En juin, nous célébrons la Saint-Antoine. En cette solennité franciscaine, Fr. David Vern, Gardien du sanctuaire des Grottes de Saint-Antoine, est toujours ému de reparler de sa vocation. “C’est quelque chose de magnifique, d’inattendu mais de tellement incarné dans ma vie”…
Propos recueillis par Émilie REY
Je suis né à Brive, dans une famille catholique, un peu à l’image d’Obélix qui est tombé dans la marmite petit ! Ma mère est née un 4 octobre, ma grand-mère était tertiaire franciscaine et je suis toujours allé aux Grottes durant mon enfance. Je me revois aller mettre un cierge, aller à la messe… La figure d’Antoine m’a été donnée d’emblée. Mon parcours est, en ce sens, un peu différent des vocations de mes frères : c’est saint Antoine qui m’a fait connaître saint François.
Je suis allé chez les frères des Écoles chrétiennes, à Brive, pendant 13 ans ; une vie de foi très marquée. Les grandes étapes de ma vie sacramentelle – ma première communion et ma profession de foi –, je les ai vécues à Saint-Antoine et ma confirmation, dans le centre-ville de Brive.
Le premier appel reçu, j’avais 11 ans. Je m’en souviens comme si c’était hier ! J’étais servant de messe dans ma petite église du Lot et, au moment de la consécration des offrandes, je me suis entendu dire : “Toi aussi un jour tu retourneras tes mains pour consacrer le pain et le vin”. Comme un appel intérieur, je ne sais pas si c’est moi ou si cela m’a été donné ou guidé, en tout cas, c’est là que j’ai compris que je souhaitais être prêtre. J’en ai parlé à mon directeur d’école et il m’a “contrarié” dans mon appel. Je n’ai pas été écouté comme enfant, je n’étais pas crédible, j’étais trop jeune pour cela. J’ai vécu ma vie d’étudiant ; je suis parti étudier à Bordeaux puis travailler sur Paris. J’étais dans l’événementiel et la gestion de restauration : des champagnes Taittinger au musée du Louvre en passant par l’annexe de l’ambassade des États-Unis jusqu’à un café littéraire.
UN BASCULEMENT
Puis je suis tombé malade suite à des problèmes de reins. Moi qui étais super-actif, qui ne savais pas ce que c’était qu’être à l’arrêt, de souffrir physiquement, j’ai découvert un autre monde. Je me suis retrouvé alité avec d’autres personnes qui souffraient. L’expérience de l’hôpital a été un basculement. Ce fut une expérience humaine et physique et quand je suis sorti, j’ai retrouvé ma vie mais quelque chose en moi avait changé. Le rapport à l’argent n’était plus du tout le même. La vie, les biens que j’avais ne me comblaient plus. C’est comme si j’avais laissé une partie de moi à l’hôpital. Je trouvais presque indécent de reprendre vie, d’avoir les sécurités financières pour rebondir. Mais quid des autres ? J’avais soif de relations humaines. Alors j’ai quitté mon travail et divisé mon salaire par quatre sans état d’âme.
J’ai eu besoin de vivre toutes ces étapes pour pouvoir assumer cette décision. J’avais besoin de me confronter à un employeur, de voyager, de sortir, de vivre ma jeunesse. Donner ma vie à Dieu, cela devenait de plus en plus clair mais comment ? Alors que je redescendais le temps d’un week-end à Brive, je me suis trompé d’horaires de train ! Trois heures devant moi, un dimanche après-midi, aller boire une bière, tout seul ? J’ai pris un livre et suis monté à Saint-Antoine. Je rentre dans la grotte supérieure faire mes dévotions et en ressortant… j’ai senti que je n’étais plus le même homme, tel un sentiment d’apaisement. Saint Antoine m’attendait, comme pour me dire : “Va sans crainte vers Jésus !”
LE RESPECT DE LA LIBERTÉ
Je suis allé au Service diocésain des Vocations, à Paris, où j’ai pu relire un peu mon histoire. Je ne me sentais pas appelé à devenir prêtre diocésain, ni moine au vu de mon tempérament plutôt hyperactif. Je me sentais plutôt proche des Ordres mendiants. J’ai commencé à cheminer avec les dominicains. Je ne connaissais pas les frères de Paris alors je suis allé frapper à la porte du couvent et j’ai rencontré Fr. Henri Namur. J’ai ensuite vécu un cheminement très paisible jusqu’à ma découverte de la ville d’Assise. Ce fut le moment où toute l’adéquation se fit dans mon cheminement, telle une évidence ! J’ai alors exprimé aux frères mon souhait de rentrer et ils m’ont dit que j’avais un travail, que je pouvais prendre mon temps, me donner une année de plus.
J’ai trouvé cela extraordinaire, les vocations sont peu nombreuses et ils auraient pu se dire : “Faisons le rentrer au plus vite”. Mais non : pas de pression, pas de “recrutement”. J’ai découvert quelque chose que je ne connaissais pas de la spiritualité de saint François : le respect de la liberté. Je suis venu loger des week-ends au couvent, j’ai visité les fraternités de la Province, pris des repas, prié avec les frères… Jusqu’au moment où, vingt-deux lettres à la main (résiliation du bail, EDF, téléphone, impôts…), j’ai fait le grand saut. Tu as beau vouloir, désirer, être sûr : il faut savoir lâcher prise, accepter de n’avoir aucune sécurité. J’ai eu besoin de poser des gestes radicaux et cela fait maintenant 18 ans que je suis frère.
Pas un matin je me suis réveillé en regrettant ce moment. Si saint François est notre fondateur, je prie toujours plus volontiers saint Antoine. Il y a de nombreuses portes d’entrée pour découvrir la spiritualité franciscaine et tant mieux !