François d’Assise n’était pas prêtre, le saviez-vous ? Il était ce que l’on appelle un frère convers, aussi appelé frère lai. Fr. Michel Hubaut revient pour En frères sur cette appellation et la différenciation instituée au fil des siècles entre frères prêtres et non prêtres dans l’Ordre.
Disons-le d’emblée : dans le monachisme primitif, cette appellation n’existait pas. La majorité des moines de saint Benoît n’étaient pas prêtres et tous étaient astreints au travail manuel. Ce n’est qu’au XIe siècle que l’on voit apparaître les noms de “fratres conversi”, de “laïci barbati” dont l’origine exacte est discutée, ou encore “d’illitterati” ou “idiotae”, qui ne veut pas dire “idiot” mais “sans instruction”. Un qualificatif que saint François, dans son Testament, se donne à lui-même et à ses premiers frères (Tes. 19). Deux facteurs ont dû contribuer à cette évolution : une plus grande proportion de moines ordonnés prêtres, et la nécessité de régulariser la situation des “famili” qui travaillaient au sein des monastères. Certains d’entre eux furent intégrés dans la famille monastique comme “frères lais”. Pratique qui se répandit dans tous les ordres religieux (Chartreux, cisterciens, Ordre de Grandmont).
À l’origine, saint François et ses premiers compagnons étaient majoritairement des laïcs. Ils accueillaient tous ceux qui, poussés par l’Esprit, désiraient partager leur genre de vie pour observer le saint l’Évangile : riche ou pauvre, noble ou roturier, savant ou illettré, clerc ou laïc, tous frères mineurs assujettis à la même Règle.
CLÉRICALISATION ET CONVENTUALISATION
L’entrée massive de clercs changea rapidement la configuration de l’Ordre. Les clercs durent célébrer l’office divin avec le bréviaire en usage à Rome et les laïcs, réciter des “Pater”. La prédication fut réservée à ceux qui en recevaient officiellement l’office, les autres devaient se contenter de faire des exhortations. Le travail chez l’habitant se raréfia. Les frères laïcs furent chargés des tâches matérielles à l’intérieur du couvent. Saint Bonaventure fut même amené, au chapitre général de Narbonne en 1260, à limiter le nombre des frères convers dans les couvents. Il faut bien reconnaître qu’au fil du temps, les frères convers étaient ceux qui n’avaient pas la capacité de poursuivre des études pour devenir clercs et donc étaient parfois un peu déconsidérés.
Il n’empêche que nous avons tous connu des frères convers, jardiniers, couturiers, cuisiniers qui furent des exemples admirables de vie franciscaine. Et l’Ordre peut être fier de nombreux saints frères convers tel Pascal Baylon que Léon XIII, en 1897, nomma patron des Congrès et associations eucharistiques. À partir des années soixante-dix, les choses évoluèrent avec l’arrivée de frères diplômés qui optèrent pour l’état de frères laïcs, et toute forme de clivage entre frères prêtres et frères laïcs s’estompa au sein des communautés. Le terme même de “frère convers” a fini par disparaître. Et Rome vient enfin de permettre à un frère laïc d’accéder à n’importe quelle charge dans l’Ordre.
Fr. Michel HUBAUT, OFM
Les frères laïcs à la tête des congrégations, c’est possible !
Le 18 mai 2022, le pape a annoncé que les religieux non-prêtres pourront désormais devenir supérieurs de leur congrégation. Une possibilité pour laquelle les franciscains ont particulièrement plaidé ces dernières années. “Nous voulons vivre en frères les uns avec les autres. Exclure ainsi des fonctions à responsabilités les frères laïcs alors que nous avons tous la même vocation de frères n’a aucun sens”, avait alors témoigné Fr. Frédéric-Marie Le Méhauté dans un article du journal La Vie (30/05/22).