“Nous t’adorons, Seigneur Jésus Christ”: l’histoire d’une prière

Le christianisme n’est pas une religion doloriste, masochiste, mais une éthique de dépassement.

Le saviez-vous ? À la fin des offices et partout dans le monde, les frères récitent une courte prière d’adoration. Cette prière n’est pas seulement un signe de continuité historique à l’intérieur de la famille franciscaine. Elle est un geste de communion fraternelle qui dépasse toutes les frontières. Quelle en est l’origine et que nous dit-elle sur le Poverello ?

Saint François écrit dans son Testament : “Le Seigneur me donna une telle foi dans les églises que je priais ainsi simplement et disais : “Nous t’adorons, Seigneur Jésus”, (+ “ici” dans certains manuscrits) et (vers) toutes les églises (ad omnes ecclesias tuas) qui sont dans le monde entier et nous te bénissons, car par ta sainte Croix tu as racheté le monde.”” François adopte une antienne des matines de l’office du bréviaire pour la fête de la sainte Croix du 14 septembre. Mais il y ajoute : “Seigneur Jésus », « à toutes les églises”, “sainte”.

ADORER LE CHRIST PASCAL

Ce titre de “Seigneur” manifeste que pour François, il ne s’agit pas d’adorer un édifice de pierre, mais le Christ pascal, mort et ressuscité, dans sa nouvelle présence eucharistique désormais universelle et vénérée dans les églises. François ne dissocie jamais le Christ crucifié et le Christ glorieux. Toute sa vie se déroule sous ce double regard de foi sur Jésus Sauveur et Seigneur. “En tout lieu où une église était construite, pour peu que, même sans être sur place, ils arrivent tant bien que mal à l’apercevoir, ils s’inclinaient à terre dans sa direction ; après avoir incliné l’homme intérieur et extérieur, ils adoraient le Tout-Puissant, en disant : “Nous t’adorons, Christ, et à toutes les églises…” comme le Saint-Père le leur avait appris. Et ce qui n’est pas moins admirable, partout où ils apercevaient une croix ou un signe de croix, que ce soit sur la terre, sur un mur, sur les arbres ou sur les haies du chemin, ils faisaient de même” (1 C 45).

UNE ÉTHIQUE DE DÉPASSEMENT

Toute l’itinérance apostolique de François et de ses frères se déroule à l’ombre de la Croix, signe permanent de notre salut. Elle les conduit à l’adoration émerveillée et reconnaissante. François voudra revivre tous les sentiments et les actes sauveurs du Seigneur. Il aura un besoin profond de s’identifier à celui qu’il aime. Les stigmates ne feront que confirmer l’orientation de toute une vie. Suivre le Christ pour lui, c’est suivre le Christ pauvre et crucifié. Le christianisme n’est pas une religion doloriste, masochiste, mais une éthique de dépassement. “Porter sa croix”, ce n’est pas s’inventer de multiples sacrifices, mais c’est sortir chaque matin de son égoïsme, de sa petite bulle, pour aller à la rencontre de l’Autre et des autres. Et dans la situation actuelle de l’homme blessé par le péché, ce chemin est crucifiant. Si le Christ nous précède sur ce chemin de conversion – aimer plus aujourd’hui, davantage demain -, c’est qu’il n’y a pas d’autre chemin d’humanisation et d’accomplissement de la destinée de l’homme.

Fr. Michel HUBAUT, OFM

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