne possède rien, mais il peut jouir de tout. » Pauvreté joyeuse, sobriété heureuse, minorité… Autant d’expressions que l’on retrouve souvent chez les franciscains pour décrire cette pauvreté. Elle est également intégrale et se retrouve par exemple jusque dans le détachement envers nos propres réalisations. Pour illustrer cette pauvreté, on parle aussi des franciscains comme étant « pèlerins en ce monde » car elle s’accompagne d’une forme d’abandon et reste, à l’image d’un chemin, non pas une fin mais un moyen pour arriver à Dieu.

En retournant donc à la source du franciscanisme, à travers notamment le choix des mots « émerveillement » et « minorité » dès le titre de l’ouvrage, l’auteur approfondi chaque point caractéristique de la spiritualité franciscaine pour en révéler toute la richesse. Et ce bien au-delà de la figure de saint François. 800 après sa mort, c’est un modèle qui, à l’instar des Évangiles, n’a pas pris une ride aujourd’hui et ne cesse d’inspirer, que l’on soit frère franciscain ou laïc. Le fait que l’auteur, bien que membre d’une fraternité franciscaine séculière*, ne soit pas un frère franciscain, offre d’ailleurs l’avantage, pour le laïc que je suis, de m’avoir permis de projeter plus facilement la spiritualité franciscaine dans ma sphère quotidienne.

Henri DE MAUDUIT

* La fraternité franciscaine séculière, ou tiers-ordre séculier, est composée de laïcs, célibataires ou mariés, prêtres ou diacres diocésains. Elle constitue, avec le tiers-ordre régulier, le troisième ordre de la famille franciscaine.

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