À Vézelay, l’ermitage de La Cordelle : un écrin pour la célébration de Pâques

Nous sommes passés ensemble de la nuit à la lumière, de la peur à la confiance, du silence à la joie.

Dans notre vie, il est parfois des moments si précieux que l’on se sent tenu d’en témoigner. C’est ce qui m’est arrivé à Vézelay où j’ai vécu des célébrations de Pâques d’une rare intensité, d’une rare beauté. Je n’étais jamais allée dans ce coin magnifique de Bourgogne. Et Vézelay sur sa colline m’est apparue comme le signe vivant d’une foi millénaire, autour de sa basilique bien-sûr, inscrite au Patrimoine mondial de l’Humanité. Mais aussi – et c’est moins connu – grâce à la présence discrète et vive d’un petit ermitage franciscain…

Oui, j’ai eu un coup de cœur pour La Cordelle. Pour ce lieu tout à la fois hors du temps et ancré dans le présent. Vivant. J’y ai rencontré deux des trois frères qui y résident, Eric et Patrice. J’ai découvert qu’ils célébraient quotidiennement les offices dans la petite chapelle romane, laissant leurs voix et celles des fidèles de passage rebondir sur la pierre. Ils accueillent là des hommes et des femmes, souvent trentenaires, en quête d’un lieu où déposer leur vie et discerner l’orientation qu’ils souhaitent lui donner. Et j’ai ressenti, au plus profond, combien la rencontre fortuite, fugace peut permettre de s’expérimenter frères et sœurs d’un même Père, d’effleurer de l’âme ce que peut “être” le Royaume…

Cet ermitage de La Cordelle, je l’ai découvert grâce à Agnès Von Kirchbach, mon amie, pasteure protestante. Avec elle, avec d’autres pasteurs et avec une soixantaine de catholiques, nous avons vécu une aube pascale au milieu des vignes, autour du feu qui régénère. Nous sommes passés ensemble de la nuit à la lumière, de la peur à la confiance, du silence à la joie, à l’image de ces femmes qui ont découvert le tombeau vide. Confrontées au pire, comme on butte parfois sur l’impensable, l’insupportable, elles ont puisé la force de se remettre debout et de repartir sur les chemins. Autour d’un vrai bassin et d’une eau qui coule réellement, le baptême a repris tout son sens. Quand les paroles s’ancrent ainsi dans le réel, dans la matérialité des choses, elles prennent un autre poids…

Et je me suis arrêtée face au tympan de la basilique. Ce fut un choc. Grâce au décryptage d’Anne-Marie Boulongne, théologienne catholique, proche, comme Agnès, de La Cordelle, j’ai appris à lire cette Bible de pierre qu’est un tympan. Imaginez des pauvres, des rejetés, des bannis du XIIe siècle réunis à l’abri du narthex. Ils lèvent les yeux sur les sculptures et sur les chapiteaux. Et ils en appréhendent le sens, eux à qui la lecture est interdite. Telle une bande dessinée des temps anciens, les personnages gravés dans la pierre dévoilent leur histoire.

La pierre d’angle attire les regards et les relégués entrevoient qu’il existe une brèche dans leur destin, que le sentiment si prégnant de tourner en rond n’est pas une fatalité, que seule la mise en relation avec d’autres différents ouvre un chemin. Quelle stupéfaction et quelle leçon d’humilité de découvrir que Pierre le Vénérable, à l’origine de la basilique, et ses tailleurs de pierre ont déjà tout dit. Et nous parlent encore, en ce début de XXIe siècle vacillant… Tout comme elles mettent en route les bâtisseurs et bâtisseuses qui donneront vie au projet de La Cordelle. J’en serai.

Nathalie Leenhardt
Journaliste et chargée de développement pour des petites associations

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