La fraternité de Toulouse fait ses adieux

Nous sommes pèlerins et étrangers en ce monde.

Les franciscains sont restés 95 ans dans le quartier de la Patte d’oie à Toulouse. Ils célébraient hier, dimanche 14 juin 2020, leurs adieux à la ville rose dans la paroisse voisine du Sacré-Cœur. Quelques éléments d’histoire de cette présence franciscaine à Toulouse.

UN PETIT RAPPEL HISTORIQUE : LE COUVENT D’ÉTIENNE BILLIÈRES

Après la Révolution française, les franciscains observants ne revinrent à Toulouse qu’en 1916, d’abord dans le quartier du Raisin, mais leur couvent étant petit, en 1925 ils déménagèrent pour s’installer avenue de la Patte d’oie (l’actuelle avenue Etienne Billières) dans un bâtiment construit pour 50 frères. A l’époque le quartier étant pauvre et n’ayant pas bonne réputation les frères avaient fait volontairement ce choix d’insertion. Ils marquèrent progressivement et durablement le tissu social du quartier par une activité caritative débordante.

Le frère Clément créa dans les années 1930-40 les jardins ouvriers du quartier des Fontaines ainsi que le stade des Fontaines qui existe toujours. Dans les années 1950-1960 une partie du couvent appelé le gourbi logea jusqu’à une trentaine d’étudiants principalement étrangers que personne ne voulait héberger en ville : des noirs, des vietnamiens, des algériens, des marocains. Puis les frères aménagèrent dans le sous-sol de leur couvent le relais pour accueillir de jour et de nuit des sans-abris. C’était le seul accueil de ce type à Toulouse à l’époque. Le Tiers-Ordre franciscain ne fut pas en reste. Il créa rue Jean de Pin non loin du couvent une maison d’accueil pour loger des femmes en difficulté.

Le couvent des frères était d’abord une maison de formation en théologie. Il abritait aussi une bibliothèque de recherche imposante et des archives historiques. Parmi les frères, des enseignants à l’ICT. Les plus connus ont été F-M Bergounioux fondateur du laborateur de géologie de l’ICT et plusieurs années après Michel Dutheil exégète recteur de l’ICT pendant 12 ans.

Beaucoup de gens du quartier et de la ville venaient se confesser dans les 4 confessionnaux de la chapelle. La messe du dimanche accueillait jusqu’à 300 personnes. Les frères accompagnaient les scouts marins. Le couvent était aussi le siège de la curie provinciale des frères.

La guerre de 1940 eut son lot d’anecdotes : des demandes de franciscains allemands officiers de la Wehrmacht pour célébrer des messes sur les autels de la chapelle, la présence de résistants cachés clandestinement dans le couvent pour fuir vers l’Espagne, dans le jardin élevage de cochons qui avaient pris le nom des plus grands dignitaires nazis. 

DE 1973 À AUJOURD’HUI : LE COUVENT DE LA RUE COLL

Le couvent d’Etienne Billières fut détruit et le site remplacé par un haut et grand immeuble privé résidentiel. Les frères occupèrent un nouveau couvent plus petit et fonctionnel construit dans une partie de leur jardin et donnant sur la rue Coll. Ils continuèrent leur activité caritative. Jusqu’à il y a une quinzaine d’années, de nombreux casse-croûte étaient offerts chaque jour à des nécessiteux.

La maison est restée maison provinciale et maison de formation pendant longtemps, les frères faisant leurs études au Séminaire de Saint-Cyprien ou à l’ICT. Des professions solennelles de frères eurent lieu dans l’église du Sacré Cœur. Un frère a fait son stage pastoral d’avant ordination à Saint-Nicolas. Depuis les années 1990 un frère organise en ville des maisonnées pour abriter des sans-abris en coresponsabilité. L’association qui fait leur suivi, GAF, existe toujours. Le couvent a accueilli pendant plusieurs années le groupe de prière charismatique toulousain le fleuve. En octobre 2007 ont été lancés par les frères un cercle de silence à Toulouse sur la Place du capitole. Cette initiative a eu un grand retentissement national et international. Les cercles de silence continuent. Il y a 6 ans a été lancé dans notre jardin un jardin potager partagé.

LA FERMETURE FIN AOÛT

Vu la crise des vocations en France, nos effectifs à Toulouse ont constamment baissé, les frères partant pour d’autres couvents. De 15 frères en 2002 nous sommes passés à quatre frères en 2019. Nous avons été soutenus ces dernières années par notre réseau de bénévoles et par les diverses composantes de la famille franciscaine dont les sœurs franciscaines de la rue Koenig. Notre présence à Toulouse se termine. Comme disait saint François d’Assise notre fondateur « nous sommes pèlerins et étrangers en ce monde ».

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