De la crèche vivante aux santons

Voir, palper, respirer l’atmosphère de la pauvre étable.

Décembre, à l’horizon pointe déjà une étoile, signe d’une naissance : Noël. Cette fête, nous la vivons différemment selon nos origines et nos lieux de vie. Ainsi en était-il d’un certain petit italien d’Assise, François ; ainsi en est-il aussi, pour les habitants du Midi vivant dans l’air chaleureux de la Provence.

Un jour, François, vivant pour un temps dans le petit ermitage de Greccio, plusieurs jours avant les fêtes, demanda à un ami de préparer le cadre de la célébration de Noël : “Je veux, dit François, évoquer le souvenir de l’enfant qui naquit à Bethléem, je veux le voir de mes yeux de chair, tel qu’il était, couché dans une mangeoire, dormant sur du foin, entre un bœuf et un âne… » Et le biographe (Thomas de Celano, Vita prima) d’ajouter : “Le jour de la célébration, tout était prêt… On avait apporté une mangeoire, du foin, on avait amené un âne et un bœuf ; c’était le triomphe de la pauvreté… On célébra la messe sur la mangeoire comme autel… La nuit se fit aussi lumineuse que le jour…” (1 Cel 84).

RÉINVENTER LA TENDRESSE DE DIEU

“François, continue notre même biographe, passa la veillée debout devant la crèche, brisé de compassion et rempli d’une indicible joie” (1 Cel 85). “Son esprit et son cœur étaient à Bethléem” ! Notre frère Éloi Leclerc aimait dire que François n’était ni théologien, ni philosophe, mais il fut le poète de l’Humanité de Dieu et en même temps celui de la Fraternité humaine. Ce fut là tout le sens de ce Noël qu’il célébra à Greccio. Là, dans le rude hiver des hommes et de la nature, en communion avec les gens les plus simples et avec les animaux, il réinventa dans une création poétique la tendresse de Dieu. Et les hommes, en écoutant ce chant de Noël, découvraient un monde nouveau dans lequel “le Dieu de majesté”, devenu notre frère, se laissait désormais rencontrer dans une relation fraternelle.
Alors pour nous, peut-être est-ce une invitation à laisser grandir en nous, simplement et pauvrement, le désir de voir, d’une certaine façon, de nos yeux, de palper de nos mains, de respirer l’atmosphère de la pauvre étable, de vivre, là dans le coin de notre terre personnelle, le mystère de la Présence, celle de Celui qui est et notre frère et le Très Haut, Jésus de Bethléem.

LA CRÈCHE EN CACHETTE !

En France, sous la Révolution, ne pouvant plus entrer dans les églises qui étaient fermées car devenues “propriétés de l’état Français”, certains croyants ont commencé à faire la crèche chez eux, en se cachant car c’était interdit. Pour eux aussi, il était important de voir l’enfant-Jésus de Bethléem. C’est en Provence que cela s’est fait en premier. Ils réalisaient alors de tout petits personnages qu’ils pouvaient cacher facilement. Il fallait faire très attention : si on se faisait prendre, on risquait de mal finir ! Après la tourmente révolutionnaire, des crèches plus “fournies” apparaissent. Ainsi, nos crèches provençales se développent avec leurs fameux santons. Les historiens datent la première foire aux santons de l’année 1803 et elle se tenait… à Marseille. Elle s’y tient toujours, place Charles De Gaulle, chaque hiver !
Le mot vient du provençal santoun (“petits saints”) et désigne une foule nombreuse, figurant les habitants d’un village provençal et leurs métiers traditionnels. Tout ce petit monde, chacun muni de son présent pour l’Enfant Jésus, fait route à travers un paysage comportant traditionnellement une colline, une rivière avec un pont et des oliviers (généralement représentés par du thym fleuri). La joyeuse troupe chemine vers l’étable surmontée de son étoile. Nous ne les citerons pas tous mais vous retrouvez l’ange Boufarèu, guide des bergers, Lou Pistachié, le valet de ferme, sans oublier bien entendu le célèbre Ravi, le maire et le curé, les anciens, l’aveugle et son fils, les bohémiens…
La tradition veut que chaque année, la crèche soit mise en place peu avant Noël (à la Sainte-Barbe) pour n’être défaite qu’au début février, à la Chandeleur. La coutume de faire la crèche, que l’on soit une famille croyante ou pas, est toujours présente dans la plupart des familles provençales. Oh Bonne Mère ! Joyeux Noël à toutes et tous !

Les frères de Marseille et un ami


UNE IDÉE DE CADEAU

Dans cette nouvelle édition, découvrez l’histoire de la première crèche de Noël, racontée pour les enfants. Une belle idée de cadeau !

Le Noël de François d’Assise, Éloi Leclerc et Clémence Meynet, Éditions Premières Parties, octobre 2022, 38 p., 12,90€

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