Franciscains, pourquoi ? Hier et aujourd’hui…

À travers mes petits tracts vocationnels, je ne fais finalement que reprendre un flambeau que des générations de frères se sont déjà transmis les unes aux autres.

Au hasard des cartons…

Aïe, Aïe, Aïe… En rangeant quelques affaires, je suis tombé sur un tract vocationnel publié par les provinces franciscaines en France dans les années 1980… Le papier jauni, les lunettes, les coupes de cheveux, les polos… Les photos semblent tirées d’une autre époque. J’ai d’abord eu un mouvement de recul, tellement tout semblait à mille lieux de ce à quoi nos yeux se sont habitués ces dernières années. Et puis, un petit parfum de tendresse s’est dégagé de ce tract, comme quand je regarde pour la nième fois Le Père Noël est un ordure ou Les bronzés font du ski, un petit parfum d’enfance qui rappelle une époque révolue : celle où Mitterrand accompagnait nos soirées de réveillon, où Dorothé et Chantal Goya n’avaient pas encore été remixées façon techno, où Goldorak et Bioman ne trônaient pas encore au rayon vintage ! Les frères sont bien reconnaissables avec aujourd’hui quelques cheveux blancs en plus !

Et puis, je me suis mis à le lire. « Tu cherches un sens à ta vie ? » Comme tout le monde, à toutes les époques ! « François d’Assise t’invite » et depuis 800 ans, l’invitation reste la même. « Viens et vois ! » Paroles intemporelles de Jésus à ses disciples à toutes les époques ! L’essentiel est dit : clair, concis, précis.

Si la forme a pris un sacré coup de vieux, le contenu et l’élan dont elle témoigne restent les mêmes. « Une vie de prière. Une vie de fraternité ». Le socle demeure, même si la mission semble se résumer à la mission ad extra dans les pays pauvres.

L’essentiel en 1980

Dans ce tract, l’accent est mis sur la vie de fraternité et la vie de prière qui permettent d’annoncer l’Évangile en parole et en actes, « dans le travail quotidien, pour le service des hommes, pour gagner son pain, pour partager la vie des pauvres… Dans l’annonce explicite de l’Évangile, en prenant part à la mission de l’Église parmi les croyants ou les incroyants. »

Voici les accents de la Spiritualité franciscaine tels que proposés dans la brochure :

  • Adorer le Dieu Très Saint, Père, Fils et Saint Esprit…
  • Contempler l’œuvre du Dieu Très-Bon, dans la création, l’histoire des hommes, ma propre vie…
  • Choisir Jésus-Christ, en menant un vie inspirée par son Évangile, dans l’Église et au milieu des hommes…, dans une communauté de frères.
  • Annoncer l’amour de Dieu pour tous les hommes, spécialement pour les pauvres et les exclus…
  • Devenir des messagers de Paix! Voir en tout homme un frère.
  • Renoncer à s’approprier biens et talents, car le Christ, pour nous, s’est fait pauvre en ce monde…
  • Partager le sort et la condition des petits: « ils s’appelleront Frères Mineurs ». Prendre le pari des pauvres.

Je me demande ce que nous ajouterions aujourd’hui et je crois que nous le dirions à peu près dans les mêmes mots…

Au temps de mes grand-parents…

Par curiosité, j’ai été trouver un frère ancien pour savoir si d’autres brochures vocationnelles avaient été produites auparavant. Il m’en a sorti une des années 1950. Presque une relique tant le papier est abîmé, la reliure fragile. Les photos sont encore plus étonnantes pour moi, comme sorties d’un autre monde… Un monde où le Général de Gaulle, Édith Piaf ou Jean Gabin faisaient encore la une des journaux.

Je suis frappé par la façon dont le choix des images met en avant la mission auprès des gens. Frère devant des HLM en construction, frère au milieu d’ouvriers, frères avec de jeunes couples, avec des étudiants… Les frères avaient moins peur de partager leur mission avec des photos qu’aujourd’hui !

Et pour présenter la vie franciscaine, ce résumé simple et direct : « Aimer, tout est là ».

Toujours plus loin…

Encore plus fort… Le frère me sort une revue vocationnelle datant d’avant la guerre! Les frères portent la tonsure, la messe est célébrée dos au peuple. On y parle des missions en Indo-Chine, au canal de Suez, au Maroc, en Chine, de l’apostolat en France… On y distingue soigneusement le scolasticat ou les études de la vie des frères convers. On y voit un réfectoire rempli de frères, une immense bibliothèque…

Et pourtant, c’est encore la vie de fraternité, la mission à la suite du Christ et la vie de prière qui sont mises en avant. Elles sont la sève de la vie des frères, telle qu’ils la partagent dans ce document.

La vocation du frère C.

Dans l’une de ces brochures, le frère C. partage ce qui a été le déclencheur de sa vocation. Il écrit :

 « J‘ai été séduit par François de la façon la plus secrète, et quand j’ai répondu à son appel, j’ignorais presque tout de lui et de moi. Mon cœur était seulement désireux de ce qu’il y a de plus grand, de plus noble, de plus beau. J’ai su dès le premier instant que je ne pourrais être déçu… Depuis, François m’a conduit doucement et fermement vers l’Ami que j’attendais si fort. Il m’a dit: Tu te croyais quelqu’un, je t’ai montré que tu n’es qu’un petit bonhomme de rien du tout; va avec confiance maintenant. Accueille Dame Pauvreté comme une sœur ; deviens vraiment un frère, et puis cours, Il t’attend… Et voici je cours, et je sais qu’avec moi courent mes frères. »

Frère C.

Le récit de ce frère est à la fois très incarné et personnel, mais il semble en même temps intemporel tellement il témoigne d’une expérience spirituelle vive, renouvelée à chaque génération.

Retour vers le futur : un même élan, une même soif, un même désir

Certes aujourd’hui, nous ferions les choses différemment, avec plus de couleurs, plus d’effets photoshop, accompagnées d’une vidéo YouTube facilement partageables sur Facebook ! Mais dans toutes ces brochures, c’est la même soif de vivre l’Évangile qui transparaît; le même désir de vivre en frères mineurs, le même élan de faire connaître l’amour du Seigneur à toute créature.

Et moi, je prends conscience qu’à travers mes petits tracts vocationnels, je ne fais finalement que reprendre un flambeau que des générations de frères se sont déjà transmis les unes aux autres. Peut-être qu’on pourra dire que mes tracts sont plus beaux, plus actuels, qu’ils passent mieux sur les réseaux sociaux… Mais je ne suis pas dupe : un jour, on dira certainement qu’ils sont démodés. Sic transit gloria mundi ! Mais j’espère surtout qu’on pourra y sentir la même soif, le même désir et le même élan.

« Souviens-toi de ta vocation » (Sainte Claire)

En remettant aux archives ces tracts, précieux témoignages de notre mémoire vocationnelle, c’est une profonde action de grâce pour tous ces frères qui m’ont précédé qui vient en moi, pour tous ceux qui, au fil des siècles, ont maintenu vivante la mémoire de ce petit homme d’Assise qui a nourri tant de vies. Et finalement, une action de grâce pour toute l’Église, pour ces générations d’hommes et de femmes qui ont témoigné que la mort et la résurrection de Jésus-Christ ne sont pas seulement des évènements passés, mais qu’ils font jaillir à toute époque une vie toujours nouvelle, donnée en abondance. Quelque chose de la communion des saints qui remplit de confiance…

« Viens, bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton maître… »

Mt 25,23

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