“Quatre mois à Meknès au Maroc pour rejoindre la rive de l’autre, de celui qui n’est pas de ma culture, de mon monde et qui ne prie pas Dieu avec les mêmes mots que moi ! Quatre mois intenses et bouleversants au goût de l’éternité”. Fr. Didier Van Hecke nous partage le quotidien de nos frères présents au Maroc et ce qui l’émerveille de leurs vies.
Dans le quartier de la médina où vivent les frères, tout le monde se connaît, tout le monde se salue. Il faut dire que les frères vivent là depuis 1936. L’écrivain public toujours en costume cravate parlant très bien français, le tailleur et ses perruches, l’épicier dont le magasin ne fait pas plus de 10 m2 . Un peu plus loin, le boulanger et son four à pain où les femmes apportent la pâte qu’elles ont préparée pour la faire cuire. Le boucher qui a fait partie de l’équipe nationale marocaine de foot. Le jeune pâtissier qui m’accueille en disant “Ah quel beau cadeau que ta visite !” et qui m’offre un gâteau. On se salue, on fait connaissance. “Merci pour le WiFi” disent les jeunes qui se connectent le soir dans la rue au réseau de la bibliothèque. Partout les gens sont très accueillants, affables, courtois. “Salam Alekoum”… “Alekoum Salam”…
ÊTRE UN LIEU DE RENCONTRE
Ici, les frères n’ont pas en charge une paroisse mais un centre de langues, autrefois dispensaire. Le centre, tout simple, est à l’image du quartier : cinq petites salles de cours, une salle d’informatique et une bibliothèque (livres scolaires, littérature marocaine, arabe, française ou anglaise). C’est là que chaque semaine, des centaines de jeunes et d’adultes, de femmes (voilées ou non) et d’hommes viennent pour suivre un cours de français, d’anglais, d’italien ou encore d’informatique. 40 bénévoles animent ce centre avec les frères. Beaucoup plus qu’un centre de formation, c’est un lieu de vie, de rencontre, de convivialité…
Une chose m’a profondément touché : entendre l’appel à la prière du muezzin lorsque nous sommes à la chapelle pour la prière ou l’eucharistie. Cela a toujours, pour moi, une invitation à rejoindre par la pensée et la prière tous nos frères et sœurs musulmans.
SE REJOINDRE DANS LA PRIÈRE
“La rencontre avec l’islam est une chance pour découvrir l’autre aspect du visage de Dieu qui, non seulement accepte les différences, mais plus encore est heureux de la diversité” a dit un jour notre frère José Carballo, ancien ministre général des franciscains.
En Europe, on voit fréquemment l’islam sous l’angle de la menace terroriste. Ici, on vit tout autre chose. Les musulmans sont des frères et des sœurs en humanité et des croyants au Dieu unique. Je reste émerveillé par l’attention, la bonté et la bienveillance de beaucoup.
Je suis reparti du Maroc avec cette certitude : Dieu accepte les différences et se réjouit de la diversité. Alors à notre tour, réjouissons-nous lorsque, là où nous sommes, nous pouvons créer des liens avec nos frères juifs et musulmans ou avec nos frères non croyants. Et comme nous y invite Jean-Mohammed Abd El-Jalil, franciscain d’origine marocaine, il ne faut pas attendre que l’autre fasse la moitié du chemin pour le rencontrer, c’est à chacun de nous de faire tout le chemin pour deux !