Et Dieu vit que cela était bon, et même très bon… !

Quelle joie de communier à la source unique de notre forme de vie d’où jaillirent les rameaux de nos trois familles.

Le croirez-vous ! Une quarantaine de frères, représentant les trois branches du premier ordre, s’est retrouvée à Paray-le-Monial, pour une retraite spirituelle. Tous rassemblés sous une unique obédience le temps d’une semaine… ! Ce fut là un moment tout-à-fait exceptionnel ! Quel bonheur profond de recevoir, « à nouveau » et dans une même écoute, le don de notre vocation franciscaine. Quelle joie de communier à la source unique de notre forme de vie d’où jaillirent les rameaux de nos trois familles. Oui, en nous voyant ainsi rassemblés dans cette retraite inter-obédientielle, Dieu se dit que cela était très bon… !

D’UNE RÈGLE À L’AUTRE

Fr. Mauro, Ministre Général émérite des frères Capucins, a su nous faire vivre l’actualité de nos deux Règles, celle de 1221, Regula non bullata, et celle de 1223. Simplicité, profondeur et humour furent sa pédagogie pour nous faire sentir la tension féconde qui nous fait aller « d’une Règle à l’autre » (et réciproquement !). C’est en parcourant ce chemin que nous avons expérimenté l’interpellation de François à ses frères, « jusqu’ici, nous n’avons rien fait, commençons » : ce qui était une belle façon de témoigner de l’aujourd’hui de notre Règle.

Habité par sa passion de saint François et par son expérience de frère mineur tout dévoué au service de ses frères de par le monde, Fr. Mauro nous a redonné toute la fraîcheur de la proto-Règle et de la Règle approuvée. Ses commentaires furent enrichis des nombreuses anecdotes savoureuses puisées au creuset de son expérience et de ses rencontres. Sur ses lèvres revenaient souvent les expressions : « je me souviens… » et « je suis touché », expressions qui nous faisaient entrer pudiquement dans son expérience personnelle tout en éveillant la nôtre.

Fr. Mauro nous a fait découvrir combien cette Règle, que je ne peux recevoir maintenant que comme un unique œuvre en forme de « diptyque », traduit notre appartenance et notre identité et combien ce parcours d’une règle à l’autre dit toute l’obéissance de François à ses frères et à l’Église. C’est avec eux, ses frères et l’Église, que François l’a écrite cette Règle qu’il a reçu d’une révélation de Dieu – « Deus ipse revelavit me – Dieu lui-même me révéla ». Pour lui, le retour à l’Évangile n’est pas une simple intuition d’un moment mais une révélation divine. C’est pourquoi il défendra toujours avec vigueur le charisme mais n’hésitera jamais à faire appel à l’Institution pour le sauvegarder. Cette obéissance de François à la révélation de Dieu, à ses frères et à l’Église, dit l’importance de notre propre obéissance consistant à chercher ensemble le chemin de notre vie au cours de nos chapitres locaux, provinciaux et généraux…

RÈGLE ET VIE, UNE COMMUNION

De même, Fr. Mauro a beaucoup insisté pour que nous gardions, aujourd’hui comme hier, la communion entre « la règle et la vie – Regula et vitae » pour la simple raison que la Règle est au service de notre vie : sa mise en œuvre nous aide à devenir libre et léger pour entrer dans la miséricorde de Jésus. Et Fr. Mauro d’ajouter avec un enthousiasme joyeux qui consonne tout particulièrement avec les temps que nous avons à vivre : « l’Évangile est pour François une boussole qu’il a consultée tout au long de sa vie, une source à laquelle il a puisé à deux mains et qui lui a permis d’ouvrir de nouveaux chemins. François n’a cessé de désirer retrouver la fraîcheur de l’Évangile et le mettre en pratique, faisant preuve de beaucoup d’inventivité pour actualiser son message »… Et d’ajouter à l’adresse de chacun : « La Révélation de Dieu dans toute l’Écriture et les Évangiles n’est pas d’abord de l’ordre du “Tu dois !” mais de l’ordre du “Vous êtes…”. Le “Tu dois !” » vient après. Quand on ouvre un évangile, il s’agit de commencer par se laisser toucher et par le goûter… »

Impossible de résumer ici les douze leçons qui ont éclairé et soutenu notre retraite ! Mais, afin que les frères qui n’ont pas pu y participer puissent en goûter quelques fruits, je me permets d’extraire de mes notes quelques petites fleurs :

• « Être reçu à l’obéissance » c’est appartenir à une fraternité et participer à sa vie.

• Sans la fidélité à la prière ma vie religieuse est du volontarisme sans joie ! La prière me permet de prendre conscience que Dieu est là. D’où l’insistance sur la prière de louange de la part de François. La prière de louange, pour François, est « la restitution des biens » à Celui qui est « le Bien et tout le Bien ».

• Bienheureux ceux qui écoutent le silence qui permet d’aller aux profondeurs, de mieux percevoir. La prière est une respiration d’amour soutenue par la fidélité quotidienne. Le silence priant, peu à peu, devient comme un moment attendu… La prière silencieuse est le lieu et le moment où se vider de soi pour s’ouvrir à la Présence…

• Dans l’Ordre il y a eu plein de luttes autour de la pauvreté. La pauvreté est une prise de conscience de notre dépendance vis-à-vis du Créateur de qui nous recevons tout Bien. Il s’agit donc de vivre la pauvreté dans l’action de grâce, joyeusement, comme un mode de vie et de proximité avec les pauvres. La pauvreté est inséparable de la minorité. La minorité est le choix de compter moins que celui qui compte moins. Est mineur celui qui reconnaît que tout vient de Dieu et qui en est rempli de gratitude.

• Notre identité de frères est dans la relation. De ce point de vue nous avons à être frère partout et en toutes circonstances. Cela suppose de renoncer à tout type de pouvoir. Pour être frère il est nécessaire de se plonger dans la contemplation afin de s’y remplir de la miséricorde de Dieu.

• Tous les biens, il nous faut les rapporter au Très-Haut, c’est cela la gratitude, l’action de grâce. Il nous faut remplacer l’examen de conscience du soir par un moment de gratitude. Savoir dire merci à Dieu : apprendre à dire merci rend heureux.

Oui, vraiment, Dieu est bon et les frères aussi.

Fr. Henri NAMUR, ofm

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