On serait tenté de dire que la pandémie universelle nous a imposé une forme de clôture physique et spirituelle que l’on pensait réservée au choix libre et personnel de quelques congrégations religieuses. Mais au fait, qu’est-ce que la clôture ? Fr. François nous éclaire…
Dans la tradition religieuse, la clôture est un espace strictement réservé aux hommes ou aux femmes d’une même communauté. Trop souvent – et à tort – la clôture a été associée à une “barrière matérielle” à même de sauvegarder notre vocation religieuse, empêchant ainsi quiconque de pénétrer dans la maison ! Mais un frère mineur n’a pas à se protéger d’un monde extérieur qui serait “mauvais” puisque saint François lui-même nous dit : “Notre cloître, c’est le monde” ! Il ne s’agit pas d’opposer un espace “sacré” réservé aux seuls religieux à un espace “profane” ouvert à tous, puisque la chapelle communautaire est l’endroit le plus ouvert aux personnes extérieures. Je parlerais plutôt d’un espace “réservé”, un lieu de ressourcement pour favoriser notre rencontre privilégiée avec Dieu, un lieu de silence et de solitude. La clôture permet de vivre une relation ajustée aux choses de la vie : téléphone, internet, livres, accueil des personnes, etc.
DE LA PLAINE À LA MONTAGNE
François d’Assise, qui aimait la solitude et l’itinérance, avait prévu des clôtures bien différentes selon le type de communauté. Par exemple, les premiers frères, s’ils se consacraient au soin des lépreux, aux travaux des champs ou à la prédication, s’imposaient parfois un retour plus ou moins prolongé à la contemplation et séjournaient dans des communautés appelées “ermitages” où la clôture était fort stricte. Voici ce qu’il en dit dans la Règle pour les ermitages aux paragraphes 7-10 : “Dans l’enclos où ils demeurent, on ne laissera entrer personne ; […] Les frères qui sont les “mères” fuiront soigneusement tout rapport avec l’extérieur ; conformément aux ordres de leur ministre, ils protégeront leurs fils de tout contact, pour que personne ne puisse leur parler. […]. Les fils prendront de temps en temps le rôle de mères, suivant le tour qu’ils auront jugé bon de régler entre eux”. Mais le même homme, par amitié pour son amie, la vertueuse Jacqueline de Frangipani, afin qu’elle puisse entrer dans la clôture pour converser avec lui, l’appelait “frère” Jacqueline. Ainsi, pour la plupart des communautés, c’est au frère Gardien, avec le Chapitre local ou le Discrétoire (conseil du Gardien) de déterminer les limites de la clôture de l’espace ouvert à l’accueil et de celui réservé aux frères. Si le confinement est une étape nécessaire pour échapper à une pandémie, la clôture est un art de vivre qui s’intensifie avec le temps. Elle repose sur une expérience spirituelle positive et aide à “vivre dans le monde comme n’en étant pas” (Jn 17, 15-16).
Fr. François COMPARAT, OFM