Fr. Didier Brionne : « Appelés à vivre en frères mineurs »

Franciscains à Marseille, dans le quartier de Noailles
Le mystère de Dieu se révèle dans le petit.

“OFM”, trois lettres pour “Ordre des frères mineurs”. Vous pouvez les retrouver dans nos signatures, sur le logo de notre Province, etc. Mais qu’est-ce que la minorité pour saint François ?

Sans en prononcer le mot, saint François d’Assise parle de la minorité dans ses écrits. Il dit comment doivent vivre les frères, en mineurs. Dans la première Règle de vie, il demande à ses compagnons venus le rejoindre pour “vivre l’Évangile” : “Que tous soient d’une manière générale appelés “frères mineurs”. Et qu’ils se lavent l’un l’autre les pieds.” (1R 6,3-4) “Qu’ils soient plus petits et soumis à tous ceux qui sont dans la même maison” (1R 7,2). L’un de ses biographes, Thomas de Celano, rapporte ce propos de François : “Je veux que cette fraternité soit appelée l’Ordre des frères mineurs” (1C38), soulignant ainsi l’exigence faite aux frères dans leur manière de vivre.

LE CHRIST PETIT ET PAUVRE

Au cœur de ce désir, il y a l’expérience spirituelle de François qui ne cesse de contempler et de méditer le mystère du Dieu Très-Haut en Jésus venu rejoindre l’humanité. Être et vivre en mineurs, en plus petits, renvoie directement au Christ lui-même, pauvre et crucifié. Jésus notre frère, par son incarnation, se fait le plus petit et se donne totalement jusqu’à la Croix. Cela par amour, par don gratuit de Dieu le Père. Il “est devenu le dernier des humains” dira sainte Claire à Agnès de Prague (2 Let 20). Voilà ce que François contemple lors de ses longues méditations du Crucifié, dans la chapelle de Saint-Damien près d’Assise, et ce qui suscite sa louange de Dieu.
Dans sa quête personnelle d’une réponse à donner à l’amour de Dieu, un épisode, parmi d’autres au cours de sa conversion, déclenche la transformation intérieure du fils du drapier d’Assise : la rencontre en chemin d’un lépreux qu’il embrasse. Il voit en cet homme souffrant, le Christ dans sa pauvreté. Il découvre alors un sens à sa vie et s’engage dans le soin des lépreux.

“QU’ILS SOIENT PLUS PETITS ET SOUMIS”

Dans une société médiévale marquée par l’opposition des Seigneurs, les “majores”, face aux “minores” au bas de l’échelle sociale, descendre de cheval n’est pas anodin. L’habile marchand de drap qui rêvait de devenir chevalier vit un choc. Il arrête sa monture, pose pied à terre et embrasse le lépreux.
Cette attitude, a priori incompréhensible, manifeste son changement de situation et de statut social. Cet abaissement à la hauteur de l’autre, au plus bas, fait montre de “minorité”. François n’agit pas par condescendance, mais en raison de sa prise de conscience de la présence du Christ Jésus au milieu des petits, lui qui s’est fait l’un d’eux. Ce n’est pas l’orgueil de l’abaissement forcé qui le guide, mais la reconnaissance, dans cet homme rejeté par les siens en raison de sa maladie, du Christ lui-même. À partir de cette expérience personnelle François demandera à ses frères qu’ils vivent cette rencontre dans le soin aux lépreux, pour que chacun y découvre la présence de Dieu.
Cet appel à “être mineur” est à vivre au milieu des frères et dans la rencontre de toute personne. L’organisation de la fraternité et les recommandations données par le fondateur vont dans ce sens, à l’opposé de toute recherche d’honneur ou de pouvoir. De même, dans leurs activités, qu’ils soient comme des petits parmi les petits. Qu’ils se rendent proches des pauvres, des faibles, à la suite du Christ pauvre qui, lui-même, s’est rendu proche des exclus pour leur manifester la bonté et la miséricorde de Dieu.

“QU’ILS SE LAVENT L’UN L’AUTRE LES PIEDS”

Cette seconde phrase de l’Évangile, reprise dans la Règle de François, souligne comment vivre cette minorité. Elle rappelle l’invitation de Jésus à refaire ce qu’il fit lui-même vis-à-vis de ses disciples, leur lavant les pieds au soir du Jeudi saint avant de donner sa vie. Dans le récit évangélique, Jésus s’abaisse devant chacun de ses disciples pour se faire plus petit, être à leurs pieds, genoux à terre. Le maître se fait serviteur dans une démarche d’humilité et de minorité. Arrivé devant Pierre, celui-ci résiste. Il s’oppose même et Jésus insiste pour qu’il accepte de se laisser faire. Le geste est alors vécu dans l’abandon à Dieu.
En reprenant cette invitation de l’Évangile, François demande à ses frères de vivre la même démarche, celle du Christ Jésus vis-à-vis de Pierre, et celle de l’acceptation de Pierre. Qu’ils se manifestent les uns aux autres une attention fraternelle réciproque, nous dit François. Qu’ils sachent voir les besoins de ceux avec qui ils vivent. Qu’ils rejoignent tout homme dans une disposition de service auprès de ceux qu’ils rencontrent. En toutes circonstances, c’est la présence du Christ qui habite le disciple.

UNE MISSION POUR TOUS

On l’aura compris, l’essentiel pour François est d’entrer, par des actes concrets, dans le mystère de Dieu qui se révèle dans le petit et d’en rendre grâce. L’authentique minorité demandée à ceux qui veulent vivre la spiritualité franciscaine s’expérimente dans une attitude de désappropriation de ce qui encombre à la rencontre, pour laisser toute la place à l’autre, la place à Dieu.

Fr. Didier BRIONNE, OFM

Contact