Rencontre avec le Définitoire des Pays-Bas

Des frères plus jeunes arrivent, étonnamment ils gèrent mieux la tradition que nous et réclament autre chose.

De passage à Paris, le définitoire de la Province des Saints Martyrs de Gorcum nous a partagé le projet du Monastère de Saint Damien, un projet porté en famille franciscaine à Hertogenbosch au cœur des Pays-Bas.

« Nous vivons une étape très intéressante. Dans un passé proche, nous avons fermé plusieurs maisons. Il a fallu nous rendre à l’évidence et accepter la réalité telle qu’elle est : une chute de notre nombre et peu de vocations. Peu de vocations mais quand même quelques entrées alors nous avons décidé de nous mettre à leur écoute. Pour cela nous avons demandé aux plus jeunes : « De quoi rêvez-vous pour le futur ? ».  Depuis 2015, nous avons pris le temps d’écouter les moins de 60 ans ensemble puis en plus petits groupes et/ou individuellement. Un vrai temps d’écoute et de discussions.

Nous avons pris conscience que nos actions provinciales sont souvent déterminées par le passé, nos années de mission engagées où nous étions nombreux. Et des frères plus jeunes arrivent, étonnamment ils gèrent mieux la tradition que nous et réclament autre chose. Une présence différente de celle que nous avons connue, des modes de vie que nous n’aurions jamais souhaités ou imaginés : le retour à la vie au couvent, le désir d’avoir une paroisse… Nous ne pouvions pas leur imposer notre manière de vivre l’Evangile à la suite de François.

En même temps, nous n’avions pas de maison qui pouvait correspondre à ce type de présence alors nous avons fait appel aux évêques, sans succès. Puis, nous avons découvert que nos frères capucins vendaient leur couvent Saint-Damien. Un couvent et un cloître magnifiques, au coeur de la ville d’Hertogenbosch, avec une paroisse, à côté de la gare et de l’université…Quand nous avons témoigné notre intérêt, l’Ordre franciscain séculier et les clarisses nous ont dit : « Ne pourrions-nous pas imaginer quelque chose ensemble » ?

Nous sommes allés parler au Provincial des capucins, c’était un vendredi soir, et il nous a dit que dès lundi il pensait vendre ! Nous avions trop peu de temps et il a accepté de nous laisser le temps de la réflexion pour bâtir un projet. Notre argument a été de dire aux capucins : le plus beau cadeau que vous puissiez laisser à la ville d’Hertogenbosch c’est la possibilité au charisme franciscain de perdurer, voire de renaître.

Au-delà de l’achat du couvent, s’est vite posé la question : « allons-nous vraiment le faire et comment ? ». Il n’y avait pas vraiment de projet, plutôt des idées et des désirs. En 2017, nous avions quatre jeunes frères, ils ont été accompagnés, ils se sont beaucoup rencontrés et ont commencé à façonner un projet de vie. Mais ce couvent est immense et nous ne voulions pas faire un projet strictement réservé aux jeunes. Alors certains frères âgés, plutôt enthousiastes sur le projet, se sont joints à eux. Deux frères capucins n’étaient pas encore partis et nous nous sommes dit qu’il y aurait de la continuité s’ils restaient dans le projet. Tous les deux étaient octogénaires, l’un assumait une large présence pour les confessions et connaissait beaucoup de monde, il avait été l’ancien gardien et avait même son atelier d’art dans le couvent ! Un frère capucin plus jeune a lui aussi été séduit par le projet et a demandé à rejoindre le groupe ! Nous avons maintenant un équilibre : 5 jeunes frères et 5 aînés.

Le couvent a été pensé dans le respect des âges et des besoins de chacun, par exemple les plus jeunes ont une sorte de salon où ils peuvent se retrouver pour une bière, inviter des amis, quelque chose d’accueillant, de « jeune » ! L’ancien gardien capucin aime beaucoup recevoir du monde et connaît de nombreuses familles et il n’était pas question de lui interdire ! Il a fallu que chacun trouve sa place. Cela demande beaucoup de tolérance et d’acceptation, il en va de même entre capucins et franciscains ! La liturgie a été complètement changée ! C’est une véritable expérience de vie franciscaine et, dans les moments difficiles, il faut savoir revenir à l’engagement initial : « Pourquoi avons-nous fait cela ? » 

Les mots sont importants et, depuis le début, nous insistons pour dire qu’il ne s’agit pas « d’une seule communauté » ou « d’une communauté inter-obédience » mais plutôt d’un « projet de large présence franciscaine ». Surtout que trois de nos sœurs clarisses ont exprimé leur désir de vivre avec nous. Il faut du temps pour que les personnes perçoivent le projet, l’enjeu et pour que les choses soient claires. Si on ne prend pas ce temps alors c’est voué à l’échec. C’est notre mission au Définitoire d’accompagner ce processus. Quand on se connaît bien, on sait ce qu’on peut faire ensemble et ce qui ne marchera pas.

Dans notre Province, nous avons une longue tradition d’attention à la communication. Nous avons des personnes extérieures, des professionnels du coaching et de l’accompagnement personnel qui nous aident. Chaque mois, les communautés les rencontrent pour nous aider à mieux communiquer, à nous décentrer, à partager en profondeur ce qui se vit au cœur de chacun. Avec le temps, des sœurs et des frères ont aussi développer des compétences pour accompagner les communautés. Nous avons véritablement appris à entendre des avis extérieurs, même si nous ne sommes pas toujours d’accord. Ces professionnels que nous connaissons maintenant depuis longtemps ont instauré un climat de confiance, une qualité d’écoute. Ils ne sont pas là pour nous juger, juste nous aider à faire un pas de plus dans notre vie franciscaine et chrétienne.  

Aujourd’hui, l’un de nos frères est curé de la paroisse, un autre travaille dans la santé, un autre avec les sans-abris mais très tôt, les membres du projet ont veillé à créer des espaces pour de nouveaux projets non seulement fédérateurs mais créateurs de liens entre eux et avec l’extérieur. Il y a par exemple une pastorale de rue mais aussi le Mouvement franciscain qui rassemble de nombreux laïcs engagés dans la formation, la sensibilisation et l’annonce de la spiritualité franciscaine pour aujourd’hui. Tous ensemble, nous sommes plus forts, chacun apporte quelque chose.

En février 2018, l’ancien Ministre OFS et son épouse sont « entrés dans la danse », c’est une belle confirmation de la pertinence du projet. Et c’est aussi pour cela que nous avons fait le choix de déplacer le Provincialat OFM là-bas en octobre 2018. Il y a non seulement de la place mais c’est aussi pour encourager la démarche, lui donner appui et énergie. Aller vers la vie et le monde d’aujourd’hui ! »

Propos recueillis par Emilie Rey auprès du frère Rob Hoogenboom, Ministre Provincial et le frère Ariejan Kuin, Secrétaire de la Province

Quelques photos sur ce lien.
Page Facebook : Stadsklooster San Damiano

Contact