Christine a rejoint la Fraternité franciscaine séculière il y a 26 ans, au sein de l’équipe Les Hirondelles à Nantes. En tant que femme et laïque, elle nous raconte comment la spiritualité franciscaine s’incarne dans son quotidien et plus largement, ce que signifie « faire famille franciscaine ».
J’ai connu la Fraternité franciscaine séculière quand j’avais 24 ans, lors d’une Route d’Assise en Italie. On marchait d’ermitages en ermitages avec d’autres jeunes. C’est d’ailleurs là que j’ai rencontré mon mari. Quand on est rentrés, on s’est dit qu’on voulait faire partie d’un mouvement religieux et c’est tout naturellement qu’on est allés vers la spiritualité franciscaine. Ce qui nous a attirés dans la Fraternité séculière, c’était qu’on y trouvait de tout le monde : des jeunes ou moins jeunes, des couples ou des célibataires, des gens de milieux différents, etc. Pour nous, cette ouverture était source d’enrichissement. Et c’est ce qui se vit toujours aujourd’hui.
L’IMPORTANCE DU PETIT
Ce qui nous a beaucoup touchés aussi avec mon mari, dans la vie de saint François, c’était la simplicité. Ça nous a travaillés au fil des années. Inconsciemment, un peu comme la prière, c’est quelque chose qui s’est creusé en nous, qui nous a modelés.
Mais derrière le mot “simplicité”, on peut mettre beaucoup de choses. Qu’est-ce que vivre simplement pour nous, dans notre vie quotidienne ? Personnellement je n’ai pas envie de vivre les pieds nus en sandales ! Cela a été par exemple de questionner le vrai sens de Noël. Comment allier le plaisir de recevoir et une certaine sobriété ? Il s’agit de faire en sorte que l’importance ne soit pas le repas et les cadeaux mais plutôt les relations, l’attention à l’autre. Et c’est ça Noël en famille, en fait, être présent, à l’écoute de chacun, essayer d’accorder les différences dans la joie d’accueillir Jésus qui s’est fait tout petit pour nous rejoindre ! La simplicité pour saint François se traduit aussi, je crois, par l’importance du petit. Avec les années, cela m’a beaucoup questionnée et je me disais souvent : dans ma vie, concrètement, qui est pour moi aujourd’hui le petit ? Où sont ces personnes autour de moi ? En allant au collège, ma fille passait chaque jour devant un foyer pour personnes en situation de handicap. Elle m’a dit alors : “Maman, ces gens-là me font très peur.” Alors je lui ai répondu : “Si tu as peur, il faut aller rencontrer ces personnes et les approcher.” Un peu plus tard, nous avons eu l’occasion de participer à une rencontre de Foi et Lumière, qui s’occupe des personnes avec un handicap mental. C’est ainsi que j’ai intégré le mouvement et que je m’y suis engagée. Notre aumônier est Fr. Jacques, franciscain également !
La simplicité, et l’humilité, c’est aussi le moment où le lépreux rejette François lorsqu’il vient le soigner (tout comme les frères l’avaient été aussi). François comprend alors que pour l’aider vraiment, il doit d’abord lui demander ce dont il a besoin. Un exemple qui me touche particulièrement !
UNE FRATERNITÉ INCARNÉE
Pour moi, la spiritualité franciscaine s’incarne aussi de manière très tangible dans la fraternité : l’équipe Les Hirondelles à laquelle j’appartiens depuis plusieurs années à Nantes, et la famille franciscaine d’une manière plus générale (les frères, les clarisses, les sœurs franciscaines, etc.). La fraternité se vit ici dans les petites attentions concrètes du quotidien : prendre le temps d’échanger des nouvelles lors de nos rencontres, prier pour les absents, se téléphoner ou passer se voir de temps à autre, en essayant de se changer les idées dans les moments difficiles… Bref, d’être attentif à ce que chacun vit.
J’ai pu vivre cela de manière toute particulière il y a quelques années, quand mon mari est décédé. Je me suis alors retrouvée seule à élever nos enfants. Je n’avais pas de famille à proximité donc tout était assez lourd. Mais j’ai véritablement pu compter sur l’aide des membres de ma fraternité Les Hirondelles, même sur des choses toutes simples comme m’apporter de la soupe faite maison ! Et compter également sur la discrète mais fidèle prière des clarisses, ainsi que d’autres membres de la Fraternité séculière.
UNE FAMILLE ÉLARGIE
Ce lien fraternel, je l’expérimente aussi avec les frères. Il y a nos réunions d’équipe mais en dehors, cela continue. Quand mon mari est décédé, mes beaux-parents (également dans la Fraternité séculière), mes enfants et moi allions sur sa tombe à la Toussaint. C’était vraiment très difficile pour eux, alors pour le repas, j’invitais toujours Fr. Cyrille de Raimond, avec qui ils étaient allés à Assise et qui les avait accompagnés en équipe. Cette présence à nos côtés, ces jours-là, était toute naturelle et très réconfortante. Cela me rappelle une autre anecdote ! Fr. Didier, en fraternité à Nantes, a bien connu aussi mes beaux-parents, il a accompagné leur équipe. Un jour, devant celui qui est aujourd’hui notre assistant, je disais : “Ma belle-mère me disait toujours que…” Et d’un coup, je l’ai entendu rire. Alors je me suis rappelée : “C’est vrai, il l’a connue !” Ce lien si simple avec nous, au cœur du quotidien, c’est encore une autre manière de faire famille. Ces frères, ce sont un peu notre autre famille et j’aime d’ailleurs souvent les taquiner en leur demandant : “Ça va mon petit frère ?” Et ils me répondent alors : “Et toi, ma petite sœur ?”
Ce lien fraternel tissé avec les frères s’insère, dans une certaine mesure, jusque dans l’intimité des familles. Avec mes enfants ou bien des personnes de l’extérieur, je pense que cette complicité est bien accueillie car les gens voient bien qu’il n’y a pas de faux-semblant.
Cet élargissement de la fraternité, je l’ai aussi vécu l’été dernier loin de ma région : alors que j’étais en balade en Savoie, lors d’une balade, je suis tombée sur un groupe de la Jeunesse franciscaine, accompagné par un frère en bure. Dès que je l’ai aperçu, j’ai foncé sur eux car oui, quand c’est notre famille on est attiré ! Le frère m’a dit : “On est de la JFra.” Et j’ai répondu : “Et moi, je suis franciscaine !”
Propos recueillis par Henri DE MAUDUIT