Située à 40 km de l’océan, bien brassée par les vents, Killarney est une bourgade de 15 000 habitants marquée du tau franciscain. Les frères y sont présents depuis 150 ans. C’est en ce lieu que seront accueillis les novices de la Province du Bienheureux Jean Duns Scot au noviciat international de la Conférence transalpine des Frères Mineurs (COTAF).
“Le ciel est bas, il change tout le temps et les couleurs sont absolument magnifiques. À chaque fois qu’un rayon de soleil traverse un nuage, le ciel se pare d’arcs-en-ciel à l’image des bicoques colorées : c’est féerique !”. Fr. David Vern ne sort pas d’un conte de fées mais revient de Killarney, sur la côte ouest irlandaise, entre Cork et Galway. C’est en sa qualité de maître des postulants et en compagnie du Ministre provincial qu’il s’est rendu au pays du trèfle à trois feuilles du 3 au 9 novembre dernier. L’objectif de ce déplacement ? “Situer les lieux, mettre des visages sur des noms, sentir l’âme de ce qui se vit en Irlande pour préparer au mieux les futurs novices français”. Car la décision a été prise au Chapitre dernier, confirmée par le Définitoire : après une expérience au nord de l’Italie et la fermeture du noviciat de Mezzolombardo, le noviciat de la province de France-Belgique se déroulera désormais en République d’Irlande. “C’était le moment de se reposer la question en ayant en tête que la langue commune de la COTAF est l’anglais et que l’on va vers davantage d’internationalité partout dans l’Ordre” expose avec lucidité Fr. Michel Laloux qui expérimente au quotidien cette internationalité dans sa charge de Provincial.
UN CHOIX DICTÉ PAR LE RÉEL
Le pragmatisme habite le discours de nos deux frères : “pour ouvrir un noviciat, l’Ordre nous demande au moins trois novices or depuis de nombreuses années nous n’avons pas assez de novices. Et puis un noviciat cela ne s’improvise pas du jour au lendemain, c’est toute une communauté qui est mobilisée et qui se transforme jusque dans son emploi du temps”. Fr. Michel revient alors sur le sens du noviciat dans le parcours de discernement franciscain. “C’est un temps matriciel, un moment clos que l’on pourrait comparer à l’ermitage. Ce sont en quelque sorte des “fiançailles”, on passe davantage de temps en communauté avec moins d’engagements à l’extérieur pour qu’il y ait comme une imprégnation de l’esprit franciscain”. “Bien sûr que j’aimerais qu’il y ait un noviciat en France mais qui pourrait le prendre en charge ? Où l’installer ? Et même si on avait cette réalité et les forces vives, est-ce que cela serait pertinent ?” questionne Fr. David avant d’ajouter : “le monde nous oblige à changer, on ne peut pas fonctionner dans les structures du passé et puis l’internationalité c’est le réel de l’Ordre aujourd’hui.”
UNE COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE
Et si Killarney a été retenue c’est en partie pour sa solidité, son approche et la “carrure de ses formateurs” prend le temps de détailler Fr. Michel. Ce noviciat qui était provincial avant de devenir international rassemble aujourd’hui anciens provinciaux ou membres du Définitoire général (comme Fr. Caoimhin O’Laoide), spécialistes de l’accompagnement spirituel et enseignants à l’université Saint-Bonaventure de New York. Fr. Antony Jukes est maître des novices depuis les débuts, en 2017. Né dans la banlieue londonienne, ce second de six enfants, a découvert sa vocation à Lourdes ! Entré chez les frères, en 2002 à l’âge de 26 ans, sa vie à la suite du Poverello l’a mené de Glasgow à Canterbury avec une expérience significative dans un centre de retraite spirituelle pour les jeunes. C’est à cette époque qu’on lui demande d’intégrer l’équipe qui façonnera le noviciat international de Killarney. “L’intention initiale était que l’équipe de formation soit composée d’un frère profès solennel de chacune des entités fondatrices et ce fut le cas pendant les cinq premières années. Nous avons bien vécu et travaillé ensemble, en nous soutenant mutuellement. Cela a contribué à créer un environnement et une communauté internationale au sein du couvent du noviciat” partage Fr. Antony. Il glisse alors dans une invitation à peine voilée : “j’espère que d’autres provinces seront en mesure d’envoyer un frère pour faire partie de la communauté du noviciat !”
UN PROGRAMME DE FORMATION SUR-MESURE
“C’est l’aventure pour eux comme pour nous !” complète Fr. David. “On n’aura pas tout mais notre culture sera intégrée et dialoguée avec la leur pour trouver des ajustements de formation”. Car voilà bien une des spécificités de Killarney : le programme de formation est co-construit. “Chaque province est invitée à mettre son grain de sel, c’est du sur-mesure”. Et Fr. Antony de le réaffirmer : “il est important que des conférenciers de différentes provinces soient invités à donner des cours aux novices”. Car voilà bien un des enjeux de cette “expatriation franciscaine” : “ne pas se perdre dans le rapport avec les autres car si on est trop dans l’extériorité on risque de perdre sa culture. Mais je crois que l’on peut être dans une confrontation saine de nos franciscanismes et que cela peut permettre d’approfondir et même de retoucher ce qui est essentiel” espère Fr. Michel. Actuellement trois novices sont accueillis à Killarney et ils sont Canadien, Irlandais et Lituanien. “La nouvelle génération est beaucoup plus ouverte à l’international que nous et il ne faut pas que nous projetions nos peurs ou nos schémas sur eux ! Ces jeunes rentrent à un carrefour, dans un monde et une Église en pleine mutation. Ce à quoi nous devons être attentifs c’est à la cohérence de leur parcours d’où l’intérêt de ces instances que sont les conseils de formation pour réfléchir à toutes les articulations en essayant de vivre cette nouvelle étape provinciale sous le regard de Dieu. “Le meilleur en Dieu pour eux”, voilà ce que nous devons chercher car ces jeunes en veulent et on leur doit que cela se passe pour le mieux en fonction de ce qu’ils sont et de ce qu’ils portent” conclut confiant Fr. David. Alors à très bientôt pour d’autres nouvelles de Killarney !
Émilie REY