Par Émilie REY
Tout commence par une démarche familiale et le désir d’une maison de campagne en Bourgogne, concrétisé à Island, à 7 km de Vézelay, il y a vingt ans. « À l’époque, on était des chrétiens un peu itinérants » se souvient François Duffour. De balades en messes dominicales, cet avocat parisien va découvrir La Cordelle.
RENOUVELER LE BAIL DE LA CORDELLE
François Duffour a son franc parler ; d’emblée il m’annonce : « je n’ai pas été séduit par La Cordelle avant de rencontrer les frères. Pourtant, je suis très sensible au patrimoine ». Mais voilà, un jour, il reçoit une sollicitation de son ami Philippe Leigniel, voisin des frères, engagé dans le projet de rénovation de l’ermitage. Quelques semaines plus tard, Fr. Éric Moisdon, gardien des lieux, est dans son salon ! « Les frères avaient besoin de conseils juridiques et ils ne savaient pas par très bien par quel bout prendre certains sujets. J’ai été touché par leur démarche d’humilité ». En effet, à cette époque, les frères doivent régler le renouvellement du bail avec le propriétaire historique de La Cordelle, Philippe de Chastellux, que François connait bien par ailleurs.
Si les frères ont du flair, François a pour sa part un sens aigu de l’utilité. « Je n’aime pas faire des choses pour occuper le terrain ; en l’espèce, j’ai compris que je pouvais vraiment les aider ». Alors pendant une bonne année, entre 2022 et 2023, François balaie les inquiétudes des uns et des autres et dénoue les problèmes juridiques. Il apprécie le « job » : « Fr. Éric n’a pas été intrusif, chacun était à sa place. »
Jusqu’au jour mémorable du renouvellement du bail pour 65 ans, comme un aboutissement ! Il revient volontiers sur cette signature chez le notaire, en souriant un peu : « j’avais deux hommes en face de moi, l’un en côte de maille et l’autre en robe de bure. C’est une image, bien sûr ! L’un descendant du premier Chastellux, l’autre de frère Pacifique… avec 800 ans de décalage ! Je me suis dit que cette réminiscence de l’histoire était quand même dingue ! Ils nous offraient tous les deux une belle expression de la pérennité des choses.» Cette rencontre fut un déclencheur.
UNE EXPÉRIENCE DE SIMPLICITÉ ET DE VERITÉ
Des franciscains, François ne connait pas grand-chose, sinon l’histoire de son saint Patron dont il a hérité le nom. « Pourtant, la famille de mon père était confite en dévotion, on a eu plusieurs religieux et prêtres dans ma famille, et même une mère franciscaine ». Il découvre « une formidable simplicité de relations et une expression épurée de la foi ». Celui qui prie volontiers à la Basilique sainte Marie-Madeleine de Vézelay aussi bien qu’à La Cordelle reconnaît avoir besoin des frères, depuis qu’il les connait. « Ils me rassurent ; leur simplicité, leur accueil, leur discours, leur ouverture à l’autre, leur regard… Tout cela n’est pas si commun, en fait ».
Les franciscains lui ouvrent les yeux sur une manière de vivre en Église. « Cela me fait beaucoup de bien car je suis un vieux bourgeois qui, à Paris, vit un peu dans une coterie – c’est mon monde, je ne le conspue pas – mais cela ne me contente pas non plus. La compagnie des frères me fait du bien, avec eux, je suis libéré d’une certaine forme de consumérisme ». À La Cordelle, François peut « déposer son sac ». « Je m’assois, on prie, on prend son temps, les gens qui m’entourent ne sont pas un problème. On n’est plus dans la composition, on est ramené à un état de vérité ».

DU JURIDIQUE AU MÉCÉNAT
François est devenu membre à part entière de l’équipe bénévole qui entoure les frères pour la rénovation de La Cordelle. « Aujourd’hui, je me sens davantage tourné vers l’idée d’aider les frères à trouver des fonds ». Il a d’ailleurs été l’une des chevilles ouvrières du dernier dîner de mécénat, organisé à Paris à l’automne dernier. « Cela m’a vraiment intéressé parce que je suis allé chercher des gens d’horizons différents, en lien avec la Bourgogne ou pas, et j’ai mesuré l’intérêt que suscitait La Cordelle et plus généralement la communauté franciscaine car je le répète : si je crois en ce projet, c’est parce que les frères y sont pleinement engagés, c’est un projet vraiment incarné ».
François évoque un moment qui le touche particulièrement à la Cordelle : « À la messe de 8h, il est fréquent que des pèlerins viennent se faire bénir avant de prendre le chemin vers Compostelle ou vers Assise. Je trouve ce moment très bouleversant. Vous avez là des hommes, des femmes, en Rangers, sac au dos, qui sont arrivés la veille avec tous leurs soucis humains et qui les déposent au pied de l’autel, symboliquement. Ils se dépouillent, ils n’ont aucun attribut de quoi que ce soit et ils sont là, tout simplement. Ils viennent chercher, dans la simplicité, la bénédiction d’un franciscain qui est en prise directe avec Saint-François et, si on remonte d’une case, avec Jésus-Christ. C’est sensationnel. »
Et François de conclure : « la simplicité des frères me ramène peu ou prou à la condition du Christ, c’est peut-être discutable mais c’est ce que je ressens. Avec eux, je me sens en prise directe avec le Christ et, pour le chrétien toujours un peu hésitant que je suis, en rapport concret aux choses, cette incarnation de Dieu fait homme, reste pour moi le vecteur le plus pertinent. Je pense, avec du recul, que La Cordelle était l’espace que j’attendais, peut-être même que je cherchais, mais je ne l’avais pas rencontré jusque-là ».